Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

paléochrétien (art) (suite)

L’Église ne s’est pas constituée en un jour. Elle n’apparaît qu’à la suite d’une longue évolution, dont la source est l’institution de l’eucharistie* par le Christ dans un coenaculum grande (grande salle de repas) à Jérusalem. L’accroissement du nombre des fidèles amène peu à peu à abandonner la forme du repas en commun et à distinguer dans un même espace d’une part la liturgie de l’eucharistie accomplie par les prêtres, d’autre part le reste de l’assistance. D’une salle un peu vaste, on passe ainsi à un rez-de-chaussée (Doura-Europos) ou à un étage (les tituli de Rome). Ces maisons ecclésiales se perpétueront au cours du iiie s. En même temps, le nombre croissant des fidèles invite, en divers lieux, à employer un édifice entier. Le choix se porte, mais de façon d’abord isolée, sur la basilique*, qui deviendra prépondérante : à la différence des temples païen ou juif, cet édifice, d’origine civile, permet en effet la participation active des fidèles à l’action cultuelle qui s’accomplit dans le chœur. Une basilique est en usage dès la fin du iie s. à Antioche.

À ses débuts, l’art chrétien ne peut se déployer au grand jour. Encore ne faut-il pas, malgré l’ostracisme qui le poursuit, exagérer le caractère secret de la vie chrétienne. Les persécutions, si cruelles qu’elles fussent, n’ont été qu’épisodiques. Elles n’enlevaient pas, en particulier, aux confréries le droit d’acquérir des concessions funéraires. C’est là que se développa, notamment en sculpture et en peinture, l’art des premiers chrétiens. Si la plupart d’entre eux se font ensevelir, comme les païens, dans des cimetières à ciel ouvert, certains, en nombre restreint, préfèrent l’hypogée (cimetière souterrain à un ou deux étages avec une ou deux chambres), ou, à Rome* exclusivement, la catacombe (plusieurs étages avec un grand nombre de chambres). Le premier et le plus vénéré des monuments funéraires est la tombe de saint Pierre (sous le Vatican), marquée par un baldaquin à colonnes surmonté d’un fronton et autour de laquelle se groupent des sarcophages. C’est sur ce modèle que s’ordonnent, par dévotion à un martyr, les catacombes (mot provenant du nom de la sépulture de saint Sébastien, située près d’une dépression de terrain qui l’avait fait surnommer ad catacumbas). Hypogées et catacombes renferment des sarcophages sculptés dans des chambres, lesquelles, comme de loin en loin les arcosolia (petites niches semi-circulaires) des couloirs, s’ornent de peintures.

Les sujets sont, pour la plupart, empruntés à l’Ancien Testament. Il s’y mêle quelques autres, pris dans le Nouveau. On ne craint pas de recourir à des thèmes du répertoire païen, mais revêtus d’une signification chrétienne, comme les saisons ou les amours. Ce n’est pas la préoccupation du secret, mais le tour d’esprit symbolique de l’époque qui est responsable de l’absence de sujets comme le Christ, la Passion ou la Résurrection, lesquels sont, au contraire, évoqués par le Bon Pasteur ou le cycle de Jonas. L’évolution du style va d’un certain classicisme à des formes ramassées. On la suit sur les reliefs de sarcophages, depuis celui de la via Salaria à Rome ou celui dit « de la Gayole » à Brignoles, en France, jusqu’à celui, qui est fragmentaire, de Petronius Melior au musée du Louvre ; ou, en peinture, depuis le Bon Pasteur élancé de la catacombe de Calixte jusqu’à l’Éros cueillant des fleurs de la catacombe de Domitille, en passant par la tête d’Apôtre de l’hypogée des Aurelii.


Période d’émergence (260-313)

Le rescrit de Gallien, qui, en 260, rend aux chrétiens leurs églises et leurs cimetières, est un signe de l’importance qu’ils prennent dans l’Empire et de la nécessité de les ménager. La persécution, reprise par Dioclétien en 303 et poursuivie par Galère jusqu’en 311, marque le dernier sursaut d’un pouvoir qui s’appuyait sur les fonctions de l’empereur comme pontife suprême de la religion païenne, ciment supposé de l’Empire.

En cette période, à côté des tituli, la plupart des églises n’ont sans doute que la forme de grandes salles, et les martyriums (v. saint), petits édifices à abside ou à plan central sur le modèle des mausolées, ont tendance à se multiplier à côté ou au-dessus de tombes. Les murs commencent à se creuser de loculi, trous rectangulaires où l’on place les corps des défunts.

La décoration demeure restreinte aux tombes. Aux sujets de l’Ancien Testament, encore prédominants, s’en ajoutent d’allégoriques, comme l’orante ou le philosophe. Sur les sarcophages, le portrait triomphal du défunt est devenu constant. Les formes, dans la couleur ou la sculpture, se sont épaissies. Cette manière se retrouve ailleurs : scènes gravées sur des « fonds de verre » scellant la pierre qui bouche les loculi (dont la plus importante collection est au Vatican), petite statuaire, comme le Bon Pasteur en ivoire du Louvre, ou même, quoique restant dans une ligne plus classique, groupes en marbre de Jonas ou du Bon Pasteur du musée de Cleveland.


Sortie au grand jour (313-391)

La liberté qui lui est octroyée dans les mêmes conditions que pour les cultes païen ou juif donne au christianisme toutes ses chances à compter de l’édit de 313.

Sous l’impulsion de Constantin, la basilique prend immédiatement son plus grand développement. Par la place ménagée dans le fond du chœur au mémorial du prince des apôtres à Saint-Pierre de Rome ou à la Croix dans la basilique du Calvaire de Jérusalem, elle met en rapport avec l’offrande de l’eucharistie le sacrifice des martyrs, et du premier d’entre eux, le Christ. Les mausolées circulaires sont nombreux. Ils se distinguent encore de l’église, comme celui de Sainte-Constance à Rome ; mais la fusion s’opérera de plus en plus entre le martyrium et le sanctuaire de culte divin. La parure architecturale reste sobre. Le plus souvent, elle recherche surtout des effets de couleurs et de lumière. C’est plutôt dans les mausolées — en mosaïque à Sainte-Constance, en mosaïque et en peinture à Centcelles (prov. de Tarragone), en Espagne — que se déploie une décoration figurée, de genre « scénique ».