Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pacifique (océan) (suite)

La région du Kuroshio

Dévié vers le nord le long de l’archipel des Philippines et de Taiwan, le courant nord-équatorial donne naissance à un petit « Gulf Stream » appelé le Kuroshio, ou courant noir. Plaqué contre l’arc insulaire des Ryūkyū et de Honshū, il écoule à grande vitesse (entre 4 et 10 km/h) des eaux d’un bleu sombre (d’où son nom), dessalées (environ 34,5 p. 1 000 en été) et tièdes. Au-delà du cap Noshima Saki, ces caractères se dénaturent. Comme nombre de courants des bordures occidentales des océans, il présente un cours tantôt rectiligne, tantôt sinueux : périodiquement, il décrit des méandres vers le sud comme celui que l’on observe depuis 1954 au sud du cap Shivo Misaki (voir carte). Sur sa droite, il se ralentit et décrit dans toute la partie septentrionale de la mer des Philippines un grand mouvement de rotation plus ou moins favorisé par les obstacles sous-marins, notamment l’arc insulaire des Ogasawara (ou Bonin) ; par ce mouvement, connu sous le nom de contre-courant du Kuroshio, les eaux échappées de celui-ci sont ramenées vers le sud, puis le sud-ouest jusqu’au front hydrologique subtropical. Sous l’ensemble appelé « système du Kuroshio » chemine, venant du nord, une eau de mélange (dite « intermédiaire ») riche en oxygène et formée au nord-est de Honshū dans la région du front hydrologique polaire (voir plus loin). Les innombrables mesures effectuées par les Japonais ont permis de suivre la lente progression de cette eau qui décrit un grand mouvement de rotation vers l’ouest, puis vers le nord-ouest. À la suite d’une série d’hivers plus rigoureux dans les régions polaires, ce sous-courant devient plus abondant au point de remonter en « bulle » dans la couche superficielle ; cette pénétration des eaux froides est responsable de la formation des grandes sinuosités du Kuroshio, qui doit les contourner très largement vers le sud. Au cœur de la rotation cyclonique, les sels sont abondants, et la pêche y est active, notamment pour le thon (voir croquis).

L’écoulement des eaux sur la bordure occidentale du Kuroshio est plus complexe, car celles de la plate-forme continentale formant la mer de Chine orientale (Donghai [Tong-kai]) sont très influencées par l’alternance saisonnière des conditions climatiques. En été, le Kuroshio se mêle à elles en un même mouvement de progression vers le nord ; seul un courant littoral draine vers le sud des eaux peu salées et plus froides apportées par les fleuves en crues, notamment le Yangzijiang. En hiver, les eaux froides (de 8 à 12 °C) et peu salées (de 31 à 33 p. 1 000) du courant de Shanghai (Chang-hai) [issu de la mer Jaune] occupent toute la plate-forme et repoussent l’axe du Kuroshio vers le large jusqu’à la fosse d’Okinawa. Entre les eaux sombres du Kuroshio et celles plus pâles ou même jaunâtres du courant de Shanghai, un front instable et tourbillonnaire s’établit alors. Un tel affrontement entre des masses d’eau d’origines si variées est responsable de la très grande richesse des parages du Japon, où s’est élaborée la plus importante civilisation halieutique qui existe au monde. Elle fait coexister les pêches traditionnelles (algues, coquillages, pêche à la senne), comme on en trouve encore dans toute la mer Intérieure, et les formes les plus hautement industrialisées. Celles-ci tendent à se regrouper : d’une part sur la côte ouest de Kyūshū, où se trouvent les premiers ports japonais (comme Nagasaki ou Fukuoka), tournés essentiellement vers le chalutage et la grande pêche au filet en mer de Chine ; d’autre part au sud de Honshū, avec Tōkyō, Yokohama, Yaizu, qui ont lancé la pêche tropicale à l’appât vivant et à la palangre dérivante (thonidés). Dans ces ports, où se sont établies les grandes compagnies de pêche, une part non moins importante est consacrée aux activités industrielles et commerciales au point que le grand complexe de Tōkyō-Yokohama est devenu un des premiers ports de pêche du monde. Sur les rivages de la Chine moyenne, en dépit des conditions favorables offertes par les régions amphibies situées de part et d’autre du bas-Yangzi, la pêche ne joue encore qu’un rôle secondaire ; mais toute l’activité marchande est concentrée à Shanghai.


La région des vents d’ouest

Un caractère commun l’emporte : ce sont des mers difficiles, mais riches. La fréquence des perturbations développées sur le front polaire leur impose des conditions climatiques et nautiques très sévères. L’hiver se révèle particulièrement inhospitalier, avec des mers fortes, affectées d’un très sensible abaissement de la température. Cette rigueur est surtout ressentie en bordure de l’Asie, de la mer Jaune à la mer de Béring, balayée par l’air glacial et les blizzards venus de Sibérie. La température de l’eau de surface tombe à 10 ou 5 °C, au point que les littoraux, au plus fort de l’hiver, sont bloqués par une banquise occasionnelle qui peut durer plusieurs semaines. Tous les hivers, Vladivostok (cependant à la latitude du cap Finisterre) travaille grâce au concours d’une flottille de brise-glace ; et les conditions de formation de la glace sont encore plus rigoureuses au nord, de telle manière que les parages septentrionaux du détroit de Tartarie (entre l’île de Sakhaline et la côte sibérienne) et de la mer d’Okhotsk sont à ranger dans les mers froides (v. Arctique [océan]). En été, les conditions s’améliorent. En plein océan, l’extension polaire des hautes pressions subtropicales produit un apaisement passager de la mer, qui se réchauffe jusqu’à dépasser 20 °C vers la latitude de 40° N. Cette amélioration n’est qu’à peine ressentie dans l’océan Austral, privé de tout abri continental. Les mers marginales de l’Asie sont abreuvées en humidité par la mousson et, occasionnellement, par les typhons qui viennent ici terminer leur carrière. Sur l’eau réchauffée (10 °C aux Kouriles, 20 °C en mer du Japon), l’air exotique encore tiède se charge de brouillards persistants qui gênent considérablement la navigation.