Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Oxford (suite)

L’originalité de l’université, lentement façonnée au cours des siècles, est d’avoir conservé son organisation médiévale, avec en premier lieu le système des collèges. En effet, ce sont les collèges qui forment l’élément constitutif fondamental de l’édifice universitaire. Chaque collège est autonome et régi démocratiquement par une assemblée composée des professeurs, ou fellows, et du chef, ou head, appelé selon le cas master, warden, rector, provost, principal ou président. À l’intérieur du collège, l’existence continue de refléter les habitudes anciennes héritées de la communauté formée par les maîtres et les étudiants.

Les collèges les plus anciens datent du xiiie s. : ce sont par ordre d’ancienneté University College (1249), Balliol College (v. 1263), Merton College (1264). Parmi les plus fameux on peut citer New College (1379), Magdalen College (1458), Christ Church College (1525), fondé par le cardinal Wolsey et véritable pépinière de Premiers ministres (le collège en a fourni à lui seul neuf au cours du xixe s.). All Souls College (1438) forme un cas à part : collège sans étudiants, il ne comporte que des fellows, professeurs, chercheurs ou hommes politiques. Entre 1878 et 1952, à la suite du mouvement en faveur de l’accès des jeunes filles à l’enseignement supérieur, sont apparus cinq collèges féminins. Depuis la Seconde Guerre mondiale sont venus s’ajouter cinq nouveaux collèges mixtes pour les étudiants diplômés et les chercheurs (Nuffield, Saint Antony’s, Linacre, Saint Cross et Wolfson), ce qui porte le total des collèges à trente-quatre.

L’université proprement dite a à sa tête un chancelier (aux fonctions essentiellement honorifiques) ; elle est administrée en fait par un vice-chancelier élu, assisté du registrar et d’un conseil exécutif également élu, le conseil hebdomadaire (Hebdomadal Council). C’est l’université qui gère les services communs, notamment la bibliothèque (la Bodleian Library, fondée en 1602 par Thomas Bodley et riche de plusieurs millions de volumes), les laboratoires (Oxford a considérablement développé depuis un demi-siècle les études scientifiques), les musées ; c’est elle qui confère les grades, programme les études et répartit les fonds communs. Les effectifs de l’université atteignent environ 10 000 étudiants et 2 000 professeurs.

Ville universitaire, épiscopale et touristique, Oxford est en outre devenue un centre industriel actif, de même que plusieurs villes de son voisinage. William Richard Morris (anobli plus tard sous le nom de lord Nuffield) fondait en 1913 à Cowley, à 4 km des collèges universitaires, une usine de cycles qui devenait bientôt une usine de construction automobile. La plus grosse usine d’emboutissage de Grande-Bretagne fonctionne aussi à Cowley depuis 1926. Ces deux usines, englobées dans le groupe British Leyland, fournissent respectivement 13 000 et 11 000 emplois. Oxford est ainsi devenue l’un des principaux centres britanniques de l’industrie automobile. Abingdon, 10 km au sud, fabrique en outre des voitures de sport. L’usine de carrosserie de Swindon, à 50 km au S.-O., n’est dépassée en importance dans le pays que par celle de Cowley. Le centre d’études nucléaires de Harwell, à 20 km au sud, le premier de Grande-Bretagne, a été attiré par le voisinage stimulant de l’université.

Oxford se trouve à l’un des principaux carrefours du sud de l’Angleterre. Un éventail de routes venues de l’ouest (Gloucester), du nord (Birmingham), du nord-est (Northampton, Leicester), de l’est (Bedford) y converge. Presque tout le trafic de l’Écosse, du nord de l’Angleterre, de l’Est-Anglie et des Midlands en direction de Southampton – Portsmouth s’engouffre ainsi dans l’agglomération d’Oxford et s’ajoute au trafic engendré par les usines locales : de là le projet « sacrilège » de percer une autoroute de dégagement à travers les pelouses universitaires.

La géographie physique préparait cette croisée de voies naturelles. Oxford est installée au pied de la cuesta corallienne, dans la percée de la haute Tamise, à l’endroit où le coude du fleuve canalise la circulation vers l’ouest à l’amont, vers le sud à l’aval. Deux affluents se jettent dans la Tamise : l’un, la Cherwell, à Oxford même, mène vers le nord, l’autre, le Thame, vers l’est. Le trafic moderne obéit ainsi aux directions imposées par la nature.

La population d’Oxford-Cowley (109 000 hab. en 1971) a peu augmenté depuis une trentaine d’années. Les autorités municipales souhaitent en effet limiter la croissance urbaine pour laisser à Oxford son caractère de ville moyenne, riche d’art et d’histoire. Malgré la proximité de Londres (85 km), Oxford échappe encore à l’attraction quotidienne de la capitale. On craint néanmoins qu’elle ne devienne une simple ville de banlieue à bref délai.

Le mouvement d’Oxford

On appelle mouvement d’Oxford ou mouvement tractarien l’effort de réforme tenté par une minorité active d’universitaires d’Oxford à l’intérieur de l’Église anglicane de 1833 à 1845. Parmi les initiateurs, tous des clergymen unis par le zèle et l’amitié, mus par une piété ardente et une communauté de vues théologiques, il faut citer surtout John Henry Newman*, John Keble (1792-1866), Edward Bouverie Pusey (1800-1882). Leur idée de base était de restaurer la religion anglicane, considérée comme une via media entre le catholicisme romain et le calvinisme, dans sa pureté en la protégeant contre les dangers du libéralisme intellectuel (latitudinarisme) et de la sécularisation de l’État (d’où le sermon de Keble du 14 juillet 1833 sur l’Apostasie nationale qui constitue le point de départ du mouvement). En même temps, les théologiens du mouvement veulent rendre à l’anglicanisme* — considéré par eux comme somnolent — le sens de la tradition dans toute sa richesse et son étendue, non seulement la tradition de l’Église d’Angleterre depuis la Réforme, mais aussi celle de l’Église des premiers siècles, en s’appuyant sur les Pères de l’Église et en se réclamant de la succession apostolique. De 1833 à 1841, le mouvement publie une série de « Tracts » (Tracts for the Times) où sont exposés les principes de la régénération ecclésiale et spirituelle. Mais ces tracts soulèvent une vive opposition dans la partie du clergé anglican la plus marquée par le calvinisme, en particulier le tract no 90, qui fait scandale en 1841 : la publication doit être suspendue. En même temps, certains des animateurs commencent à éprouver des doutes de plus en plus graves à l’égard de l’Église d’Angleterre. Le plus illustre, Newman, en 1845, se convertit au catholicisme. Son exemple est suivi par une série d’autres ecclésiastiques, ce qui porte un coup terrible aux tractariens.