Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

Owen (Robert) (suite)

La seconde phase, de 1800 à 1824, est celle du patron modèle : à partir d’une éclatante réussite technique, il peut procéder à des expériences philanthropiques en faveur de ses ouvriers. En pleine époque du capitalisme sauvage, New Lanark démontre comment il est possible de concilier un haut niveau de productivité avec le bien-être des salariés. Owen commence alors à développer des idées conduisant à une transformation radicale de la société, mais très vite il inquiète par son audace révolutionnaire.

Alors, en 1825, il se lance dans une expérience socialiste aux États-Unis en créant de toutes pièces une communauté, ou « village de coopération », New Harmony. C’est un échec complet.

Nullement découragé, Owen au cours d’une quatrième période (1829-1834) se tourne vers le mouvement ouvrier, il en devient le guide, il essaie de faire pénétrer ses théories dans les syndicats et les coopératives alors en plein développement : c’est la création à Londres en 1832 d’une Bourse nationale d’échange équitable du travail (The Equitable Labour Exchange), où des bons de travail remplacent la monnaie, puis la formation en 1833-34 d’une vaste fédération syndicale (la Grande Union morale des classes productrices, qui devient ensuite la Grande Union nationale consolidée des métiers [Grand National Consolidated Trades Union]). De nouveau les échecs s’accumulent.

À partir de 1855 commence la dernière phase de la vie d’Owen. Suivi d’un petit groupe de sectateurs dévoués, le propagandiste, toujours inlassable et toujours utopique, prêche avec la même foi et le même optimisme l’avènement d’un « nouveau monde moral » débarrassé des injustices sociales et des superstitions religieuses. Cependant, Owen tombe peu à peu dans l’oubli, et, lorsqu’il meurt en 1858, l’idée de coopération* a déjà été reprise, mais avec des ambitions beaucoup plus modestes, par le mouvement coopératif issu des Equitables Pionniers de Rochdale.

Les idées d’Owen sont longuement exposées dans ses écrits, dont les principaux sont la Nouvelle Vue sur la société, ou Essais sur le principe de la formation du caractère humain (A New View of Society, or Essays on the Principle of the Formation of the human Character) [1813-14], le Rapport au comté de Lanark (The Report to the County of Lanark), paru de 1815 à 1821, et le Livre du nouveau monde moral (The Book of the New Moral World) [1836-1844], à quoi on doit ajouter une intéressante autobiographie intitulée Vie de Robert Owen par lui-même (Life of Robert Owen written by himself) [1857]. Owen, très marqué par la philosophie du xviiie s., est convaincu que l’être humain est déterminé par le milieu extérieur. Tout dépend donc du conditionnement et de l’environnement. Transformer ceux-ci, c’est transformer la nature humaine. De là l’importance décisive de l’éducation et la nécessité de réorganiser le milieu économique (l’entreprise), les conditions du travail et le système de la production. La science de la société, qu’Owen affirme apporter, promet le bonheur dans la mesure où sera assuré un « système de coopération générale et de propriété collective ». L’avenir est dans le coopératisme, c’est-à-dire un régime communautaire assurant dans un cadre mixte de travail industriel, de travail agricole et de travail domestique la production et l’échange pour le bien de tous. Selon Owen, cette transformation radicale de la société doit s’opérer pacifiquement et sans violence. Grâce à la vertu illuminatrice de la raison, les esprits se convaincront d’eux-mêmes de la supériorité du socialisme, rejetteront les trois ennemis du genre humain — la propriété privée, le mariage et la religion — et seront conduits spontanément à la synthèse entre bonheur individuel et bonheur social.

Une expérience owenienne : la colonie de New Harmony

Pour mettre en pratique ses théories, Owen décide d’établir aux États-Unis une colonie communiste où régneraient les principes coopératifs. En 1824, il achète 8 000 ha de terrains, de bâtiments, d’usines et d’ateliers dans une petite ville de l’Indiana. Le « village de coopération » de « la Nouvelle Harmonie » s’installe l’année suivante. Il s’agit d’instaurer une « association scientifique d’hommes, de femmes et d’enfants » comprenant environ 1 200 personnes. Travail et vie privée sont soigneusement réglementés. New Harmony doit être un exemple de propriété commune du sol et des ateliers, d’exploitation collective de la terre et d’égalité des rémunérations. En fait, l’expérience tourne très vite au fiasco : économiquement, elle ne s’avère pas viable, les produits ne trouvant pas de débouchés ; surtout, les zizanies et les factions minent de l’intérieur la communauté, qui éclate en 1827. On en revient à la propriété individuelle. L’harmonie promise par Owen n’a été qu’un rêve.

À partir des doctrines d’Owen ou de ses disciples (George Mudie, Abram Combe, John Minter Morgan), d’autres expériences communautaires sont tentées en Angleterre, en Écosse, en Irlande, aux États-Unis surtout, mais toutes aboutissent à des échecs.

F. B.

➙ Coopération / Ouvrière (question) / Socialisme.

 E. Dolléans, Robert Owen, 1771-1858 (Alcan, 1907). / G. D. H. Cole, The Life of Robert Owen (Londres, 1930 ; 3e éd., 1965). / M. Dommanget, Robert Owen (Soc. univ. d’éd. et de librairie, 1956). / R. Owen, Textes choisis (Éd. sociales, 1963). / J. F. C. Harrison, Robert Owen and the Owenites in Britain and America (Londres, 1969). / J. Butt, Robert Owen, Prince of Cotton Spinners (Newton Abbot, 1971). / S. Pollard et J. Salt, Robert Owen, Prophet of the Poor (Londres, 1971).

Oxford

Ville universitaire de Grande-Bretagne, chef-lieu du comté d’Oxfordshire, siège d’un évêché, située à 90 km au nord-ouest de Londres sur le cours supérieur de la Tamise.


Ancien bourg saxon, la ville constituait un carrefour important de routes et, comme son nom l’indique, un point de passage par gué (ford). Jouant à la fois le rôle de port et de marché, Oxford devient place forte après la conquête normande. Il semble que ce soit vers 1167 qu’ont commencé les premières fondations universitaires : les clercs anglais qui étudiaient à Paris ayant été rappelés par Henri II Plantagenêt, alors en conflit avec le roi de France ainsi qu’avec Thomas Becket, s’installent à Oxford. Ainsi naît la première université d’Angleterre, qui prend peu à peu la forme d’un studium generale avec professeurs, étudiants et facultés. Au cours du xiiie s., Oxford, grâce à des maîtres comme Robert Grosseteste, Adam Marsh et Roger Bacon, acquiert une réputation internationale qui l’égale aux centres plus anciens de Paris et de Bologne.

L’existence d’une communauté universitaire jeune et parfois turbulente amène de fréquents conflits avec les bourgeois de la ville. La coexistence difficile entre l’université et la cité (town and gown) marque pour deux siècles la vie locale. D’ailleurs, jusqu’à une période récente, Oxford est restée essentiellement une ville universitaire.