quantification

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Calque de l'anglais quantification.

Épistémologie, Logique, Physique

1. En logique, quantification du prédicat : possibilité suggérée par Hamilton et en vertu de laquelle on peut attribuer au prédicat une certaine extension. – 2. En physique, il y a quantification d'un terme lorsqu'une certaine quantité peut être attachée à l'état présent ou être prévisible de la chose ou du système concerné.

La physique du xxe s. a particularisé le sens de ce mot en l'attachant aux concepts fondamentaux de la physique quantique. Il s'agit alors du calcul des valeurs discrètes d'une grandeur quantique ne pouvant parcourir qu'un spectre « discret », par sauts quantiques de l'une à l'autre.

Le sens plus général se retrouve davantage dans le verbe quantifier. C'est alors la solution d'un problème mathématique et philosophique. Est-il possible de connaître un phénomène donné en lui associant une série (ou une fonction variable) de valeurs numériques. Les relations causales à l'œuvre dans le monde matériel et dans les expérimentations peuvent-elles être exprimées par des rapports ou des équations algébriques et analytiques ? Dans ce sens général, la quantification des phénomènes pose au fond une question essentielle de la philosophie naturelle, depuis son essor galiléen, à savoir la détermination des conditions qui rendent possible l'expression mathématique des faits scientifiques. Une telle possibilité réclame nécessairement que les moyens mathématiques soient disponibles, et – de ce point de vue – l'analyse infinitésimale en a été, historiquement, le moment inaugural. Le premier ouvrage absolument représentatif de la réussite de ce projet sont les Principia newtoniens dans lesquels les phénomènes (au sens ancien de mouvement des planètes et en un sens plus moderne du comportement mécanique des corps solides) sont effectivement mis en équation. Les conditions dans lesquelles devaient être compris les phénomènes soumis à une telle quantification ont opposé les conceptions galiléenne et cartésienne de l'abstraction, et plus généralement de la connaissance scientifique.

Vincent Jullien

Logique

La syllogistique aristotélicienne reconnaissait à côté de la qualité d'un jugement (affirmatif ou négatif) sa quantité : le fait qu'il porte sur tous les sujets ou seulement sur quelques-uns. Le calcul des prédicats admet, outre les foncteurs du calcul des propositions, deux nouveaux opérateurs : les quantificateurs universels et existentiels(1). La fonction F(x), par elle-même ni vraie ni fausse, permet d'engendrer la proposition (vraie ou fausse) singulière F(a) par assignation d'une valeur d'individu, par exemple « Ariane est une femme ». Mais il est aussi possible d'obtenir des propositions générales en quantifiant sur la variable d'individu. La proposition quantifiée universellement (x)F(x) se traduit par « Tous les x sont des femmes. » ; la proposition existentielle ExF(x) se traduit par « Au moins un x est une femme ». La valeur de vérité de ces deux propositions générales dépend du domaine d'individus choisi. Supposons le domaine réduit à deux individus : Di = {Ariane, Georges}, la proposition existentielle est vraie, l'universelle fausse. L'opération de quantification vaut aussi bien pour les propositions relationnelles. Ainsi, (xEy A(xy) traduit : « Tout le monde aime quelqu'un [de différent]. »(2).

La spécificité et la fécondité du calcul des prédicats reposent essentiellement sur ces opérations de quantification. Telle que nous venons de la présenter, la quantification existentielle admet une interprétation « objectuelle » qui suppose que le domaine de valeur est composé d'objets auxquels on assigne un statut quelconque de réalité. Une interprétation purement « substitutionnelle » est possible, où les constantes du domaine sont conçues comme de simples marques qui ne requièrent aucun engagement ontologique. On a alors affaire à une logique dite « libre ».

D'autre part, il est possible de quantifier non seulement sur des variables d'individu (logique de premier ordre), mais aussi sur des variables de prédicat. On obtient alors une logique d'ordre deux qui permet notamment de définir l'identité (deux individus sont identiques s'ils possèdent tous les mêmes propriétés : (Q)(x)(y) [(x = y) = Df (Qx → Qy)], mais qui, malheureusement, ne satisfait plus les exigences métalogiques de complétude et de décidabilité.

Denis Vernant

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Frege, G., Begriffsschrift (1879), trad. in Logique et fondements des mathématiques, Rivenc, F. et de Rouilhan, Ph., Payot, Paris, 1992, § 11 : La généralité, p. 122 sq.
  • 2 ↑ Pierce, C. S., « Sur l'algèbre de la logique » (1885) trad. Tiercelin, Cl. in Logique et fondements des mathématiques, Rivenc, F. et de Rouilhan, Ph., Payot, Paris, 1992, pp. 143-172.

→ existence, logique libre, métalogique, ontologie