postulat

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin postulatum, de postulare, « demander ».

Philosophie Générale

Dans le vocabulaire de Kant, principes qui concernent soit la pensée empirique, soit la pensée pratique (morale).

Kant emploie le terme postulat en deux sens(1).

1. Sous le nom de « postulats de la pensée empirique », il désigne les principes a priori de l'entendement, principes relatifs à la catégorie de la modalité. Ces principes de la modalité sont appelés postulats selon le sens qu'on donne à ce terme en mathématiques : « On appelle postulat dans la Mathématique, le principe pratique qui ne contient que la synthèse par laquelle nous nous donnons tout d'abord un objet et nous en produisons le concept, par exemple : décrire avec une ligne donnée et d'un point donné un cercle sur une surface. Une proposition de ce genre ne peut pas être démontrée, puisque le procédé qu'elle exige est précisément celui par lequel nous produisons tout d'abord le concept d'une telle figure. »(2). Postuler signifie donc ici déterminer le sens des actes qui constituent la connaissance ; les postulats sont subjectivement synthétiques, ils fournissent une règle pour construire un objet. Les postulats de la pensée empirique sont les suivants :
1) Ce qui s'accorde avec les conditions formelles de l'expérience (quant à l'intuition et aux concepts) est possible ;
2) Ce qui s'accorde avec les conditions matérielles de l'expérience (de la sensation) est réel ;
3) Ce dont l'accord avec le réel est déterminé suivant les conditions générales de l'expérience est nécessaire. »(3)

2. Sous le nom de « postulats de la raison pratique », Kant désigne les postulats de l'immortalité de l'âme, de l'existence de Dieu et de la liberté. Ces postulats sont exigés pour concevoir la possibilité du Souverain Bien, lui-même objet nécessaire de la volonté déterminée par la loi morale.

Dans une note de la préface de la Critique de la raison pratique(4), Kant lui-même explicite le sens de ces usages du terme postulat : « Mais l'expression d'un postulat de la raison pure pratique pourrait encore occasionner une méprise plus grande, si l'on en confondait la signification avec celle des postulats de la mathématique pure, qui entraînent avec eux une certitude apodictique... ». Les postulats des mathématiques postulent la possibilité d'une action dont auparavant on a reconnu l'objet comme possible ; les postulats de la raison pure pratique postulent quant à eux la possibilité d'un objet, hypothèse nécessaire pour la raison pratique.

Elsa Rimboux

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Delbos, V., La philosophie pratique de Kant, PUF, Paris, 1969, p. 392 sq.
  • 2 ↑ Kant, E., Critique de la raison pure, Analytique des principes, « les postulats de la pensée empirique en général », trad. A. Tremesaygues et B. Pacaud, PUF, Paris, 1990, p. 212.
  • 3 ↑ Op. cit., p. 200.
  • 4 ↑ Kant, E., Critique de la raison pratique, préface, trad. F. Picavet, PUF, Paris, 1993, note p. 9.

→ apodictique, hypothèse

Logique, Mathématiques

Proposition première, non démontrée, d'une théorie.

Il convient de préciser en quoi le postulat se distingue des autres propositions premières que sont les axiomes. Une distinction, assez systématiquement respectée dans les Éléments d'Euclide, tient au fait que les axiomes nommés notions communes, concernent toutes les sciences, toute connaissance de raison, alors que les postulats désignés par le terme demandes sont propres à la science dont on veut faire la théorie.

1. On trouve dans les Seconds Analytiques (I, 10) la doctrine aristotélicienne sur cette question, d'où il ressort que le postulat a un statut hybride : en l'absence de procédure de décision quant à sa démontrabilité, il est « une hypothèse contestée en attente de démonstration »(1). Le « cinquième postulat d'Euclide » illustre parfaitement ce statut.

2. Selon une autre distinction qui, au témoignage de Proclus, fut adoptée par Géminus, le postulat s'oppose à l'axiome comme le problème au théorème, les premiers relevant de l'existence, les seconds, de la propriété. Un postulat énonce une existence sans démonstration et complète en quelque sorte une définition nominale.

Du point de vue formel, ces distinctions n'ont pas cours et le postulat, l'axiome ou la définition jouent le même rôle, celui de principe du raisonnement. Les réorganisations formelles de la géométrie, telles celle de Hilbert, rassemblent les énoncés premiers sous le terme d'axiomes.

Vincent Jullien

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Caveing, M., Introduction générale aux Éléments, éd. Vitrac, PUF, Paris, vol. I, 1990, p. 120.

→ axiome