politesse

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


De l'italien politezza.

Philosophie Générale, Morale

Ensemble des règles et des pratiques qui régissent comportements et usages dans une société ou un groupe donnés.

La politesse apparaît comme une vertu et c'est dans cet apparaître que réside la difficulté. En effet, la politesse se montre, se dit et l'on peut comprendre alors que Rousseau ait vu en elle un signe de la dualité être / paraître. Tout en elle est apparence et cette apparence est travaillée pour être vue, entendue. L'on ne juge pas la politesse de quelqu'un à ses intentions, mais plutôt à ce qu'il montre. Autrement dit, la politesse est prise dans les mœurs mais elle n'est en rien morale. J.J. Rousseau peut ainsi écrire : « Qu'il serait doux de vivre parmi nous, si la contenance extérieure était toujours l'image des dispositions du cœur, si la décence était la vertu, si nos maximes nous servaient de règles [...] »(1). La politesse est ainsi envisagée comme une imitation de la vertu, obstacle à la vraie connaissance des hommes.

Kant toutefois reconnaît que « l'apparence du bien chez les autres n'est pas sans valeur pour nous : de ce jeu de dissimulations, qui suscite le respect sans peut-être le mériter, le sérieux peut naître »(2). Ainsi il revient à Kant de distinguer dans ce cadre une action conforme au devoir d'une action par devoir. La simple politesse des autres nous invite à agir moralement. Les biens de la civilisation, dont la politesse, doivent donc conduire à la moralité. L'extériorité doit préfigurer une nouvelle intériorité dans cette histoire qui doit conduire de la « rudesse » (Rohigkeit) à la « perfection intérieure de son mode de penser »(3).

Elsa Rimboux

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Rousseau, J.-J., Discours sur les sciences et les arts, première partie, Gallimard, « folio », Paris, 1997, p. 46.
  • 2 ↑ Kant, E., Anthropologie du point de vue pragmatique, première partie, livre 1, § 14 « De l'apparence qui est permise en morale », trad. M. Foucault, Vrin, Paris, 1988, p. 36.
  • 3 ↑ Kant, E., Idée d'une histoire universelle du point de vue cosmopolitique, 3e prop., trad. J.-M. Muglioni, Bordas, Paris, 1988.
  • Voir aussi : Elias, N., Über den Prozess der Zivilisation, Bâle, 1939 ; trad. P. Kamnitzer en 2 vol. : La civilisation des mœurs et La dynamique de l'Occident, Calmann-Lévy, Paris, 1973 et 1975.
  • Hegel, G. W. F., Phénoménologie de l'esprit, I, VI, C « la moralité », trad. G. Jarczyk et P.-J. Labarrière, Gallimard, Paris, 1993.
  • Starobinski, J., Jean-Jacques Rousseau : la transparence et l'obstacle, Gallimard, Paris, 1971.
  • Starobinski, J., Le remède dans le mal, chap. 1, Gallimard, Paris, 1989.
  • Vigarello, G., Le propre et le sale, Seuil, Paris, 1985.

→ belle âme, bien, civilisation, devoir, intention, morale, moralité