phrénologie

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec phrên, au pluriel « intelligence » et de logia, « théorie ». Mot créé en 1810 par Spurzheim pour désigner ce que Gall appelait « craniologie ». En allemand : Phrenologie.

Philosophie Morale, Philosophie des Sciences, Psychologie

Fausse science qui prétend connaître le caractère de quelqu'un par l'examen de son crâne.

La phrénologie est révélatrice des difficultés du progrès des connaissances scientifiques, dès lors qu'il s'agit de délimiter une recherche. F.J. Gall élabore sans doute une psychologie pour le moins fantaisiste, mais il ouvre la voie à une recherche sur les localisations cérébrales. Le courant phrénologique fait du cerveau la source de la pensée et de là des maladies mentales. De ce point de vue, il propose un modèle mécaniste et matérialiste de l'esprit, où il est conduit à surestimer les caractères innés sur ce qui est acquis, en admettant toutefois que dans l'écart entre les dispositions et leur réalisation, une place est laissée pour la raison. La phrénologie suscitera un engouement, tant en médecine – ainsi Broussais verra en elle un moyen de saisir les intentions secrètes qui président à nos actions – qu'en art : à un double niveau, la phrénologie prétend définir les fondements de l'art par l'étude des crânes des génies, et surtout inspire partiellement un nouvel art du portrait (Delacroix, Daumier, David d'Angers).

Hegel estime que la phrénologie est la forme que prend la conscience malheureuse qui cherche à se trouver au lieu de se réaliser. À cette occasion, il s'attache à critiquer l'idée même de disposition et donc la relation que la phrénologie pose entre crâne et caractère. Comte de son côté estimera que Gall a précisé l'examen scientifique des fonctions intellectuelles et cérébrales et situera la phrénologie entre la physiologie et la physique sociale.

Les recherches contemporaines dans les neurosciences ont validé l'idée fondamentale d'une spécialisation fonctionnelle extrême du cortex cérébral chez les mammifères supérieurs et l'homme. Considérée comme dangereuse en raison du matérialisme qu'on soupçonnait, puis comme une superstition vulgarisée dans le langage populaire (la bosse des mathématiques, etc.), la phrénologie a donc néanmoins quelque intérêt, tant du point de vue de la philosophie et de l'histoire des sciences, du point de vue de la morale, que du point de vue de l'histoire de l'art et de l'esthétique.

Elsa Rimboux

Notes bibliographiques

  • Comte, A., Cours de philosophie positive, Hermann, Paris, 1975.
  • Gall, F. J. et Spurzheim, G., Anatomie et physiologie du système nerveux en général et du cerveau en particulier, F. Schoell, Paris, 1810-1819.
  • Hegel, G. W. F., Phénoménologie de l'esprit, I, V, trad. G. Jarczyk et P.-J. Labarrière, Gallimard, Paris, 1993.
  • Voir aussi : L'âme au corps – arts et sciences 1793-1993, catalogue de l'exposition sous la direction de J. Clair, RMN-Gallimard-Electa, Paris, 1993.
  • Hecaen, H. et Lanteri-Laura, G. Évolution des connaissances et des doctrines sur les localisations cérébrales, Desclée de Brouwer, Paris, 1977.
  • Lanteri-Laura, G., Histoire de la phrenologie. L'homme et son cerveau selon J. F., Gallimard, Paris, 1970.

→ acquis, caractère, inné, neurosciences, physionomie, psychologie