jouissance
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Du latin gaudium, « contentement », « aise », « plaisir ». En allemand, Genuss, au sens du « plaisir », et Besitz, au sens de la « possession juridique ». Lacan a traduit Befriedigung, « satisfaction », par « jouissance ».
Psychanalyse
Satisfaction idéalement pleine et entière qui transcende les plaisirs partiels que produit la relation à l'objet. Cet « au-delà » du plaisir permet de comprendre que la jouissance, ordonnée par le principe de plaisir, rejoint les buts de la pulsion de mort, ce qui en constitue le paradoxe.
La distinction lacanienne entre plaisir et jouissance progresse par oppositions dialectiques. D'abord le plaisir génital, conditionné par la maturation anatomo-physiologique de la puberté, s'oppose à la jouissance phallique, conditionnée par l'imposition précoce et préœdipienne du signifiant phallique, c'est-à-dire la castration. Puis la jouissance phallique se distingue de ce qui serait une jouissance de l'autre, à laquelle la castration et l'imposition du nom-du-père obligeraient le sujet à renoncer, comme à la jouissance de la symbiose mère-enfant. Enfin l'idée d'une jouissance de l'autre se déplace vers celle d'une jouissance autre, celle, supplémentaire, qui serait le privilège de l'autre sexe, comme le sut Tirésias. La topologie borroméenne conduit Lacan à spécifier ces deux jouissances, selon leur façon d'attraper l'« objet a » : la jouissance phallique, par le symbolique et le réel ; la jouissance autre, par l'imaginaire et le réel. Reste une troisième jouissance possible, à l'intersection du symbolique et de l'imaginaire, où Lacan place le sens.
Quittant le terrain biologique pour celui du signifiant, la théorie de la jouissance dissociée du plaisir permet de saisir la révolution que la pulsion de mort produit dans la théorie freudienne de la sexualité. Elle soulève quelques questions. D'une part, ce raisonnement conduit à assimiler la jouissance et la mort, car la jouissance accessible par l'humain est limitée par la castration même, qui la constitue comme idéal impossible ; la dérive religieuse est possible, Lacan situe d'ailleurs l'expérience mystique comme paradigme de la jouissance. D'autre part, le statut de l'autre, « pur sujet de la théorie des jeux » ou lieu du « trésor des signifiants », change de registre, quittant la nécessité symbolique qui le fonde, pour redevenir une figure plus imaginaire que réelle.
Jean-Jacques Rassial
Notes bibliographiques
- Lacan, J., Séminaire XX (1972-1973), in Encore, Seuil, Paris, 1975.
- Braunstein, N., la Jouissance, un concept lacanien, Point hors-ligne, Paris, 1992.
→ Éros et Thanatos, phallus, plaisir, principe, pulsion, signifiant, signifié
