indémontrable
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Du bas latin indemonstrabilis, et d'usage courant depuis le xviiie s.
Logique, Mathématiques, Philosophie des Sciences, Philosophie du Droit
Qui ne peut être démontré, soit relativement à un système d'axiomes et de règles de déduction, soit absolument ; se dit aussi dans le cas de faits empiriquement observés, mais qui ne peuvent être établis au terme d'une chaîne de déductions théoriques.
Par définition, les axiomes et les règles de déduction qui constituent les principes premiers à partir desquels se fait toute démonstration dans un système donné sont des indémontrables. Il n'est pas forcément clair tout de suite qu'un principe est indémontrable ou seulement indémontré. Ainsi, on a essayé pendant deux millénaires de démontrer le cinquième postulat d'Euclide, celui des parallèles, à partir de l'ensemble des autres axiomes et postulats euclidiens pour la géométrie. On a su que le cinquième postulat était indémontrable dans la géométrie euclidienne seulement lorsqu'on a construit au xixe s. les géométries non euclidiennes en montrant la compatibilité logique de la négation du cinquième postulat avec l'ensemble des autres principes euclidiens.
La notion d'indémontrable a – comme celle d'indéfinissable – joué un grand rôle dans les discussions philosophiques qui ont accompagné l'effort mené par les mathématiciens pour présenter leurs théories sous forme déductive. Avec les éléments d'Euclide d'Alexandrie (ive-iiie s. av. J.-C.) et la théorie de la démonstration d'Aristote (384-322 av. J.-C.), on pensait que les principes de démonstration sont des propositions vraies par évidence intuitive ou par vérification sur un grand nombre de cas. Avec l'axiomatique formelle, apparue au xixe s., on a déconnecté la notion de démonstration de celle de vérité. Les principes de démonstration sont des principes premiers, donc indémontrables, et les théorèmes sont non pas des propositions vraies, mais, en toute rigueur, des propositions démontrées à partir de principes admis.
Hourya Sinaceur
Notes bibliographiques
- Aristote, Seconds Analytiques, I, 1, traduction. Tricot, 1987, Vrin, Paris.
- Kant, E., Critique de la faculté de juger, § 57, Remarque I, trad. A. Delamarre 1985, in Œuvres philosophiques tome II, NRF, Paris.
- Poincaré, H., « Sur la nature du raisonnement mathématique », 1894, et « Les géométries non-euclidiennes », 1891, in La science et l'hypothèse, 1968, Paris, Flammarion.
