ensemble
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Logique, Mathématiques
« Toute collection d'objets bien distincts m de notre perception ou de notre pensée »(1) (Cantor).
Ainsi, tout élément m répondant à la définition qui détermine l'ensemble M appartient à cet ensemble. Le cardinal de M est le nombre des éléments de M. Cette théorie « naïve » conduit à des paradoxes lorsqu'elle s'applique à des ensembles infinis. Si M a pour cardinal n, le cardinal de ses parties (ou sous-ensembles) est 2n. Or, n < 2n. Considérons alors l'ensemble de tous les ensembles E, son cardinal doit être plus petit que celui de l'ensemble de ses parties, ce qui n'est pas possible si E est bien l'ensemble de tous les ensembles. À ce paradoxe, découvert par Cantor dès 1899, vint s'ajouter le paradoxe des classes de Russell en 1901.
Pour éviter de tels paradoxes, Zermelo(2), puis Frankel et Skolem ont élaboré une axiomatique qui prohibe l'engendrement des ensembles tératologiques. Une telle théorie constitue l'outil privilégié de la formalisation des mathématiques. En particulier, elle permet de se libérer d'une conception empirique du nombre qui en fait le résultat d'une simple énumération. Ainsi, Frege et Russell définissaient-ils le nombre comme une classe de classes « équinumériques » – pouvant être mis en correspondance biunivoque (1-1) avec une classe donnée. Le nombre 2 n'est ainsi rien d'autre que la classe de toutes les classes « équinumériques » à la classe {x, y}, sachant que x ? y. Deux ensembles infinis ont le même cardinal s'ils sont équinumériques, e.g. l'ensemble des nombres pairs et celui des nombres impairs. Pour les ensemble infinis, tel N, le tout n'est donc pas plus grand que la partie. Sur ces bases, Cantor a édifié son arithmétique du transfini.
La création cantorienne a été violemment critiquée en ce qu'elle admettait un infini actuel. À la suite de Brouwer, les intuitionnistes n'acceptent qu'un infini potentiel requérant la construction pas à pas des nombres. Par ailleurs, cette conception de l'ensemble repose sur une interprétation distributive de la totalité. On peut aussi recourir à des totalités collectives composées de parties. Si une collection de tableaux est un ensemble de tableaux différents et indépendants les uns des autres, un tableau est un tout constitué de parties. La méréologie de Lesniewski, qui calcule sur de telles totalités, présente entre autres le mérite d'éviter les paradoxes ensemblistes(3).
Denis Vernant
Notes bibliographiques
- 1 ↑ Cantor, G., « Fondements d'une théorie générale des ensembles », Cahiers pour l'analyse, no 10, 1969, pp. 35-52.
- 2 ↑ Zermelo, E., « Recherches sur les fondements de la théorie des ensembles », (1908), trad. partielle in Logique et fondements des mathématiques, Rivenc, F. et de Rouilhan, P. dir., Payot, Paris, 1992, pp. 367-378.
- 3 ↑ Lesniewski, S., Sur les fondements de la mathématique, trad. Kalinowski, G., Hermès, Paris, 1989.
- Voir aussi : Cavaillès, J., « Remarques sur la formation de la théorie abstraite des ensembles », in Philosophie mathématique, Hermann, Paris, 1962.
→ axiomatique, classes (paradoxe des), intuitionnisme, méréologie