continu

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin continuum.

Mathématiques, Métaphysique

Notion mathématique désignant la cardinalité de l'ensemble des points sur une ligne et, en métaphysique, une hypothèse sur l'essence des processus naturels.

Dans le livre V de la Physique, Aristote(1) fait du continu un cas particulier du contigu (sont contigus les termes qui sont en contact les uns avec les autres), lui-même un cas particulier du consécutif. Il y a continuité lorsque « les limites par lesquelles deux choses se touchent sont une seule et même chose ». Suivant Euclide, il définit les nombres comme consécutifs, et les grandeurs comme continues. Mais les Grecs, qui n'ont pas d'entité intermédiaire entre les entiers et les nombres réels positifs, ne distinguaient pas le continu du dense ; or l'ensemble des rationnels est dense, mais non continu. Le mathématicien allemand R. Dedekind suit Aristote en définissant le continu linéaire comme l'ensemble des points sur une droite, mais il définit une série linéaire comme continue si, étant donné toute division de cette série qui détermine deux sous-ensembles, ou le premier a un premier élément ou le second a un dernier élément (élément qui ne peut appartenir aux deux sous-ensembles à la fois). La théorie cantorienne des ensembles donne une représentation du continu : si on compare l'infinité des points rationnels d'un segment linéaire avec l'infinité de tous les points, rationnels ou non, du même segment, le premier est inclus dans le second, alors que le second n'est pas inclus dans le premier. Cantor montre, par son « argument diagonal », qu'il est possible d'avoir une relation bi-univoque entre le premier ensemble et l'ensemble infini des entiers, mais que cette relation est impossible pour le second, établissant ainsi la singularité de la cardinalité du continu.

L'hypothèse du continu est la conjecture qu'il n'y a pas de cardinalité intermédiaire entre celle du continu et celle de l'ensemble des entiers. En 1938, Gödel(2) a montré qu'elle était consistante avec les axiomes de la théorie des ensembles de Zermelo-Frankel, et, en 1964, P. Cohen(3) a montré que la négation de cette hypothèse était aussi consistante avec ce système, autrement dit, il a montré l'indépendance de l'hypothèse du continu.

En métaphysique, la notion de continuité porte sur la question de savoir s'il y a de la continuité dans la nature, et a été élaborée principalement dans la philosophie de Leibniz à l'âge classique (où elle fait partie de sa critique de l'atomisme) et, chez les contemporains, dans celle de Peirce(4), où elle désigne l'idée que le possible outrepasse toujours l'actuel. C'est ce que Peirce appelle le « synéchisme », et cette hypothèse est étroitement liée à sa conception réaliste des universaux et à l'idée que l'essence de la réalité est fondamentalement « vague » (« tiercéité ») : la continuité idéale est une possibilité inépuisable et créatrice inscrite dans la réalité.

Claudine Tiercelin

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Aristote, Physique, trad. Pellegrin, Flammarion, Paris, 1999.
  • 2 ↑ Gödel, K., « What is Cantor's Continuum problem ? » (1938), in P. Benacerraf et H. Putnam, Philosophy of Mathematics, Selected Readings, Cambridge University Press, Cambridge.
  • 3 ↑ Cohen, P., Set Theory and the Continuum Problem, Reading, Benjamin, 1964.
  • 4 ↑ Peirce, C. S., Collected Papers (8 vol.), vol. 6, Harvard University Press, Cambridge, 1931-1958.

→ ensemble, tiercéité, universaux