catharsis

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec katharsis, « purification », « évacuation », « purgation », de kathairein, « nettoyer, purifier ».

Philosophie Générale, Philosophie Antique

Notion empruntée au vocabulaire médical, d'abord employée métaphoriquement par Aristote pour désigner la purgation et l'expression des émotions par la représentation théâtrale, reprise par Freud dans le sens de l'abréaction des affects.

Catharsis a un sens médical de « purgation », qu'on trouve dans le corpus hippocratique et parfois chez les auteurs(1). Parallèlement, le terme a un sens religieux de « purification ». Toute une tradition liée à l'orphisme et aux cultes à mystères fait de la purification de l'impétrant une étape essentielle de son initiation : l'âme doit se purifier des souillures de son séjour avec un corps mortel. Ce thème marque aussi les règles d'ascèse pythagoriciennes ou d'Empédocle (Purifications). Platon en retrouve l'inspiration dans ses textes les plus ascétiques, comme le Phédon, où la philosophie elle-même devient catharsis de l'âme apprenant à penser sans le corps(2). Parfois, le terme est employé de façon plus figurée, renvoyant par exemple à la dialectique comme moyen de purifier l'âme de ses opinions fausses(3). Aristote en retrouve l'inspiration médicale, lorsqu'il fixe, dans la Poétique, le sens littéraire du terme. Chez les néoplatoniciens, la catharsis est un travail d'ascèse de l'âme qui, par ses vertus, se recueille en elle-même et se libère du corps pour s'identifier à l'Intelligence(4).

Christophe Rogue

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Platon, Lois, I, 628 d ; Aristote, Histoire des animaux, VI, 18, 572 b 30 (pertes menstruelles), par exemple.
  • 2 ↑ Platon, Phédon, 69 b.
  • 3 ↑ Platon, Sophiste, 230 d.
  • 4 ↑ Plotin, Ennéades, I, 2, § 3.
  • Voir aussi : Aristote, La Poétique, texte, traduction, notes par R. Dupont-Roc et J. Lallot, Seuil, Paris, 1980.

Esthétique, Psychologie

La catharsis intervient dans la définition même de la tragédie, « imitation faite par des personnages en action et non au moyen d'un récit, et qui, suscitant pitié et crainte, opère la purgation propre à de pareilles émotions »(1). C'est donc bien la fiction mimétique qui, par la mise en forme rigoureuse, permet à la fois la purgation des émotions liées à la pitié et à la crainte éprouvées pour les héros de l'action, et le plaisir lié à la forme de la représentation. La purgation que la musique aussi opère, par les chants d'action notamment, la rend utile dans l'éducation(2).

La postérité de la notion de catharsis sera grande dans la tradition théâtrale classique du xviie s., la purgation étant étendue à toutes les passions. La catharsis est utilisée, dans le débat sur la moralité ou l'immoralité du théâtre : elle justifie la tragédie en invitant à modérer les passions par l'exposition de leurs excès. Corneille ou Racine s'y réfèrent en ce sens. On a pu, au contraire, accuser la catharsis d'entraîner une complaisance affective.

À la fin du xixe s., à l'écart de toute fin morale, Freud et Breuer mettent en évidence le caractère pathogène de l'affect qui n'a pas été « abréagi »(3). Ils nomment cathartique la méthode qui relie l'affect à la représentation dont il a été séparé, pour qu'il soit exprimé et évacué, par voies verbale et motrice. Freud reprend par ailleurs l'idée que la représentation théâtrale épargne de la souffrance au spectateur par l'identification au héros et le déchaînement des affects. Le plaisir est alors lié à une décharge quantitative, mais la forme artistique en assure la nature qualitative(4).

Par sa référence médicale, la catharsis implique la justification de l'affect et la légitimité de son expression. Que Freud, après les Études sur l'hystérie, ait abandonné cette notion pour mettre l'accent sur l'élaboration psychique, conduit à insister sur le rôle de la fiction poétique à laquelle elle est liée pour Aristote, et qui empêche de la confondre avec une simple décharge.

Françoise Coblence

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Aristote, Poétique, 6, 1449 b 27, trad. J. Hardy, Les Belles Lettres, Paris, 1985, pp. 36-37.
  • 2 ↑ Aristote, Politique, VIII, 6, 1341 a 24 ; VIII, 7, 1342 a 10, trad. J. Tricot, t. II, Vrin, Paris, 1962, pp. 578 et 584.
  • 3 ↑ Breuer, J., et Freud, S., Études sur l'hystérie (1895), trad. A. Berman, PUF, Paris, 1956, pp. 1-8.
  • 4 ↑ Freud, S., « Personnages psychopathiques sur scène » (1905), in Résultats, idées, problèmes, trad. J. Laplanche, PUF, Paris, 1984, pp. 123-129.

→ abréaction, humour, hystérie, passion, psychanalyse

Psychanalyse

→ abréaction, décharge