Arrow (théorème d')
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Politique
Théorème général concernant les choix collectifs, dû à l'économiste américain K. J. Arrow, selon lequel il n'existe pas de procédure de choix collectif vérifiant simultanément certaines conditions minimales jugées importantes (les « conditions d'Arrow ») dès que le nombre d'options est supérieur à deux(1).
Dès que le nombre d'options comporte au moins trois éléments, le théorème établit qu'il est impossible de construire une relation de préférence collective à partir des préférences individuelles par une fonction de décision sociale respectant simultanément les conditions suivantes :
1) Respect de l'unanimité (ou principe de Pareto) : si un individu préfère une option a à l'option b et si personne n'a de préférence de sens contraire, alors la relation de préférence sociale doit traduire cette préférence.
2) Absence de dictateur : il n'y a pas d'individu se trouvant dans une position telle que, s'il préfère une option a à une option b, cette préférence soit automatiquement reflétée par la relation de préférence sociale.
3) Préordre de préférence sociale : la relation binaire de préférence sociale doit être réflexive et transitive.
4) Domaine illimité : parmi les préordres de préférences individuelles sur les options, aucun n'est a priori exclu.
5) Indépendance à l'égard des options non pertinentes : la préférence sociale sur une paire d'options doit dépendre exclusivement des préférences des individus sur cette paire d'options.
Le théorème d'Arrow (dont la démonstration a été définitivement acquise grâce aux précisions de J. H. Blau) est le produit de la rencontre de deux courants intellectuels distincts : d'un côté, l'analyse des procédures de vote (antérieurement illustrée par les travaux de Borda et de Condorcet) et, d'un autre côté, la tradition de la philosophie morale utilitariste et, dans le prolongement de cette dernière, la réflexion économique sur les moyens de parvenir à une définition du bien collectif ou du bien-être agrégé dans une communauté.
Interprété tour à tour comme une caractéristique procédurale de la démocratie et comme une propriété des procédures d'agrégation des jugements ou des préférences, le théorème d'Arrow a été le premier résultat d'un champ d'étude désormais unifié : la « théorie des choix collectifs » (ou théorie du choix social). Il a contribué à clarifier la thématique de l'agrégation des jugements et de la formation d'une volonté (ou préférence) commune. Dans le champ politique, le théorème d'Arrow a attiré l'attention sur la nécessité de poser à l'échelon des procédures de décision la question de la rationalité. Le résultat négatif qu'énonce le théorème constitue un défi pour les théories de la démocratie, qui accordent de l'importance à la prise en compte de plusieurs points de vue dans la formation d'un jugement ou d'une décision.
Emmanuel Picavet
Notes bibliographiques
- 1 ↑ Arrow, K. J., Social Choice and Individual Values, Wiley, New York, 1951 ; 2e éd. revue, 1963, trad. Tradecom, Calmann-Lévy, Paris, 1974.
→ axiomatique, choix social (théorie du), décision (théorie de la), rationalité