Lazare Carnot

dit le Grand Carnot

Lazare Carnot
Lazare Carnot

Homme politique et scientifique français (Nolay, Bourgogne, 1753-Magdebourg 1823).

1. Capitaine du génie rallié à la Révolution

Fils d'un notaire de Nolay qui eut dix-huit enfants, il a seize ans lorsqu'il entre à l'École du génie de Mézières. En 1773, il sort ingénieur militaire et lieutenant en second, sans grand espoir d'arriver aux grades supérieurs à cause de ses origines roturières. Il va mener la vie de garnison d'abord à Calais, puis à Cherbourg, où il participe aux travaux du port, à Béthune ensuite, à Arras enfin. Son séjour à Arras marque une étape décisive de sa vie. Il y prend conscience des entraves qui s'opposent à l'« avancement des plébéiens », tant sur le plan de sa carrière que sur le plan sentimental ; amoureux d'Ursule de Bouillet, il ne pourra l'épouser en raison des préjugés de castes.

En 1784, il acquiert la notoriété en rédigeant pour l'Académie de Dijon un Éloge de Vauban qui lui vaut deux médailles d'or. Bientôt, il est reçu à la société des Rosati, où il côtoie Robespierre, puis à l'Académie royale d'Arras. Il publie alors de nombreux poèmes et des ouvrages techniques.

Lorsque débute la Révolution, Carnot est mûr pour jouer un rôle de premier plan : il est libéral, ennemi des privilèges et des abus (il vient d'être embastillé à la suite d'un éclat de jeunesse). Avec son frère Claude (dit Carnot-Feulins), il milite à la société des Jacobins d'Aire-sur-la-Lys, s'y fait remarquer par sa modération. Après avoir épousé sa belle-sœur, Sophie Dupont-de-Lierdt (mai 1791), il vient siéger à la Législative avec Feulins comme représentant du Pas-de-Calais.

2. Animé d'un idéal républicain et révolutionnaire

À la Législative, Lazare Carnot se situe au centre, mais il se rapproche des Girondins dans son souci de défendre la Révolution contre ses ennemis. Membre du Comité d'instruction publique, il participe activement aussi aux séances du comité militaire, où siège Feulins. Des missions d'inspection lui sont confiées. Après le 10 août 1792, il se rend à l'armée du Rhin pour faire accepter le nouvel ordre des choses par des généraux et des municipalités alsaciennes souvent rétifs. Au début de la Convention (septembre 1792), il est délégué à l'armée des Pyrénées. Il rentre pour voter, par raison d'État, la mort du roi Louis XVI : le voilà régicide, sans haine, mais de raison. Ses convictions stratégiques se précisent et se mêlent à son idéal républicain. Le civisme de Carnot, le succès de sa mission à l'armée du Nord (juin 1793) le désignent pour entrer, le 14 août 1793, au Comité de salut public, l'organisation dirigeante de la Terreur.

3. L'« Organisateur de la victoire »

Dans son bureau rempli de livres et de cartes, il coordonne la marche des armées, leur assure la puissance du nombre par la levée en masse (23 août 1793), la valeur tactique par l'amalgame et l'esprit d'offensive, auquel lui, l'homme des fortifications, s'est finalement converti. Soucieux intégrer dans la défense le progrès scientifique et technique, Carnot réunit autour de lui les meilleurs savants de l’époque : Berthollet, Monge, auteur d'un manuel sur la fabrication des canons, Chaptal s’occupant de la production de poudre à canon. Le 16 octobre 1793, aux côtés de Jourdan et de Duquesnoy, il marche en personne à la tête des légions révolutionnaires qui écrasent les Autrichiens du prince Frédéric de Saxe-Cobourg, près de Maubeuge, à Wattignies, depuis nommée Wattignies-la-Victoire. La France libérée, la conquête des frontières naturelles se poursuit au printemps de 1794. L'écrasante victoire de Fleurus (26 juin 1794) et l'invasion qui s'ensuit de la Belgique, de la Rhénanie et de la Hollande, rendu possible grâce au travail de Carnot, le fait connaître sous le nom de l'« Organisateur de la victoire ». En août 1794, il fonde l'École nationale d'aérostation, qui formera la première armée de l’air au monde. Il fait adopter rapidement le télégraphe à sémaphores de Claude Chappe.

Aux prises avec Robespierre et Saint-Just au sein du Comité, il participe au complot de Thermidor en empêchant les sections parisiennes de secourir les hors-la-loi. Mais on lui reproche son « terrorisme » ; son titre d'« Organisateur de la Victoire » lui épargne cependant la disgrâce. Lorsqu'il quitte le Comité le 5 mars 1795, il est auréolé d'une gloire impérissable.

4. Le Directoire

Son action militaire, il la poursuit activement sous le Directoire. Élu l'un des Cinq en novembre 1795, il est chargé de la région du Nord, élabore les plans de campagne contre l'Angleterre et l'Autriche. Mais les généraux lui échappent : Moreau, Jourdan et surtout Bonaparte. Son orientation politique change aussi. Il écrase le complot de Babeuf (1796), car pour lui la démocratie ne peut que s'allier à l'ordre et au respect des institutions. C'est en défendant celles-ci, après les élections de mai 1797, qu'il se compromet avec la majorité royaliste des Conseils, se brouille avec Barras et Rewbell, ses collègues. Le coup d'État du 18 fructidor l'oblige à s'exiler (décembre 1797) pour ne pas être déporté.

Pour en savoir plus, voir l'article Directoire.

5. Le Consulat : Carnot s'oppose à Napoléon

Lorsqu'il rentre en France (décembre 1799), Bonaparte est le maître. Carnot, ministre de la Guerre pendant quelques mois en 1800, est trop inflexible et républicain pour s'accommoder du Consulat. Au Tribunat, où il siège de 1802 à 1807, il s'oppose à la montée du pouvoir personnel, se prononce seul contre l'Empire. Pendant dix ans, Napoléon le tient au second plan, tout en l'admirant. Retiré à Presles (Seine-et-Oise), il engage ses fils vers les Grandes Écoles, s'intéresse aux sciences (sous-marin) et rédige un ouvrage sur la défense des places fortes (publié en 1810).

Soudain Carnot sort de l'ombre. Après l'invasion de 1814, c'est l'œuvre de la Révolution qui est menacée. Carnot défend Anvers contre le général prussien Bülow, mais finalement se rallie à Louis XVIII, qui respecte les conquêtes juridiques de 1789.

Pour en savoir plus, voir l'article le Consulat.

6. De la Restauration aux Cent-Jours

Les excès de la première Restauration l'amènent à avertir le souverain. Le Mémoire au Roi attaque les émigrés, l'Église et le retour à l'absolutisme. Condamnation d'une certaine politique, non du régime. Autour du Mémoire, les passions se déchaînent. Les ultras n'y voient que le pamphlet d'un régicide impudent donnant des conseils au frère de Louis XVI.

Au printemps de 1815, Carnot se trouve ainsi être l'homme du jour. Ministre de l'Intérieur pendant les Cent-Jours, son rôle se situe surtout au niveau de l'instruction publique. Issu de l'« aristocratie du talent », il pense que c'est par le savoir que se fait l'ascension sociale, fondement de la démocratie. Il crée la Société d'instruction élémentaire et introduit en France la méthode d'école mutuelle. Comblé tardivement d'honneurs, comte d'Empire, officier de la Légion d'honneur, pair de France, c'est lui qui annonce, le 21 juin 1815, la défaite de Waterloo aux sénateurs. Contre Fouché, il veut proclamer la patrie en danger : il eût pu devenir président d'une république de type américain sans la seconde Restauration. Proscrit par une loi du 24 juillet 1815, il se retire à Varsovie puis à Magdebourg.

Pour en savoir plus, voir l'article Révolution française.

8. L'un des créateurs de la géométrie moderne

L'œuvre scientifique de Carnot est des plus remarquables. Dès 1783, il étudie dans son Essai sur les machines en général, les lois générales du choc, précise l'application du principe de Maupertuis et énonce la loi de conservation du travail. Dans sa Géométrie de position à l'usage de ceux qui se destinent à mesurer les terrains (1803), il est, avec Monge, son maître, l'un des créateurs de la géométrie moderne.