Pierre Louis Moreau de Maupertuis
Mathématicien français (Saint-Malo 1698-Bâle 1759).
Brillante figure de la science du xviiie siècle, il contribua à introduire en France la mécanique newtonienne et à assurer son succès. Il fut aussi un précurseur en génétique et l'un des premiers représentants de l'utilitarisme en philosophie.
Un ardent défenseur de la mécanique de Newton
Fils aîné d'un corsaire malouin anobli par Louis XIV, Pierre Louis de Maupertuis est envoyé au collège de La Marche, à Paris, en 1714, où il étudie la philosophie. Il n'y reste que deux ans, avant de revenir à Saint-Malo, sur l'insistance de sa mère. Il s'initie alors à la musique tout en s'intéressant beaucoup aux mathématiques. En 1718, il commence une carrière militaire, mais la sacrifie rapidement aux mathématiques. Il n'a que 25 ans lorsqu'il est admis à l'Académie des sciences, en 1723. Lors d'un voyage à Londres, en 1728, il est séduit par les idées de Newton en mécanique et, de retour en France, s'en fait l'ardent défenseur, s'opposant ainsi aux tenants de la théorie des « tourbillons » de Descartes. En 1736, l'Académie des sciences lui confie la direction d'une expédition en Laponie – une seconde, dirigée par La Condamine, partant pour le Pérou – afin de mesurer la longueur d'un arc de méridien de 1°, la comparaison des mesures effectuées au pôle et à l'équateur devant permettre de préciser la forme de la Terre. Les mesures rapportées confirment l'hypothèse de l'aplatissement de la Terre aux pôles, en accord avec la théorie de Newton. Le succès de cette mission vaut à Maupertuis une grande notoriété dans toute l'Europe. Sur la recommandation de Voltaire, il est invité par le roi Frédéric II de Prusse, et devient membre de l'Académie des sciences de Berlin en 1741 ; il est élu à l'Académie française en 1743. Cédant finalement aux sollicitations de Frédéric II, Maupertuis se fixe en 1745 à Berlin, où il se voit confier l'année suivante la présidence de l'Académie des sciences. Sa première communication est un bref mémoire intitulé « Les lois du mouvement et du repos », dans lequel il expose l'un des principes fondamentaux de la mécanique, le principe de moindre action, qu'il publiera ensuite dans son Essai de cosmologie (1750) et qu'il considérera comme sa contribution scientifique majeure : « La nature dans la production de ses effets agit toujours par les moyens les plus simples […]. Lorsqu'il arrive quelque changement dans la nature, la quantité d'action nécessaire pour ce changement est la plus petite qu'il soit possible. »
À Berlin, tout en imprimant un grand rayonnement à l'Académie, Maupertuis se fait beaucoup d'ennemis. Le mathématicien allemand Samuel König (1712-1757), élève de Jean Ier Bernoulli, l'accuse d'avoir plagié Leibniz et conteste la validité du principe de moindre action. Dans la polémique ainsi déclenchée, Maupertuis reçoit l'appui d'Euler, mais Voltaire, désormais jaloux de son influence auprès de Frédéric II, prend le parti de König dans la Diatribe du docteur Akakia (1752), se moque de l'expédition en Laponie dans Micromégas, et accable Maupertuis de ses sarcasmes. Maupertuis finit par capituler et abandonne la présidence de l'Académie en 1753. Malade, il regagne la France en 1756, alors que vient d'éclater la guerre de Sept Ans. Il se réfugie finalement à Bâle, chez son ami Jean II Bernoulli, où il meurt avant que son épouse n'ait pu le rejoindre.
Un précurseur en biologie et en génétique
Surtout connu comme mathématicien et physicien, Maupertuis s'est aussi passionné pour la biologie. En 1744, dans sa Dissertation physique à l'occasion du nègre blanc, publiée à la suite de la présentation dans les salons parisiens d'un enfant noir albinos, il affirme que l'albinisme est une anomalie héréditaire. L'année suivante, dans sa Vénus physique, il s'oppose à la théorie de la préformation de l'embryon (ou préformisme), alors en vogue, en affirmant que le père et la mère ont une influence égale sur l'hérédité. Dans le Système de la nature, qu'il publie d'abord en latin, en 1751, puis en français, en 1754, sous le pseudonyme de M. Bauman, il s'appuie sur une étude minutieuse des cas de polydactylie sur plusieurs générations d'une famille berlinoise, pour établir que cette anomalie se transmet aussi bien par le père que par la mère, l'expliquer par une mutation du patrimoine héréditaire et calculer la probabilité de la retrouver dans le futur chez d'autres membres de la famille. Maupertuis apparaît comme un précurseur du transformisme. Il imagine une variation progressive des espèces, mais il pressent aussi l'existence des mutations et admet, avant Lamarck, l'hérédité des caractères acquis.
Un défenseur d'une morale utilitaire
Maupertuis s'est illustré enfin comme philosophe. Ses idées, exposées dans son Essai de la philosophie morale (1751), son ouvrage De l'esprit (1758) et aussi son Système de la nature, font de lui un précurseur de Jeremy Bentham et John Stuart Mill dans la défense d'une morale utilitaire.