fides

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Personnification de la bonne foi, témoin et garante du serment.

Le serment est une affirmation religieuse. Or ce qu'on affirme de cette sorte et dont on prend Dieu même à témoin, il faut le tenir, non par la crainte de la colère céleste, qui n'existe pas, mais par respect pour la justice et la bonne foi. Ennius a eu raison de s'écrier : « Déesse aux ailes d'or, fille de Jupiter, Joie sublime ! Quiconque viole son serment viole donc la foi ; cette foi dont nos pères, comme Caton le remarque dans une de ses harangues, ont placé la statue au Capitale tout auprès de celle de Jupiter.

La fides, bonne foi pour les Romains, est le respect absolu de la parole donnée, qui engage deux individus dans leurs relations, mais aussi la divinité Fides.

Si la fides est une vertu morale, elle est aussi une vertu civique parce que, sans confiance, les rapports sociaux ne peuvent exister. Quiconque se lie par une de ces obligations solennelles, contacte en quelque sorte avec toute la nature ; il devient comptable au ciel et à la terre, et ne peut manquer à sa parole sans soulever contre lui les dieux et les hommes. Cette garantie religieuse, qui fait toute la force de la fides, passe pour avoir été instituée par Numa. Il existe un collège de vingt prêtres, les fétiaux (ou féciaux), dont la fonction est de faire respecter la justice, de prendre Jupiter à témoin, lors d'une déclaration de guerre, et de mettre le dieu de son côté.

Lors de la conclusion d'un traité solennel, le fétial sacrifie un porc à l'aide du silex sacré, tout en proclamant que si Rome vient à manquer à sa parole, Jupiter la frappera comme lui-même frappe l'animal. Dans le domaine de la vie privée, le Romain qui prête serment gravit le Capitole, s'empare de la pierre sacrée, la rejette en tenant un discours analogue pour lui-même.

Voir aussi : fétiaux

La notion de fides est inséparable de celle de droit. Si Atilius Regulus revient mourir chez les Carthaginois, c'est au nom de la fides. De même, après la reddition honteuse des « fourches Caudines » (321 av. J.-C.), le consul Postumius invite ses hommes à donner avec lui leur vie aux Samnites, pour le salut du peuple romain. Dans la guerre contre les Èques, les soldats romains, qui refusent de partir au combat, songent à tuer les consuls, afin de se libérer du serment qu'ils leur ont prêté. Aulu-Gelle signale également le cas de prisonniers romains envoyés à Rome en ambassade par Hannibal, après qu'ils ont prêté serment.

Mais la notion de fides ne se manifeste pas uniquement dans le cadre civique. Valère Maxime cite, à titre d'exempla, le cas d'épouses et d'esclaves qui font fait preuve de fidélité, les uns envers leur maître, les autres envers leur mari. Ainsi Sulpicia, malgré les interdictions formelles de sa mère et les dangers encourus, se rend-elle en Sicile afin d'y retrouver son mari que les triumvirs ont proscrit (43 av. J.-C.). L'orateur Marcus Antonius est soupçonné d'inceste et l'on sait que son esclave est en mesure d'apporter les preuves de sa culpabilité. Cet homme refusant de parler, on le livre aux bourreaux : ils le rouent de coups, lui brûlent le corps avec des plaques chauffées à blanc : rien n'y fait : il garde le silence pour protéger son maître (114 av. J.-C.).

Fides est représentée avec des cheveux blancs, parce que très vieille ; les flamines l'honorent la main enveloppée d'un morceau de tissu, comme symbole de respect. Son temple est consacré par Aulus Atilius Calatinus en 254 ou 250 av. J.-C., puis restauré par Emilius Scaurus (163-90) en 115.

À l'origine confié à Dius Fidius, l'engagement par serment est du seul ressort de Jupiter. Terminons en précisant qu'un serment per Dium Fidium ne doit jamais être prêté sous un toit : il n'aurait aucune valeur, puisque la communication directe avec le ciel serait absente.

Voir aussi : Atilius Regulus

Le serment des Romains

Combien la sainteté du serment était inviolable chez les Romains. Des dix prisonniers de guerre qu'Hannibal députa à Rome, sur la foi de leur serment.

Chez les Romains, le serment était regardé comme une chose inviolable et sacrée. Nous voyons, dans l'histoire des mœurs et de la législation romaine, avec quelle religieuse exactitude, les citoyens le gardaient ; et l'exemple que je vais citer, peut en être regardé comme une preuve mémorable. Après la bataille de Cannes, Hannibal, général des Carthaginois, ayant choisi dix d'entre les Romains pris dans l'action, les envoya à Rome avec ordre de négocier l'échange des prisonniers, à cette condition, que s'il en restait plus à échanger d'un côté que de l'autre, leur rançon serait fixée à une livre et demie d'argent par tête. Avant leur départ, il leur fit faire le serment qu'ils reviendraient au camp des Carthaginois, si les Romains ne consentaient point à l'échange des prisonniers. Les députés arrivent à Rome, exposent devant le sénat la proposition du général des Carthaginois ; le sénat la rejette et ne consent point à l'échange des prisonniers. Cependant, les parents et les amis des prisonniers députés les tenaient étroitement embrassés, en les assurant que le privilège des lois les rendait à la patrie, que leurs fers étaient tombés, qu'ils recouvraient leur liberté, et en les conjurant de ne point retourner au camp des ennemis. Alors huit d'entre eux répondirent que, malgré la force des lois, ils ne pouvaient se dispenser d'exécuter ce qu'ils avaient promis avec serment ; et aussitôt, pour remplir leurs obligations, ils allèrent retrouver Hannibal. Deux seulement demeurèrent à Rome, prétendant être délivrés de leur serment, en ce que, disaient-ils, après être sortis du camp des ennemis, ils y étaient rentrés le même jour sous un prétexte exprès imaginé, et en étaient sortis de nouveau, après s'être, de cette manière, dégagés de leur promesse. La mauvaise ruse de ces deux lâches citoyens parut si indigne, qu'elle les rendit l'objet du mépris et de l'opprobre publics. Les censeurs, pour les punir d'avoir faussé leur serment, les condamnèrent à l'amende, et les couvrirent de toutes les notes de flétrissure et d'ignominie destinées aux parjures. Cornelius Nepos, en rapportant aussi cette histoire dans son cinquième livre des exemples, ajoute que, dans le sénat, il y eut plusieurs avis pour faire reconduire sous escorte à Hannibal ces traîtres à leur parole, mais que le sentiment prépondérant l'en empêcha ; que chargés toutefois de l'aversion et de la haine de tous, ces misérables conçurent un tel dégoût de l'existence, qu'ils finirent par se donner la mort.

Aulu-Gelle