augures

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Prêtres chargés d'interpréter les signes naturels.
« Magna augurum auctoritas », « grande est l'autorité des augures ». L'étymologie du mot est controversée, parfois fantaisiste : selon Festus, augur vient d'avis [oiseau] et de gerere [se comporter], parce que l'augure interprète les mouvements des oiseaux ; ou bien d'avis et de garritus [gazouillement].
Les auspices
Tite-Live attribue l'institution des augures à Romulus, et Cicéron à Numa. À Rome, les trois, puis neuf, puis quinze augures forment une corporation prestigieuse de théologiens qui détiennent les règles relatives aux auspices. L'interprétation des signes naturels (auspices) – vol et cris des oiseaux, déplacement des quadrupèdes, foudre (coelestia auguria), appétit des poulets, événements extraordinaires (dirae) tels que les chutes de pierres, chutes d'objets dans un temple (caduca auspicia), éternuements, bruit soudain, silence soudain... – est un acte d'extrême importance (notamment en période de guerre car il y va du salut de l'État), puisqu'elle permet de connaître les volontés divines. On sait ce qu'il en a coûté, de ne pas s'y soumettre, au consul Appius Claudius Pulcher, commandant en Sicile la flotte romaine contre les Carthaginois, en 249 av. J.-C. : les poulets sacrés refusant toute nourriture, il les fait jeter à la mer, avec ces mots : « Puisqu'ils ne veulent pas manger, qu'ils boivent ! » Après quoi, il engage le combat naval et est vaincu. Son collègue, Lucius Junius (consul en 249), pour n'avoir pas observé les auspices, perd sa flotte dans une tempête, qu'il a mise à quai pour porter secours à Claudius Pulcher. Claudius est condamné par le peuple et Junius se donne la mort. Tite-Live rapporte que lors d'un affrontement contre les Samnites (293 av. J.-C.), devant l'ardeur des soldats, le gardien des poulets n'hésite pas à donner de faux auspices en déclarant que les volatiles picorent avec appétit ; comme on annonce ensuite que c'est un mensonge, le consul Papirius Cursor, qui dirige la bataille, répond que si le pullarius a menti, c'est son affaire, il en subira les conséquences ; quant à lui, on lui a annoncé que les auspices étaient favorables. Le menteur, judicieusement placé par le consul en première ligne, est effectivement l'un des premiers à tomber, et la victoire n'en revient pas moins aux Romains. Parce qu'un vice de forme s'est glissé lors de l'installation de la tente destinée à la prise d'auspices, au moment de l'élection des consuls, deux, parmi ces derniers qui viennent d'être élus, abdiquent leur charge. Lors de la deuxième guerre punique, le consul Gaius Flaminius mène ses troupes vers Arezzo, pour affronter Hannibal. Soudain, sans raison apparente, son cheval et lui-même tombent devant la statue de Jupiter Stator. Mauvais signe, affirment les experts. Mais Gaius Flaminius décide de passer outre, et ordonne que la marche à l'ennemi continue. Et voilà que les enseignes deviennent si lourdes que le soldat ne peut plus les soulever, y compris avec l'aide de ses camarades. Malgré ce nouveau prodige, Gaius Flaminius exhorte ses troupes à poursuivre. Les Romains sont massacrés par les guerriers d'Hannibal et le consul lui-même perd la vie. Ce ne sont là que quelques exemples, qu'on pourrait multiplier à loisir.
L'augure, personnage officiel
Si la fondation de Rome se détermine par une auspication, par la suite, aucun acte public ne peut être accompli, aucune guerre ne peut être menée sans une interprétation favorable des signes ; et même dans les actes privés, les mariages par exemple, il est de tradition de faire intervenir les auspices. Il s'agit bien d'interprétation et non de révélation, les augures n'étant pas devins. Par ailleurs, l'absence de signes défavorables est interprété comme un assentiment des dieux.
L'augure procède tout d'abord à un sacrifice, histoire d'attirer l'attention des numina. Puis, de son bâton courbe (lituus), la tête couverte et tourné vers l'orient, il désigne, autour de lui et du magistrat, un templum minus correspondant au templum maius dans le ciel : les divinités sont priées de se fixer dans la partie du ciel désigné par l'augure, puis d'entrer en contact avec le templum minus où se trouve l'État romain, dont le représentant est le magistrat, l'augure n'étant que l'interprète des manifestations divines. Le templum est un carré inscrit dans un cercle, lui-même divisé en quartiers par deux diamètres perpendiculaires : l'un tracé d'est en ouest, l'autre du nord au sud ; au point d'intersection se place l'augure.
Attus Navius a été considéré comme l'un des meilleurs augures. Grâce notamment à un défi de Tarquin l'Ancien, qu'Attus Navius a relevé et dont il s'est acquitté superbement : l'augure réussit à couper un caillou à l'aide d'un simple rasoir. Ce qu'il y a de certain, rapporte Tite-Live, c'est que, dès ce moment, les augures acquièrent tant de crédit, et leur sacerdoce tant de considération, que, dans la suite, on n'ose plus rien entreprendre, ni dans la guerre ni dans la paix, sans les avoir préalablement consultés. Les assemblées du peuple, les levées de troupes, les délibérations les plus graves, sont interrompues et ajournées si les oiseaux ne les approuvent pas.
Même point de vue chez Cicéron qui fait parler ainsi l'un de ses personnages : « Rites et auspices se partagent toute la religion du peuple romain ; il convient d'ajouter un troisième élément : les prédictions des interprètes de la sibylle et des haruspices, fondées sur l'observation des phénomènes et des prodiges ; je n'ai jamais pensé qu'on devait négliger aucune de ces pratiques, et je reste convaincu que Romulus avec les auspices, Numa avec l'institution du rituel ont jeté les bases de notre cité, qui n'aurait certainement jamais atteint une telle grandeur si les dieux immortels n'avaient été souverainement propices. »
Valère Maxime, né probablement à la fin du ier siècle ap. J.-C., résume parfaitement l'importance que les Romains accordent à ces cérémonies et, de façon plus globale, à la religion : tout, dit-il, doit passer après la religion, y compris les hommes les plus illustres. C'est la raison pour laquelle les gens de pouvoir sont persuadés qu'ils ne pourront mener à bien leurs affaires que s'ils ont, auparavant, fait acte de soumission à la puissance divine.
L'auteur poursuit avec un exemple édifiant : lors de l'invasion gauloise (390 av. J.-C.), le Romain Lucius Albinius, qui emmène loin des hostilités sa femme et ses enfants, les fait descendre de son chariot : il lui paraît plus important d'y faire monter les vestales et les objets sacrés qu'elles tentent de mettre à l'abri.
Cela dit, il y a fort à parier que les présages ressemblaient parfois aux auberges espagnoles. Jules César possède un cheval dont les sabots sont fendus en forme de pied humain. Les haruspices annoncent alors que c'est là un présage de la grandeur future de son maître. César ordonne qu'on s'occupe de l'animal avec le plus grand soin et, par la suite, il en fait même ériger une statue devant le temple de Vénus Genitrix. Le même César, quand l'haruspice lui déclare que les présages sont funestes parce que la victime n'a pas de cœur, ne déclare-t-il pas : « Ils seront favorables quand je le voudrai, et l'on ne doit pas regarder comme un prodige le fait qu'une bête manque de cœur. » En d'autres termes, « Aide-toi, le ciel cédera. »
On distingue les auspices majeurs (auspicia majora), réservés aux consuls, préteurs et censeurs, et les auspices mineurs (auspicia minora), réservés aux édiles, questeurs et tribuns ; parce qu'on appelle ceux-là grands magistrats et ceux-ci petits magistrats. Jusqu'en 301 av. J.-C., seuls les patriciens peuvent être augures. L'augure a une fonction de consultant, tandis que le magistrat effectue la prise d'auspices.
Voir aussi : Haruspices, prodige
Sur la dignité d'augure
Pline le Jeune, qui vient d'être promu à la dignité d'augure, écrit à son ami Maturus Arrianus.
Vous vous réjouissez avec moi de ma promotion à la dignité d'augure, et vous avez raison. D'abord, il est toujours glorieux d'obtenir, même dans les moindres choses, l'approbation d'un prince aussi sage que le nôtre. Ensuite, ce sacerdoce, respectable par sa sainteté et par l'ancienneté de son institution, est encore consacré par un autre caractère ; c'est qu'il ne se perd qu'avec la vie. Il est d'autres sacerdoces, dont les prérogatives sont à peu près égales, mais qui peuvent s'ôter, comme ils se donnent : sur celui-ci, la fortune ne peut rien, que le donner. Ce qui me le rend encore plus agréable, c'est d'avoir succédé à Julius Frontinus, homme d'un rare mérite : à chaque élection, depuis plusieurs années, il me donnait son suffrage, et paraissait, par là, me désigner pour son successeur : l'événement a été si bien d'accord avec ses vœux, qu'il ne semble pas que le hasard s'en soit mêlé. Mais ce qui vous plaît davantage, si j'en crois votre lettre, c'est que Cicéron fut augure : vous me voyez avec joie marcher dans la carrière des honneurs, sur les traces d'un homme que je voudrais suivre dans celle des sciences. Plût au ciel qu'après être parvenu, beaucoup plus jeune que lui, au consulat et au sacerdoce, je pusse, au moins dans ma vieillesse, posséder une partie de ses talents ! Mais les grâces dont les hommes disposent, peuvent bien venir jusqu'à moi et jusqu'à d'autres ; celles qui dépendent des dieux, il est difficile de les acquérir, et il y a trop de présomption à se les promettre. Adieu.
Pline le Jeune

