Prodige

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Manifestation divine.

Le prodige (prodigium lorsqu'il se voit, et omen lorsqu'il s'entend) est un signe par lequel les dieux manifestent leur colère. Le monstrum désigne un phénomène contre nature chez un être vivant ; le portentum chez un être inanimé. Les pontifes ont la charge de répondre au plus vite aux prodiges, c'est-à-dire qu'il leur faut apaiser le courroux divin. Le rituel de Numa mentionne ce qu'il convient de faire : oblation de cheveux ou d'oignons, ensevelissement de la foudre...

L'Histoire et la mythologie recensent de très nombreux prodiges, extrêmement variés : pluie de pierres, aigle qui se pose sur une tête, ténèbres en plein midi, boucliers qui saignent, serpent dévoré par des fourmis, déplacement de statues, pousse d'un arbre sur une statue, rats qui rongent l'or du temple de Jupiter, bœuf qui parle, enfant qui naît avec une tête d'éléphant, etc.

Des prodiges

De nombreux prodiges survinrent au cours de l'hiver de cette année-là [217 av. J.-C.], à Rome ou dans les environs ; du moins, on en signala beaucoup, et l'on y prêta foi aveuglément, comme cela arrive communément lorsque les esprits sont gagnés par la superstition. On dit par exemple que, sur la place où se tenait le marché aux légumes, un enfant de six mois, de naissance libre, s'était mis à crier : « Triomphe ! » ; dans le Forum Boarium, un bœuf était monté tout seul au troisième étage, et, de là, effrayé par les cris des locataires, il s'était précipité en bas ; on avait vu descendre du ciel des signes lumineux en forme de navires ; le temple de l'Espérance, sur le marché aux légumes, avait été frappé par la foudre ; la lance de Junon Sospita, à Lanuvium, avait bougé ; un corbeau avait volé à l'intérieur du temple de Junon et était allé se poser sur le lit sacré de la déesse ; dans le territoire d'Amiterne, on avait vu, au lointain, des formes humaines vêtues de blanc, qui cependant s'étaient tenues éloignées de tous ; dans le Picénum, il était tombé une pluie de pierres ; à Caere, les tablettes des sorts s'étaient réduites ; en Gaule, un loup avait arraché de son fourreau le glaive d'une sentinelle et l'avait emporté.

Pour les autres prodiges, on ordonna aux décemvirs de consulter les Livres sibyllins ; mais, pour la pluie de pierres du Picénum, on décida d'une neuvaine, et, dans la foulée, la quasi totalité des citoyens se préoccupa de conjurer les autres prodiges. On commença par purifier la ville, et l'on sacrifia des animaux adultes en l'honneur des dieux désignés par les Livres ; une offrande en or de quarante livres fut portée au temple de Junon à Lanuvium ; sur l'Aventin, les matrones consacrèrent à Junon une statue de bronze ; à Caere, où les tablettes s'étaient réduites, on ordonna un lectisterne et, sur le mont Algide, des supplications à Fortuna ; à Rome également, on prescrivit un lectisteme en l'honneur de la déesse Juventus ainsi que des prières propitiatoires au temple d'Hercule ; le peuple tout entier pria autour de tous les lits de parade, et cinq victimes adultes furent immolées au Génie ; le prêteur Caius Atilius Serranus reçut l'ordre de s'engager par des vœux, au cas où les dieux, pendant dix années, maintenaient l'État dans le même état. Ces expiations et ces vœux, accomplis suivant les Livres sibyllins, avaient partout contribué à soulager les consciences.

Tite-Live

Des présages

Le lendemain, à la pointe du jour, celui qui avait la garde des poulets sacrés dont les Romains se servent pour la divination, les apporta sur la place et leur jeta la nourriture ordinaire ; mais il n'en sortit qu'un seul de la cage, après que l'officier l'eut longtemps secouée : encore ne voulut-il pas manger ; il leva seulement l'aile gauche, étendit la cuisse et rentra dans la cage. Ce présage sinistre en rappela à Tiberius un autre qu'il avait eu précédemment. Il avait un casque magnifiquement orné, et d'une beauté remarquable, dont il se servait dans les combats ; des serpents, s'y étant glissés sans être aperçus, y déposèrent leurs œufs et les y firent éclore. Ce souvenir lui fit redouter davantage le présage des poulets ; il sortit cependant pour monter au Capitole, lorsqu'il sut que le peuple s'y était assemblé. En passant le seuil de sa porte, il se heurta si rudement que l'ongle du gros doigt du pied se fendit, et que le sang coula à travers le soulier. Il n'eut pas fait quelques pas dans la rue, qu'il vit à sa gauche sur un toit des corbeaux qui se battaient ; et quoiqu'il fût accompagné d'une foule nombreuse, une pierre poussée par un de ces oiseaux vint tomber à ses pieds ; cet accident arrêta les plus hardis de ses partisans.

Plutarque