Saturne

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Très ancienne divinité italique d'origine étrusque, liée, à l'époque historique, à l'agriculture.
Saturne est le protecteur des grains et des champs semés. Il passe pour être à l'origine de la civilisation en Italie, et précisément par les progrès qu'il permet de réaliser dans le monde agricole. La période de son règne est liée à l'Âge d'or. On vit heureux en ce temps-là : les animaux évoluent libres ; les maisons n'ont pas de porte, parce que les voleurs n'existent pas ; aucune limite ne marque les terres ; les brebis offrent d'elles-mêmes leurs mamelles aux hommes pacifiques.
Selon la tradition, Saturne, chassé du ciel par Jupiter, se réfugie en Italie auprès de Janus, alors roi du Latium. On a raconté également que Janus lui a volontairement cédé son trône, incapable d'assurer le pouvoir à cause de son âge avancé. Bénéficiant de la générosité du souverain, Saturne fait œuvre civilisatrice. Non seulement il enseigne aux habitants l'agriculture, mais à ceux qui vivent de rapines, dans la « barbarie » la plus complète, il apprend la vie organisée dans le respect d'autrui. Il leur révèle en outre l'art de frapper la monnaie.
Voir aussi : Janus
Quand Saturne disparaît subitement, Janus, qui lui doit beaucoup, veut l'honorer encore plus. Il appelle Saturnie son territoire ; puis il lui consacre des fêtes, les Saturnales.
Voir aussi : Saturnales
Le temple de Saturne est situé au pied du Capitole et renferme l'aerarium, où se trouvent les étendards consacrés aux dieux, le trésor public et les archives de l'État ; il est ouvert au culte le 17 décembre 497 av. J.-C. On attribue l'édification de ce temple à Héraclès, ou à Énée.
On ne sait trop ce qui rapproche Saturne de Cronos auquel il est identifié jusque dans ses attributs et sa généalogie, sinon son rapport avec la Terre. Saturne est représenté avec une faucille, et ses statues sont souvent remplies d'huile pour symboliser l'abondance ; son culte s'accomplit suivant le rite grec, dont l'explication est avancée par Denys d'Halicarnasse : on offre alors à Saturne des sacrifices humains et c'est Héraclès qui enseigne aux indigènes à fabriquer des mannequins, ressemblant en tous points aux victimes, à les jeter ensuite dans le Tibre.
Par ailleurs, Cronos s'est rapproché de Chronos, le « Temps » ; Saturne est celui qui recherche la satiété en consommant les années ; c'est la raison pour laquelle on l'imagine dévorant ses enfants, de même que le temps « avale » les années de manière insatiable.
Voir aussi : Cronos
Saturne
Énée, marchant à côté d'Évandre, est émerveillé par ce qu'il voit ; le vieux roi lui tient alors ces propos :
Habitaient ces bois les faunes et les nymphes indigènes,
ainsi qu'une race d'hommes nés du tronc de chênes durs,
êtres sans coutumes ni culture, qui ne savaient ni atteler des taureaux,
ni amasser des richesses, ni épargner ce qu'ils avaient acquis ;
la cueillette et la chasse des bêtes sauvages assuraient leur subsistance.
Le premier qui vint de l'Olympe céleste fut Saturne,
fuyant les armes de Jupiter, exilé, privé de son trône.
Il rassembla cette race indocile et dispersée en haut des collines,
pour lui imposer des lois. Il choisit d'appeler ce lieu Latium,
puisqu'il s'était caché, bien à l'abri, sur ces bords.
Les siècles qui s'écoulèrent sous son règne, on les appelle
dorés : tant le roi maintint ces peuples dans une paix profonde,
jusqu'à ce que, peu à peu, lui succède un âge dégradé, sans éclat,
où la guerre faisait rage et où régnait la soif de richesses.
Vinrent ensuite une troupe ausonienne et des tribus Sicanes,
et à plusieurs reprises la terre de Saturne changea de nom ;
puis il y eut des rois et le farouche Thybris au corps de géant ;
c'est son nom que nous, Italiens, avons ensuite donné au fleuve Thybris,
et l'ancienne Albula perdit son vrai nom.
Quant à moi, chassé de ma patrie, je cherchais à atteindre l'extrémité des mers,
quand la toute puissante Fortune et l'inéluctable destin
me firent aborder en ces lieux : je suivais les oracles redoutables
de ma mère, la nymphe Carmenta, et de son maître, le dieu Apollon.
Virgile
