Électre

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

1. Fille d'Océan et de Téthys.
En épousant Thaumas, Électre devient la mère d'Iris et des deux Harpyes, Aello et Ocypété. Elle passe aussi pour la mère du fleuve Hydaspe, le père de Dériade.
Voir aussi : Dériade
2. Pléiade, fille d'Atlas et de Pléioné.
Violée par Zeus, Électre donne le jour à Dardanus, en Italie ou bien à Samothrace, l'un des valeureux chefs troyens, et à Iasion. C'est à l'occasion de ce viol que le Palladion d'Athéna est jeté par Zeus de l'Olympe jusqu'à la Terre ; Électre est également précipitée sur le sol d'Ilion. Gardée jalousement par les Troyens, qui en font des copies afin de décourager les voleurs, cette statue devient la protectrice de la cité. Diomède et Ulysse finiront par s'emparer de la relique.
Voir aussi : Palladion
Après la chute de la citadelle, qu'elle n'a pu empêcher, Électre se retire dans l'obscurité et se sépare de ses sœurs Pléiades.
Variante
La Pléiade invisible est Mérope, honteuse de n'avoir épousé qu'un simple mortel (Sisyphe).
Voir aussi : Pléiades
3. Fille d'Agamemnon et de Clytemnestre.
C'est l'Électre la plus connue. Dans l'Iliade, elle est appelée Laodicée. Elle a deux sœurs, Chrysothémis et Iphianassa (Iphigénie) et un frère, Oreste. Aussitôt après la mort de son père, assassiné par sa mère et par son beau-père Égisthe, elle sauve son jeune frère en le confiant au roi de Phocide Strophios ; Strophios a un fils, Pylade, en compagnie duquel Oreste grandira. Épargnée par Clytemnestre et par Égisthe, Électre n'en mène pas moins une vie malheureuse, faite de résignation face à une mère qui lui semble trop puissante, face à un beau-père qui, non seulement est un usurpateur et un assassin, mais aussi un être sans relief, efféminé et lâche ; une vie, également, faite d'espoir : Électre attend, en effet, le retour de son frère Oreste, seul capable de concrétiser sa vengeance. Parce qu'il redoute qu'elle ait une descendance qui la venge, Égisthe marie Électre, d'abord promise à Castor, à un humble laboureur, imaginant que ce pauvre homme ne saura pas faire autre chose que de lui donner des enfants faibles.
Fait significatif : dans l'Électre d'Euripide, la jeune femme, restée vierge malgré son mariage afin de s'accomplir en tant que femme dans la mort des meurtriers de son père, appelle la vengeance de toutes ses forces – s'opposant en cela à sa sœur Chrysothémis, qui refuse d'être sa complice, soutenant qu'un tel crime est de la folie. Lorsque Oreste revient, et que la vengeance est consommée, Électre prend pour époux Pylade, devenu le meilleur ami de son frère.
Dans la pièce de Sophocle, Électre, c'est Électre qui, avec l'énergie du désespoir, porte le coup fatal à sa mère. Dans la tragédie d'Eschyle, les Choéphores, Oreste tue sa mère. Chez Dracontius, Électre se limite à sauver son frère ; elle ne prend pas part au meurtre.
La reconnaissance
Oreste, accompagné de Pylade, apporte l'urne qui est censée contenir ses propres cendres. Il feint d'ignorer le lieu où il se trouve et s'informe auprès du chœur, qui lui répond par l'intermédiaire du coryphée. Ensuite s'engage entre Électre et lui le dialogue qui aboutit à la scène de la reconnaissance.
oreste. Dites-moi, femmes, nous a-t-on bien renseignés et sommes-nous dans le chemin que nous devons suivre ?
le coryphée. Que cherches-tu et quel désir motive ta présence ?
oreste. Égisthe et le lieu qu'il habite, voilà ce que je cherche depuis longtemps.
le coryphée. Eh bien, tu as pris la route qu'il fallait prendre, et l'on ne t'a point trompé.
oreste. Qui donc d'entre vous ira porter aux habitants de ce palais la nouvelle de notre arrivée souhaitée ?
le coryphée, montrant Électre. Celle-ci, si c'est la plus proche parente qui doit s'acquitter de ce message.
oreste, à Électre. Va donc, ô femme, entre et annonce que des hommes de Phocide demandent Égisthe.
Électre. Hélas ! malheureuse, ne vois-je pas dans leurs mains la confirmation du bruit qui nous est parvenu ?
oreste. J'ignore la rumeur dont tu parles ; pour moi, c'est le vieillard Strophios qui m'a envoyé vous porter des nouvelles d'Oreste.
Électre. Qu'y a-t-il, ô étranger ! La terreur m'envahit.
oreste. Nous portons, comme tu le vois, ses humbles restes dans cette urne étroite.
Électre. Hélas ! infortunée, voilà donc sous mes yeux l'objet de ma douleur ; je le vois, je le touche de mes mains.
oreste. Si ce sont les malheurs d'Oreste qui font couler tes larmes, sache que ce vase renferme son corps.
Électre. Ô étranger, permets, au nom des dieux, s'il est vrai que ce vase le renferme, permets que je le prenne dans mes mains, afin que sur cette cendre je gémisse et me pleure moi-même, ainsi que toute ma race.
oreste, aux serviteurs qui l'accompagnent. Donnez-lui l'urne, cédez à sa prière ; quelle qu'elle soit, ce n'est pas dans une pensée hostile qu'elle la demande. Sans doute elle lui était unie par l'amitié ou par les liens du sang.
Électre. Ô souvenir du plus aimé des hommes, cendres d'Oreste, comme vous avez trompé mes espérances, et quelle différence entre ce retour et le départ d'autrefois ! Aujourd'hui, je n'ai dans mes bras qu'une ombre, tandis qu'alors, ô enfant, je t'envoyais loin de ce palais tout brillant de jeunesse. Que n'ai-je quitté la vie avant de te faire partir pour une terre étrangère, après t'avoir dérobé de ces mains et sauvé du massacre ! En mourant ce jour-là, tu aurais partagé le tombeau de ton père. Aujourd'hui, hors de ta demeure, dans un pays qui n'était pas le tien, exilé, tu as péri misérablement loin de ta sœur, et mes mains amies, malheureuse ! n'ont pas lavé ton corps, ni retiré, comme il convenait, du feu dévorant tes tristes restes, mais ce sont des mains étrangères, infortuné ! qui t'ont rendu les derniers devoirs, et te voilà, fardeau léger, dans cette urne légère ! Hélas ! hélas ! inutiles soins que j'ai pris de toi jadis, présence assidue qui me coûtait une douce peine ! Car jamais tu n'as fait la joie de ta mère comme tu faisais la mienne, et ta nourrice, c'était moi, non celles qui, dans le palais, étaient chargées de ce ministère ; c'est à moi que tu t'adressais sans cesse en m'appelant ta sœur. Maintenant, tout cela s'est évanoui en un seul jour par ta mort ; tu as passé comme un vent de tempête, emportant tout. Mon père s'en est allé ; tu m'as tuée, autant qu'il était en toi ; toi-même tu nous as quittés, tu n'es plus ; la folie du plaisir possède cette mère dénaturée, à l'insu de laquelle tu m'adressais message sur message, m'annonçant ta venue, en vengeur. Mais ces projets, notre cruel génie les a déjoués ; c'est lui qui, au lieu de ta personne chérie, m'a rendu un peu de cendre et une ombre vaine.
Hélas ! hélas ! ô corps misérable ! Malheur ! malheur ! Ô triste, triste voyage que celui que tu viens de faire, frère chéri ! Tu m'as perdue ; oui, tu m'as perdue, tête bien-aimée. Reçois-moi donc dans ta sombre demeure ; je ne suis plus rien : que le néant me prenne, afin que désormais j'habite toujours avec toi. Quand tu étais sur la terre, tout nous était commun ; maintenant, j'aspire à mourir pour partager ta sépulture. Aussi bien, je ne vois pas que les morts aient à souffrir.
le coryphée. Tu es née d'un père mortel, Électre, ne l'oublie pas ; mortel était Oreste ; cesse donc de gémir sans mesure : nous sommes tous réservés au même sort.
oreste. Hélas ! hélas ! que dire ? Comment révéler le secret qui m'oppresse ? Car je n'ai plus la force de tenir ma langue.
Électre. Quelle est ta souffrance ? Que signifient ces paroles ?
oreste. Ai-je donc devant moi l'illustre personne d'Électre ?
Électre. Elle-même, et combien misérable !
oreste. Hélas ! à quel déplorable état tu es réduite !
Électre. Est-ce sur moi, ô étranger, que tu gémis ainsi ?
oreste. Ô corps indignement flétri et abandonné des dieux !
Électre. Oui, c'est bien sur moi, étranger, que se répand ta pitié.
oreste. Ô vie malheureuse, ignorante de l'hymen !
Électre. Pourquoi donc, ô étranger, te lamentes-tu ainsi en me regardant ?
oreste. Je ne savais rien encore de mes malheurs.
Électre. Est-ce quelqu'une de mes paroles qui te les a révélés ?
oreste. Non, mais pour toute parure je ne vois sur toi que la trace de souffrances sans nombre.
Électre. Et pourtant, tu ne vois qu'une faible partie de mes maux.
oreste. Serait-il donc possible d'en contempler de plus affreux ?
Électre. Oui, car je vis avec les meurtriers...
oreste. De qui ? Quel est le malheur dont tu veux parler ?
Électre. De mon père ; de plus, ils m'obligent à être leur esclave.
oreste. Et quel est le mortel qui te réduit à cette extrémité ?
Électre. On l'appelle ma mère, mais d'une mère elle n'a rien.
oreste. Comment te contraint-elle ? Par la violence ou par la faim ?
Électre. Et par la violence et par la faim, et par toute sorte de cruautés.
oreste. Et tu n'as près de toi personne pour te défendre, ni pour arrêter sa fureur ?
Électre. Non, car mon défenseur, tu m'as apporté ses cendres.
oreste. Ô infortunée ! Ta vue, depuis longtemps, excite ma pitié.
Électre. Tu es le seul mortel, sache-le, qui m'ait jamais plainte.
oreste. C'est que seul je suis ici souffrant des mêmes maux que toi.
Électre. Serais-tu donc quelqu'un de nos proches ?
oreste, montrant les femmes du chœur. Je m'expliquerai, si je puis compter sur leur dévouement.
Électre. Tu peux y compter ; tu parleras devant de discrets témoins.
oreste. Pose cette urne à terre, et tu sauras tout.
Électre. Au nom des dieux, ne me demande pas cela, étranger.
oreste. Crois-moi, et tu ne t'en repentiras pas.
Électre. Par ton menton que je touche, ne m'arrache pas ce que j'ai de plus cher.
oreste. Je ne te laisserai pas cette urne entre les mains.
Électre. Ô cher Oreste, quels maux ne te dois-je pas, s'il faut encore que je sois privée de tes cendres !
oreste. Parle mieux ; c'est à tort que tu t'affliges.
Électre. Quoi ! mon frère mort, c'est à tort que je le pleure ?
oreste. Il ne te convient pas de t'exprimer ainsi.
Électre. Suis-je donc à ce point indigne du mort ?
oreste. Tu n'es indigne de personne, mais cette urne ne t'est rien.
Électre. Eh quoi ! n'est-ce pas le corps d'Oreste que je porte ?
oreste. Non, le corps d'Oreste n'est là qu'en paroles.
Électre. Où est-il donc le tombeau de cet infortuné ?
oreste. Nulle part, car un vivant n'a pas de tombeau.
Électre. Qu'as-tu dit, ô enfant ?
oreste. Rien que de vrai.
Électre. Il vit donc ?
oreste. Oui, puisque je respire.
Électre. C'est donc toi ?
oreste. Vois cet anneau de mon père, et reconnais si je dis la vérité.
Électre. Ô jour bienheureux !
oreste. Bienheureux, tu ne saurais mieux dire.
Électre. Ô douce voix ! Je t'entends donc ?
oreste. Jamais plus elle ne te parviendra par message.
Électre. Je te tiens dans mes bras ?
oreste. Puisses-tu tenir ainsi tout ce que tu souhaites !
Électre, aux femmes du chœur. Ô chères compagnes, femmes de ce pays, voyez cet Oreste qu'une ruse avait fait mort, et qu'une ruse me rend sain et sauf.
le coryphée. Nous le voyons, ô ma fille, et cet heureux événement fait couler de mes yeux des pleurs de joie.
Sophocle
