classification des espèces

Buffon, Histoire naturelle : les oiseaux mouches
Buffon, Histoire naturelle : les oiseaux mouches

Distribution des espèces (animales, végétales, bactériennes...) dans des groupes hiérarchisés. (Synonyme : systématique.)

La classification scientifique vise à ranger les êtres vivants (animaux, plantes, champignons, micro-organismes) en différents groupes, en fonction de caractères communs. Le groupe de base est celui de l’espèce : baleine bleue, crapaud commun, poisson-scie, fourmi rousse, etc. Les différents groupes au-dessus de l’espèce, du plus petit au plus vaste, sont : le genre, la famille, l’ordre, la classe, l’embranchement, le règne. Plusieurs espèces différentes, mais proches, sont regroupées dans un même genre ; des genres différents, mais proches, dans une même famille, etc. Plus des espèces sont proches dans la classification, plus elles ont des points communs et des liens étroits.

La difficulté de la classification scientifique réside dans le choix des critères pour regrouper les êtres vivants. Longtemps, cela a été fondé sur l’anatomie (6 pattes pour les insectes, par exemple), la physiologie (vision binoculaire, par exemple) ou le mode de vie (vie marine, par exemple). Aujourd’hui la compréhension des mécanismes de l’évolution met en avant l’histoire des espèces et les progrès en génétique permettent d’affiner ou de modifier les classements en mettant en évidence des liens de parenté parfois insoupçonnés. Cela peut remettre en question l’existence de groupes traditionnels de la classification scientifique (échassiers, reptiles par exemple), quoique les termes soient encore employés dans le langage courant.

Traditionnellement, la classification des espèces était fondée sur la morphologie. Or les ressemblances apparentes peuvent être de simples effets de convergence liés à des adaptations similaires au même milieu.

Aujourd’hui, les biologistes se fondent également sur les caractéristiques génétiques des espèces, ainsi que sur l’étude de leurs ancêtres fossiles. En effet, on classe aujourd’hui les espèces selon leurs parentés évolutives : c’est la systématique phylogénétique, que l’on représente sous la forme d’arbres qui tentent de refléter l’histoire de l’évolution du vivant.

Toutes les espèces qui ont étés identifiées comme dérivant d’un même ancêtre commun sont rassemblées dans un même groupe : avec leur ancêtre, elles forment un taxon monophylétique.Certains groupes de la classification classique ont été conservés par la classification phylogénétique (par exemple les mammifères), car ils sont monophylétiques, d’autres se sont avérés être polyphylétiques (descendants d’ancêtres éloignés les uns des autres) et ont été supprimés (par exemple les poissons et les reptiles, bien que ces regroupements soient encore utilisés dans le langage courant et les ouvrages grand public pour plus de commodité).

Bien que toutes les branches de la biologie y contribuent à la science de la classification, les disciplines les plus directement spécialisées dans le sujet de la classification sont la taxinomie et la systématique : la taxinomie s’occupe plus spécialement de l’attribution des noms (la nomenclature) et de la construction de systèmes hiérarchiques, tandis que la systématique s’intéresse aux relations évolutives entre les espèces.

1. De deux à six règnes

La classification des espèces commence dans le langage courant : dans toutes les langues, dans toutes les cultures, les animaux et les plantes se sont vus attribuer des noms vernaculaires. Sur le plan scientifique, la volonté de classifier le monde vivant remonte à l’Antiquité. Au ive siècle avant J.-C, Aristote crée la première classification en divisant les êtres vivants en deux règnes : les animaux et les végétaux. Cette vision classique du monde va persister jusqu’à la fin du xixe siècle. C’est à cette époque que Ernst Haeckel « invente » le règne des protistes pour classer les organismes unicellulaires découverts au xviie siècle, êtres vivants que l’on avait jusque-là tenté de répartir entre le règne animal et le règne végétal.

Puis, à la suite des progrès dans les techniques d’exploration des cellules, on découvre que certaines ont un noyau qui renferme le matériel génétique, les autres un ADN libre dans le cytoplasme. Une nouvelle division s’impose : les eucaryotes (avec un noyau) d’un côté, les procaryotes (sans noyau) – ou bactéries –, de l’autre. Ces derniers sont alors classés dans un règne à part (initialement appelé monères). Par ailleurs, l’étude des champignons montre que ces êtres vivants ont une paroi cellulaire comme les plantes, mais qu’elle est constituée de chitine, la même molécule qui compose la carapace des insectes ; qu'ils sont immobiles comme les plantes, mais se nourrissent par absorption de matières organiques en décomposition et ne pratiquent pas la photosynthèse. Ces caractéristiques mi-végétales mi-animales conduisent également à les ranger dans leur propre règne (classification de Robert Whittaker en 1969).

À la fin du xxe siècle, on a donc divisé le monde vivant en cinq règnes : procaryotes (unicellulaires sans noyau), protistes (unicellulaires avec noyau), végétaux, champignons, animaux. Mais c’est alors que l’étude de ce qu’on appelle alors les archéobactéries (des procaryotes « archaïques », d’origine très ancienne) montre qu’elles sont très éloignées des bactéries. Rebaptisées archées, elles constituent le dernier en date des six règnes du vivant que l’on reconnaît à l’heure actuelle.

2. Les niveaux de classification

Dans la classification traditionnelle, les règnes sont divisés en un embranchements, eux-mêmes divisés en classes, ces dernières en ordres, à leur tour partagés en familles, constituées de genres, formés chacun de plusieurs espèces. Au xxe siècle, les échelons ont été multipliés (sous-règne, sous-ordre, superfamille, sous-espèce, variété, etc.) au fur et à mesure que s’affinait la connaissance des espèces étudiées. Ces entités sont des niveaux taxinomiques. Lorsqu'on préfère ne pas préciser le niveau taxinomique, par exemple parce qu’il n’y a pas consensus, on emploie seulement le mot « groupe » ou « taxon ».

En classification phylogénétique, le nom d’espèce et celui de genre demeurent, mais tous les noms de niveaux supérieurs ne sont pas conservés. Dans les faits, de nombreux ouvrages utilisent une combinaison des deux approches.

3. La nomenclature scientifique

La classification des espèces est un système international : les noms scientifiques des espèces, des genres, des familles, etc. sont les mêmes dans le monde entier. Cela permet de savoir sans ambigüité de quelle espèce ou de quel groupe l’on parle. Et ce en dépit des faux amis auxquels expose la traduction des noms vernaculaires – par exemple, tarentula en anglais = mygale en français, et non tarentule ; penguin en anglais = manchot en français, et non pingouin (que l’on traduit razorbill) – ou des termes désignant plusieurs espèces (comme lobster, en anglais, qui désigne à la fois les homards et les langoustes).

3.1. Les noms des ordres, des familles, etc.

On s'est efforcé de donner à certains niveaux taxinomiques : ordre, famille, etc., une désinence commune. Les noms « officiels » de ces groupes sont en latin avec des majuscules, mais on peut aussi les franciser (alors sans majuscule).

Ainsi, la plupart des familles de plantes et de champignons se terminent en -aceae (-acée en français) : Rosaceae/rosacée (la famille des roses), Chenopodiaceae/chénopodiacée (salicornes, épinard), etc. ; les ordres végétaux (et de champignons) en -ale : Rosales/rosales (rosiers, mûriers, orties...), Magnoliales/magnoliales (magnolias, tulipiers, ylang-ylang...), Nymphaeales/nymphéales (nénuphars, lotus...), etc. ; les embranchements végétaux en phyta/-phyte : Spermatophyta/spermatophytes ou spermaphytes (plantes à graines), Pteridophyta/ptéridophytes (fougères et prêles), Bryophyta/bryophytes (mousses et hépatiques), etc., et les embranchements de champignons en -cota/-cètes : Ascomycota/ascomycètes (levures, morille, truffe...), Basidiomycota/basidiomycètes (champignons à chapeau).

En zoologie, les familles se terminent en -idae pour la forme latine, -idé pour la forme francisée : Scarabeidae/scarabéidés (scarabées), Canidae/canidés (chiens, loups, renards), Siluridae/siluridés (silures), etc. ; les ordres le plus souvent en -forme, que ce soit sous la forme latine ou francisée : Cypriniformes/cypriniforme (carpes, vairons, goujons, poissons rouges...), Passeriformes/passériformes (passereaux), etc.

3.2. Le nom scientifique des espèces : la nomenclature binominale

Depuis Linné, au xviiie siècle, chaque espèce est désignée par deux mots latins (ou latinisés) : le nom du genre auquel l’espèce appartient, suivi d'un terme la caractérisant (ce peut être par exemple un adjectif relatif à l’espèce ou son nom vernaculaire en latin, son pays ou sa région d’origine, le nom de son découvreur ou d’un scientifique à qui l’on veut rendre hommage, etc.) : par exemple, Felis catus est le chat, Panthera leo le lion, Daubentonia madagascariensis, l’aye-aye, Vinca minor, la petite pervenche, Mentha piperata, la menthe poivrée. C'est la nomenclature binominale. Les deux mots s’écrivent en italique ; le premier prend une majuscule initiale, le second une minuscule.

Les espèces reçoivent également un nom commun (dit aussi  « nom vulgaire », qui est en quelque sorte la vulgarisation du nom scientifique : il est soit repris du nom vernaculaire (ou de l’un des noms vernaculaires, quand il en existe plusieurs), soit « inventé », s’il n’existe pas de nom vernaculaire en français. Pour cela, les scientifiques peuvent utiliser une traduction en français du nom scientifique, une traduction du nom vernaculaire en anglais ou dans la langue du pays d’origine de l’espèce, une transposition du nom local de l’espèce, etc. Par exemple, les hirondelles sont toutes appelées « hirondelles » dans le langage courant. Pour les distinguer, les scientifiques leur ont donné des noms vulgaires différents : l’hirondelle à queue courte (Psalidoprocne nitens), reflet d’une caractéristique morphologique ; l’hirondelle de la mer Rouge (Hirundo perdita), à cause de son aire de répartition ; l’hirondelle de Murphy (Progne murphyi), adaptation de son nom latin (lui-même dérivé du nom de son découvreur) ; l’hirondelle bleu et blanc (Notiochelidon cyanoleuca), traduction de son adjectif en latin ; l’hirondelle de rivage (Riparia riparia), à cause de son mode de vie, etc.

Contrairement au nom vernaculaire, le nom commun ou vulgaire est un nom « officiel » non ambigu. Il existe des instances de normalisation dont le rôle est de choisir ou de créer ces noms (on parle alors de noms normalisés). Mais le travail est immense, et toutes les espèces n’ont pas encore de nom vulgaire, normalisé ou non !