Madagascar : histoire

Découverte et colonisation de Madagascar
Découverte et colonisation de Madagascar

Introduction

L'histoire du peuplement de Madagascar est celle de la synthèse entre les Vazimba, autochtones des terres centrales sur qui nous savons très peu de chose, et les flux indo-mélanésien et bantou, secondairement indien et arabe, qui se sont installés dans l'île à partir du ier millénaire et jusqu'au xve ou xvie siècle. La population est restée jusque-là clairsemée en petits établissements. Ces origines multiples se lisent encore dans des traits culturels complexes d'un ensemble malgache qui présente une grande unité linguistique et culturelle. C'est probablement du xiie siècle que date l'installation sur la côte occidentale d'un peuplement composite, mélange d'Arabes, de Malgaches et d'Africains, les Antalaotras. Ceux-ci, superficiellement islamisés, possèdent quelques comptoirs en relation avec les Comores. Sur la côte orientale s'était établi le peuple antemoro, qui revendique des origines arabes.

1. La pénétration européenne

En 1500, le navigateur portugais Diogo Dias découvre l'île et la nomme île Saint-Laurent. À partir de la fin du xvie siècle, Portugais, Hollandais, Anglais fréquentent ses rades, pour y prendre des vivres sur la route des Indes. En 1643, le Rochelais Pronis fonde, à l'extrémité Sud-Est, l'établissement de Fort-Dauphin, en l'honneur du futur Louis XIV ; l'île sera théoriquement annexée à la France en 1665 sous le nom d'île Dauphine. Le gouverneur Étienne de Flacourt décrit la partie Sud et dresse l'inventaire des ressources. En 1667, Colbert envoie des colons avec le marquis de Montdevergue. Mais les guerres incessantes et l'absence de mise en valeur véritable font, en 1674, abandonner l'établissement au profit de l'Inde et de La Réunion. Jusqu'en 1720, seuls les pirates français et anglais fréquenteront les côtes malgaches.

Au xviiie siècle, l'île apparaît divisée en royaumes à base le plus souvent tribale : royaumes côtiers menabe et boina, peuplés de Sakalavas sur la côte ouest, Betsimisarakas à l'est, Mahafaly et Antandroy au sud. Au centre de l'île, on trouve deux petits royaumes betsileo et merina. Les Français, établis à La Réunion et à Maurice, tentent de se rétablir, d'abord à Fort-Dauphin avec Modave, puis à la baie d'Antongil avec Benyovszky ; ils échouent, mais le traitant Sylvain Roux, à la fin du siècle, fonde des comptoirs à Foulpointe et à Tamatave. Anglais et Français tirent de Madagascar des esclaves, des bœufs et du riz, en échange de piastres et de fusils. Sous l'Empire, les Anglais chassent les Français, qui ne conservent que la petite île de Sainte-Marie, acquise en 1750.

2. L'expansion du royaume merina (xviiie-xixe siècles)

Dans l'intérieur, le royaume merina a grandi lentement. Les andrianas en constituent une caste noble. Au milieu du xviie siècle, le roi Andrianjaka lui donne sa capitale, Analamanga, la future Tananarive puis Antananarivo, et la puissance de ce royaume s'affirme à partir du xviiie siècle. À cette époque, la traite des esclaves, assurée aussi bien par des Arabes, des Swahilis, des Européens que par des marins malgaches, en relation avec les côtes de l'Afrique et les Mascareignes, affermit la puissance de grandes formations politiques, comme la dynastie des Maroseranana au xviiie siècle à l'ouest, ou le royaume des hautes terres centrales.

Après des luttes intestines, l'unité de l'Imerina (« le pays merina ») est reconstituée par le grand roi Andrianampoinimerina (vers 1787-1841), qui annexe en outre le pays betsileo. Son fils, Radama Ier (1810-1828), obtient des armes du gouverneur anglais de Maurice. Il conquiert alors les deux tiers de l'île ; seuls les peuples du Sud et une partie de l'Ouest sakalava gardent leur indépendance. Un traité passé en 1817 entre la Grande-Bretagne et Radama Ier donne à celui-ci le titre de roi de Madagascar ; en contrepartie de son renoncement à la traite des esclaves, Radama Ier ouvre l'île aux instructeurs militaires anglais ainsi qu'aux missionnaires de la London Missionary Society, qui rédigent un vocabulaire et une grammaire de la langue malgache. L'Imerina commence de s'organiser sur le mode d'un État européen, pourvu d'une armée moderne et d'un système scolaire.

Mais la mort de Radama marque un temps d'arrêt. Son épouse, la reine Ranavalona Ire, qui lui succède, ferme les écoles, persécute les chrétiens et chasse les Européens. Des bombardements franco-anglais de représailles n'aboutissent qu'à la fermeture quasi complète du pays aux étrangers. Cependant, le Gascon Jean Laborde, grâce à l'appui de la reine, réussit à créer temporairement quelques industries. En 1861, Ranavalona meurt. Son fils, Radama II, rouvre toutes grandes les portes aux Européens. Un Français, Jean-François Lambert, obtient même une charte qui lui concède pratiquement toute l'activité économique. Mais le Premier ministre, Raharo, représentant des classes hovas qui avaient pris le pouvoir sous Ranavalona, s'oppose à Radama, qui est étranglé (1863). Sa femme, Rasoherina, lui succède ; elle répudie la charte Lambert et remplace Raharo par son frère Rainilaiarivony.

Celui-ci se maintiendra au pouvoir en épousant les trois reines successives : Rasoherina, Ranavalona II (1868-1883) et Ranavalona III. En 1869, la reine et lui se convertissent au protestantisme, suivis par une grande partie du peuple merina. Les missionnaires catholiques français accomplissent néanmoins une importante œuvre scolaire, favorisée par le gouvernement malgache. Le Premier ministre édicte un « Code des 305 articles » (1881) modifiant la coutume malgache dans un sens chrétien et moderniste ; il développe l'initiative des fokonolonas (communes). L'explorateur Alfred Grandidier peut, de 1865 à 1870, parcourir l'île et en dresser la carte. Mais les finances sont misérables ; les fonctionnaires, non payés, vivent sur le pays et utilisent la corvée.

3. Le protectorat français (1885-1896) puis l'annexion

Sous Louis-Philippe, des rois sakalavas et tankaranas (du nord de l'île), fuyant la domination merina, s'étaient réfugiés dans la petite île de Nossi-Bé et avaient placé leurs États sous le protectorat français. En 1883, le gouvernement de Jules Ferry réclame tout le nord de Madagascar et occupe les ports. Le traité de 1885 stipule l'installation d'un résident français à Tananarive. Rainilaiarivony résistera dix ans à la création d'un protectorat effectif. Mais, en 1890, l'Angleterre reconnaît le protectorat français. En janvier 1895, une expédition française débarque à Majunga, et, malgré les fièvres (6 000 morts sur 15 000 soldats), atteint, le 30 septembre 1895, Tananarive. Le général Duchesne fait signer à la reine un traité de protectorat. Mais une insurrection se déclenche en Imerina. L'île est alors annexée (loi du 6 août 1896) et l'esclavage aboli.

Le général Gallieni, gouverneur de 1896 à 1905, exile la reine en février 1897. Il pacifie l'Imerina, soumet les peuples restés indépendants, puis entreprend l'organisation administrative, l'assimilation douanière à la France, met fin à l'hégémonie merina, crée une assistance médicale gratuite et un enseignement laïc, ouvre des routes, un chemin de fer et met au point un régime foncier. Les successeurs de Gallieni, Augagneur, Picquié, Garbit, Olivier, Cayla, développent l'économie jusqu'en 1939. Deux chemins de fer sont achevés : Tananarive-Tamatave en 1913, Fianarantsoa-Manakara en 1936. Un réseau de routes et un service d'aviation intérieure sont établis. Le port de Tamatave, transformé, draine un trafic croissant. Le développement des rizières, les cultures riches (café, vanille, girofle, sucre), les industries agricoles, les mines accroissent les exportations.

Pendant cette période, l'opposition nationale est pratiquement insignifiante. En 1915, un complot avorte. Les difficultés pour obtenir la citoyenneté française, et donc l'égalité des droits pour les Malgaches, suscitent la naissance d'un mouvement nationaliste dans les milieux protestants et estudiantins. Par la suite, l'instituteur betsileo Jean Ralaimongo (1884-1943) regroupe des nationalistes autour de la rédaction de son journal, L'Opinion, fondé en 1927. En 1942, Madagascar, qui avait suivi le gouvernement de Vichy, est occupée par des Anglais, qui le rendent à la France libre.

4. L'indépendance

Au lendemain du conflit, l'île est dotée d'une représentation parlementaire dominée par les nationalistes. En 1946, Madagascar devient un territoire d'outre-mer. Le 30 mars 1947, le parti nationaliste à dominante merina, le Mouvement démocratique de la rénovation malgache (MDRM, créé en 1946), emporte la majorité des sièges aux élections provinciales. Dans la nuit du 29 au 30, une rébellion éclate sur la côte est ; elle est très durement réprimée (le nombre exact de victimes du côté des rebelles reste inconnu, il y a plusieurs dizaines de milliers de morts), le MDRM est dissous, et ses chefs condamnés à de lourdes peines (déportation ou exil).

En 1954, sont rétablies les élections libres. En 1956, un gouvernement malgache est formé, sous la présidence de l'instituteur Philibert Tsiranana, un Tsimihety. Le 14 octobre 1958 est créée la République malgache (Repoblika Malagasy). Le 26 juin 1960, Madagascar obtient sa pleine indépendance et adhère à la Communauté.

Le développement de la vie politique interne de la Grande Île est marqué alors par l'existence de plusieurs partis : le parti social-démocrate (PSD) du président Tsiranana, largement majoritaire ; le parti du Congrès de l'indépendance (en malgache Antonkon'ny Kongresin'ny Fahalevantenan'i Madagasikara, ou AKFM), dirigé par Richard Andriamanjato, partisan de la réforme agraire et de la socialisation des moyens de production ; le Front populaire malgache de Raseta, qui ne joue qu'un rôle secondaire. En 1965, Tsiranana est réélu président de la République et le PSD emporte 104 des 107 sièges de l'Assemblée.

5. Tsiranana et l'expérience socialiste (1965-1984)

Le président Tsiranana poursuit une politique de large coopération avec la France. À partir de 1967, l'opposition se manifeste et critique, notamment, les inégalités dans le développement des diverses régions. La coopération avec la France suscite aussi des critiques, mais surtout le rapprochement avec l'Afrique du Sud, consacré par la signature d'un accord économique. Au mois d'avril 1971, les étudiants de la capitale se mettent en grève. Au même moment, des paysans du Sud-Ouest, encadrés par le Monima (Mouvement national pour l'indépendance de Madagascar), organisation dirigée par Monja Jaona, attaquent des bâtiments publics. Le Monima est dissous, son chef arrêté, ainsi que, le 1er juin, André Résampa, ancien vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur, à la suite de la découverte d'un complot. Tsiranana est réélu président de la République le 30 janvier 1972.

En mai 1972, la grève des étudiants repart de plus belle ; ils réclament un enseignement purement malgache et la révision de la coopération culturelle avec la France. Les syndicats ouvriers leur apportent leur soutien. Tsiranana dissout le gouvernement le 18 mai et accorde les pleins pouvoirs au général Gabriel Ramanantsoa, chef d'état-major de l'armée, qui constitue un nouveau gouvernement composé de militaires et de civils. Le général Ramanantsoa concentre entre ses mains l'essentiel des pouvoirs et soumet à référendum un projet de Constitution provisoire, qui supprime notamment le poste de président de la République. Il est adopté le 8 octobre 1972 à une large majorité, et Tsiranana, qui a appelé à voter contre, se retire. Les années qui suivent sont marquées par une « malgachisation » de la société et des moyens de production, qui va de pair avec une remise en cause des accords de coopération avec la France.

Au sein du gouvernement, un conflit de plus en plus aigu se développe entre modérés (dont le professeur Albert Zafy) et radicaux (dont Didier Ratsiraka). Considérant qu'il est dans l'incapacité de gouverner, Ramanantsoa se retire en février 1975. Il est remplacé par le colonel Richard Ratsimandrava, qui est assassiné quelques jours plus tard.

Un Directoire militaire est institué dont émerge rapidement l'ex-ministre des Affaires étrangères de Ramanantsoa, Ratsiraka, alors capitaine de corvette. Ce dernier assied son pouvoir au mois de décembre suivant par un référendum doublé d'un plébiscite. La « Charte de la révolution socialiste malgache » (communément appelée le Livre rouge) est adoptée à une majorité écrasante, ainsi qu'une nouvelle Constitution ; Ratsiraka devient président de la République démocratique de Madagascar. Un rôle essentiel est alors donné aux fokonolonas, et au Front national pour la défense de la révolution (FNDR), fédération de partis progressistes. Les lois sont votées par une Assemblée nationale populaire (ANP), et le président est assisté d'un Conseil suprême de la révolution (CSR). Très rapidement, Ratsiraka fonde son propre parti, l'Arema (Avant-garde de la révolution malgache), qui devient dominant au sein du FNDR. Dès lors, la vie politique, peu active, peut se résumer pendant quelques années à des querelles, suivies de réconciliations, entre le président et le chef historique du Monima, Monja Jaona.

La République démocratique de Madagascar devient l'un des leaders du non-alignement. Sa politique étrangère s'ouvre sur les pays de l'Est (rapprochement idéologique avec la Corée du Nord et l'Allemagne de l'Est), sans jamais rompre totalement avec la France.

À partir de 1984, la crise économique et sociale qui touche le pays amène à un rapprochement avec la France et à une libéralisation progressive de l'économie. Elle provoque également des émeutes de la faim, qui sont durement réprimées (notamment en 1985-1986). Alors que la contestation se fait grandissante, les soutiens du régime se font moins nombreux et certaines formations politiques se retirent, en totalité ou en partie, du FNDR.

6. Les troubles de la démocratisation

C'est à l'ANP, élue en 1989, et dans laquelle l'Arema détient une très forte majorité, que revient le mérite des premières mesures de démocratisation (notamment, le retour du multipartisme) en décembre 1989. Dans un climat troublé, l'opposition, appuyée par le Conseil des Églises, constitue et structure le Mouvement des forces vives, qui se radicalise contre Ratsiraka, au point de désigner en juillet 1991 un président de la République, le général Rakotoharison, et un Premier ministre, Albert Zafy. Provocation ou ordre délibéré, la Garde présidentielle tire sur une manifestation pacifique, le 10 août, faisant officiellement 30 morts et de nombreux blessés, dont Zafy. Antananarivo devient le siège de manifestations d'une ampleur exceptionnelle. Une solution politique originale est trouvée le 31 octobre. Durant une période transitoire de dix-huit mois, le président et le Premier ministre restent en place, mais sont « doublés » par une Haute autorité pour la transition vers la IIIe République, que dirige Zafy. La contre-attaque de Ratsiraka et de ses partisans prend la forme d'une revendication fédéraliste, qui donne lieu à de « mini-coups d'État » dans certaines provinces. Le calme revient progressivement dans la rue avec l'adoption de la Constitution (promulguée le 18 septembre 1992) et la tenue d'une élection présidentielle, dont le second tour (janvier 1993) consacre la large victoire de Zafy. L'instabilité politique demeure et aboutit, en septembre 1996, à la destitution par la Haute Cour constitutionnelle du président Zafy, accusé d'avoir violé la Constitution. Le « professeur », dont la popularité est fortement érodée, est battu de quelques milliers de voix par Didier Ratsiraka lors de l'élection présidentielle de décembre 1996. En 1998, le président fait entériner par un référendum populaire une réforme constitutionnelle, portant sur la décentralisation (création de régions autonomes) et sur le renforcement des pouvoirs du chef de l'État au détriment du Parlement.

7. Marc Ravalomanana (2001-2009)

L'élection présidentielle de décembre 2001, opposant le chef de l'État sortant, Ratsiraka, à Marc Ravalomanana, homme d'affaires influent et maire d'Antananarivo, plonge le pays dans une crise politique de six mois.

Déclaré en ballottage favorable à l'issue d'un scrutin entaché de fraudes, Ravalomanana, soutenu par une part importante de la population, s'autoproclame président de la République le 22 février 2002. Le président sortant, Ratsiraka, choisit de se maintenir au pouvoir dans l'attente de la poursuite du processus électoral.

Une tentative de médiation est menée par le président du Sénégal, lorsque la Haute Cour constitutionnelle proclame Ravalomanana vainqueur dès le premier tour. Investi le 6 mai 2002, le premier président merina de l'histoire du pays et son gouvernement sont reconnus par des pays européens et les États-Unis lors des fêtes de l'indépendance (26 juin). Isolé, Didier Ratsiraka, quitte le pays le 5 juillet et se réfugie en France.

Le mouvement de Marc Ravalomanana – le TIM (Tiako'i Madagasikara : « J'aime Madagascar ») – transformé en parti en juin 2002, obtient la majorité absolue aux législatives du 15 décembre 2002, boycottées par l'Arema. Alors que l'opposition peine à se faire entendre, Ravalomanana met en place le Madagascar Action Plan (MAP) – un vaste plan de réformes (développement des infrastructures, réforme foncière, lutte contre le sida), qui sont autant de chantiers privilégiés des bailleurs de fonds et qui correspondent aux Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) de l'ONU.

En 2006, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale effacent la dette multilatérale malgache. En dépit d'un bilan économique peu flatteur (chute du revenu par habitant en 2004, de la croissance en 2006) et des critiques de plus en plus vives sur son exercice solitaire du pouvoir et son autoritarisme, Marc Ravalomanana est réélu en 2006 (54,8 % des voix). Fragilisé par des divisions au sein de sa majorité, il dissout l'Assemblée nationale en juillet 2007et convoque des élections législatives anticipées (23 septembre), remportées par le TIM (106 des 127 sièges de l'Assemblée nationale), mais avec une abstention supérieure à 80 %. Lâché par ses anciens alliés et par l'Église catholique, Ravalomanana, qui a renforcé les prérogatives du pouvoir exécutif au détriment du Parlement, gère seul le pays.

8. Andry Rajoelina et la « transition » (2009-2013)

Le début de l'année 2009 est marqué par une nouvelle crise institutionnelle. Le jeune maire d'Antananarivo depuis les municipales de décembre 2007, Andry Rajoelina, utilisant le mécontentement populaire (suscité notamment par la décision présidentielle de vendre plusieurs millions d'hectares de terres agricoles à la multinationale Daewoo), se présente comme le porte-parole de l'opposition et mobilise la rue contre le régime. Destitué de ses fonctions de maire, A. Rajoelina prend la tête d'une « Haute Autorité de transition » (HAT). Une trentaine de ses partisans sont tués par la garde présidentielle alors qu'ils marchaient vers le palais présidentiel.

Lâché par l'armée, Marc Ravalomanana démissionne le 17 mars, après avoir transféré ses fonctions du président de la République et celles du Premier ministre à un « directoire militaire », qui transmet aussitôt tous ses pouvoirs à l'opposant Rajoelina. Le 18, la Haute Cour constitutionnelle légalise l'accession à la présidence de la République de Rajoelina qui dissout l'Assemblée nationale, le Sénat, promet de rédiger une nouvelle Constitution et d'organiser des élections présidentielle et législatives d'ici deux ans.

La communauté internationale dénonce un coup d'État ; l'Union africaine suspend Madagascar de ses instances, la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) exige le retour au pouvoir de Ravalomanana et exclut Madagascar de ses instances « jusqu'au retour de l'ordre constitutionnel ». Soutenu par une partie de la population, le président déchu, Ravalomanana, trouve refuge au Swaziland.

Des négociations menées en août à Maputo (Mozambique) sous l'égide de la communauté internationale débouchent sur un accord prévoyant l'intégration des quatre principales « mouvances » politiques – représentées par les ex-présidents Ratsiraka et Zafy, le président évincé, Ravalomanana, et l'actuel homme fort de la Grande Île, Rajoelina – dans un gouvernement de transition chargé d'organiser une élection présidentielle fin 2010, à laquelle pourront se présenter Ravalomanana et Rajoelina.

Un accord sur le partage du pouvoir, complémentaire, conclu à Addis-Abbeba (novembre), confirme Rajoelina comme président de la transition tandis que les deux co-présidences reviennent aux mouvances de Ravalomanana et de Zafy, celle de Ratsiraka conservant le poste de Premier ministre. Mais, le 20 décembre, Rajoelina, évitant de s'aliéner l'armée, minée par les divisions, nomme un militaire à la primature.

En mars 2010, l'Union africaine impose des sanctions à l'encontre de Rajoelina et des chefs des forces armées pour entrave à l'application de l'accord de partage de pouvoir de novembre 2009. Le blocage politique semble dès lors sans issue même si une conférence nationale est réunie en septembre 2010 – les principales mouvances de l’opposition n’y participant pas – et si une nouvelle Constitution instaurant la IVe République de Madagascar, est approuvée par référendum en novembre, parallèlement à la mise en place d’un Conseil supérieur et d’un Congrès de la transition. Les négociations butent en particulier sur le retour de M. Ravalomanana, réfugié en Afrique du Sud et condamné par contumace en août.

Avec la médiation (et sous la pression) de la SADC, une « feuille de route pour la sortie de crise », permettant notamment le retour sans conditions des tous les citoyens malgaches en exil pour des raisons politiques et prévoyant la mise en place d’un nouveau cadre électoral en vue de l’organisation d’élections libres et transparentes, est finalement signé en septembre 2011 par l’ensemble des forces politiques, à l’exception de la mouvance de l’ancien président Didier Ratsiraka. En novembre, ce dernier est toutefois de retour à Madagascar après neuf ans d’exil en France tandis que, proposé par A. Zafy, un Premier ministre de « consensus », Omer Beriziky, forme un gouvernement « d’union nationale » qui est contesté aussi bien par D. Ratsiraka que par M. Ravalomanana. Alors que la communauté internationale s’oriente vers la levée des sanctions, le processus de transition reste ainsi fragile, la confiance entre les différents acteurs politiques de cette longue crise n’étant pas encore rétablie.

9. Hery Rajaonarimampianina (2014-2019)

Sans cesse reportées depuis 2009, des élections générales ont finalement lieu en octobre et décembre 2013, les deux principaux adversaires, A. Rajoelina et M. Ravalomanana s’étant engagés, sous la pression de la communauté internationale, à ne pas se présenter. Mais ils s’affrontent tout de même par candidats interposés. Soutenu par le premier, Hery Rajaonarimampianina, ministre des Finances dans le gouvernement sortant, remporte le scrutin présidentiel au second tour avec 53,5 % face à Jean Louis Robinson, adoubé par le second. Le 25 janvier 2014, le nouveau président entre en fonctions. Faute de représentants élus sous sa propre bannière à l'Assemblée, H. Rajaonarimampianina est entravé dans ses volontés de réforme et, en mai 2015, brutalement contesté lorsqu'une majorité écrasante de députés – pour un grand nombre d'entre eux, en représailles de ne pas s’être vus accorder les avantages escomptés –, issus des deux camps rivaux de A. Rajoelina et de M. Ravalomanana, s'allient pour voter la destitution du président, une mesure qui est cependant rejetée par la Haute Cour constitutionnelle (HCC).

Lâché par le MAPAR, la coalition pro-Rajoelina, le président crée le HVM (Hery Vaovao ho an'i Madagasikara, Force nouvelle pour Madagascar), sur lequel il veut s’appuyer pour contrecarrer une assemblée hostile ; le HVM remporte les élections communales (marquées toutefois par une abstention de 70 %) et sénatoriales (indirectes) en juillet et décembre 2015.

À partir de 2014-2016, Madagascar renoue avec les bailleurs de fonds internationaux, dont l’Union européenne. Ses projets de développement sur la période 2017-2020 reçoivent l’appui de la Banque africaine de développement, de la Banque mondiale et du Programme des Nations unies pour le développement (pour un engagement de 6,4 milliards de dollars), tandis que le FMI lui accorde une facilité élargie de crédit. Si l’économie retrouve la voie de la croissance (de 2,3 % en 2013 à 5 % en 2018), tirée notamment par les petites industries, les exportations des zones franches et l’investissement public dans le secteur de la construction, cette reprise ne concerne que les régions urbaines et laisse à l’écart la population rurale (80 % des Malgaches). La réduction de la pauvreté, qui touche plus de 70 % de la population, est très lente et le pays recule en matière de développement humain (161e rang sur 189 pays).

En dépit de l’engagement du gouvernement à lutter contre la corruption, cette dernière a prospéré en même temps que les trafics de bois précieux (bois de rose notamment) ou de saphirs, ternissant le bilan du président sortant, qui brigue un nouveau mandat à l’élection présidentielle de 2018. Il n’obtient qu’environ 9 % des voix, largement distancé par ses deux principaux concurrents.

Plus de trente candidats se présentent à ce scrutin qui n’est pourtant qu’une bataille entre ex-présidents : A. Rajoelina arrive en tête du premier tour, talonné par M. Ravalomanana, et s’impose au second avec 55,57 % des suffrages, l’emportant surtout dans les villes. En baisse par rapport aux élections de 2013, le taux de participation est d’environ 48 %.

A. Rajoelina entre en fonctions le 18 janvier 2019 et confirme Christian Ntsay (nommé en juin 2018) au poste de Premier ministre.