C'est une question qui s'était déjà posée quand furent perpétrés, le 19 juillet, deux attentats anti-israéliens à Paris, et qui surgira avec plus d'intensité quand, le 17 septembre, à la veille du nouvel an juif, une bombe placée dans la voiture d'un membre de la mission d'achat d'Israël explose, rue Cardinet, blessant grièvement les passagers de l'auto ainsi que plusieurs dizaines de lycéens du lycée Carnot proche.

Rome

Le lendemain, c'est un attentat contre les juifs venant prier dans la grande synagogue de Bruxelles, et trois semaines plus tard, le 9 octobre, un attentat meurtrier — dont la première victime est un enfant — contre la synagogue de Rome, où des juifs étaient venus célébrer une bar-mitzva (l'équivalent d'une communion) collective.

Pour les policiers, les attentats de la rue des Rosiers et ceux perpétrés à Bruxelles et à Rome offrent d'innombrables points de parenté. S'ils paraissent liés aux entreprises de déstabilisation internationale, ils n'en constituent pas moins, à en croire la réaction des fidèles, les conséquences des campagnes antisémites qui ont pris pour prétexte la guerre d'Israël au Liban.

Le phénomène est particulièrement manifeste en Italie où, pour la première fois dans l'histoire moderne de ce pays, qui y avait échappé au temps du fascisme mussolinien, l'antisémitisme cause des ravages. Les juifs de Rome réagiront d'une façon exceptionnelle dans l'histoire des communautés juives, en refusant les marques de solidarité que leur témoignent les dirigeants et la population d'Italie, les jugeant indirectement responsables de l'attentat.

Tensions

Car c'est en Italie, justement, que Yasser Arafat, au lendemain de son départ de Beyrouth, a rencontré l'accueil le plus chaleureux. Que Jean-Paul II ait, lui aussi, accepté le 15 septembre 1982 d'accorder une audience au chef de l'OLP, alors que le Vatican persiste à ne pas reconnaître l'État d'Israël, a non seulement indigné les juifs d'Italie mais a remis en question de manière générale le rapprochement judéo-chrétien, sensible depuis Vatican II, et d'autres initiatives, comme celles des évêques français de 1973.

Alors que les troupes israéliennes sont toujours au Liban, les juifs de France, soumis à de multiples tensions, sont appelés à renouveler l'équipe qui les représentera au niveau politique. Car Alain de Rothschild, qui a assuré depuis de nombreuses années la présidence du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), meurt subitement, en octobre 1982. Le nouveau président et le Conseil directeur devraient être élus en mars 1983. Quel que soit l'élu, il est peu probable qu'il puisse faire preuve d'une autorité suffisante pour sortir les juifs de France de l'environnement morose dans lequel ils se sentent prisonniers.