Journal de l'année Édition 2002 2002Éd. 2002

Israël : la victoire annoncée d'Ariel Sharon

Si la victoire de Sharon était annoncée, dans les semaines précédant le scrutin, personne n'aurait toutefois prédit, quelques mois plus tôt, que le Likoud présenterait ce candidat, et que le résultat serait aussi tranché.

Vingt-cinq points d'avance sur son adversaire travailliste, le Premier ministre sortant Ehoud Barak : la victoire d'Ariel Sharon n'a surpris que par son ampleur sans précédent, plus imposante encore que ce que les sondages avaient prévu. Le chef du Likoud recueille en effet 62,5 % des suffrages exprimés, contre 37,5 % pour Ehoud Barak. Sharon, le général « faucon », surnommé le « bourreau du Liban » pour y avoir dirigé l'intervention israélienne de 1982, celui qui, par sa présence provocatrice sur l'esplanade des Mosquées, en septembre 2000, a relancé l'Intifada, est ainsi parvenu à battre par K.-O. le Premier ministre qui a été le plus près de la conclusion d'un accord de paix avec les Palestiniens !

« Union nationale »

C'était la première fois, ce 6 février, que les Israéliens votaient au suffrage direct pour désigner leur Premier ministre. Jusqu'à la récente réforme du système électoral, ils élisaient leurs députés qui, à leur tour, désignaient le chef du gouvernement. La démission d'Ehoud Barak, en décembre 2000, a entraîné l'organisation anticipée de ce scrutin qui ne modifiera donc pas la composition de la Knesset élue en mai 1999, où le Likoud dispose de dix-neuf sièges alors que le Parti travailliste en compte vingt-six. Ariel Sharon, aussitôt élu, a proposé aux travaillistes de participer à un « gouvernement d'union nationale le plus large possible ». La formule n'est pas entièrement justifiée par l'état de violence dans lequel Israël se trouve de nouveau plongé. C'est aussi la seule solution, pour le futur Premier ministre, pour ne pas devenir l'otage des partis ultra-orthodoxes avec lesquels il devrait faire alliance, en cas de refus travailliste, afin de disposer d'une majorité parlementaire.

La victoire d'Ariel Sharon reste toutefois à nuancer. Le taux d'abstention a, lui aussi, atteint un niveau record dans l'histoire électorale du pays : 40 % des inscrits, alors qu'il tourne habituellement autour de 20 %. Le boycottage revendiqué du scrutin par les Arabes israéliens, qui représentent 13 % de l'électorat et dont un petit cinquième seulement serait allé voter, n'explique pas tout – ceux-ci ont voulu signifier leur rejet de la politique travailliste après la mort de treize d'entre eux lors d'une manifestation de soutien à l'Intifada, en octobre 2000. C'est la mobilisation d'une grande partie de l'électorat travailliste traditionnel qui a fait défaut au Premier ministre sortant. Il semblerait que la victoire de Sharon illustre surtout la déception inspirée par vingt et un mois de gestion Barak, ainsi qu'une forme de découragement après quatre mois de violence. Dès l'annonce des premiers résultats, le Premier ministre sortant a d'ailleurs annoncé son intention de démissionner de la présidence du Parti travailliste ainsi que de son siège de député. L'ancien Premier ministre Shimon Pères, écarté de la candidature travailliste par Ehoud Barak, n'avait-il pas prévenu, la veille du scrutin, que celui-ci « devrait tirer les conséquences d'un éventuel échec ? »

« Escalade militaire »

Ariel Sharon a annoncé son intention de reprendre les négociations avec les Palestiniens à la condition que ceux-ci « abandonnent la voie de la violence ». De son côté, Yasser Arafat, chef de l'Autorité palestinienne, qui avait très tardivement appelé à empêcher la victoire du candidat du Likoud, affirme respecter « le choix du peuple israélien » et souhaiter « la poursuite du processus de paix ». La prudence est également de mise dans les pays arabes modérés, où les dirigeants déclarent qu'ils jugeront le nouveau gouvernement israélien sur ses actes. L'attitude attentiste est la même à Washington, Paris ou Bruxelles, tant la perspective des relations entre le futur gouvernement Sharon et l'Autorité palestinienne apparaît indistincte.