Journal de l'année Édition 2001 2001Éd. 2001

Qu'elle repose sur des malentendus pédagogiques ou des querelles de chapelle entre économistes, cette controverse universitaire est prise au sérieux par les autorités de tutelle. À telle enseigne que le ministre de l'Éducation nationale Jack Lang a confié, en octobre, à Jean-Paul Fitoussi, président de l'Observatoire français des conjonctures économiques, une mission de réflexion sur l'enseignement de l'économie, tant en France qu'à l'étranger. Curieusement, les étudiants n'ont pas été invités à participer aux travaux, mais n'en tentent pas moins de se faire entendre, afin d'ouvrir les cursus en économie aux autres sciences sociales.

Au fond, les pétitionnaires ne revendiquent rien de moins qu'un rééquilibrage des outils utilisés par l'économie pour lire le monde, au profit d'une véritable réflexion sur les enjeux politico-éthiques de leur discipline. Autant de questions auxquelles les modèles ne savent pas répondre.

Emmanuel Chicon

Nobel 2000 : l'économétrie à l'honneur

En décernant le Nobel d'économie 2000 à Daniel McFadden et James Heckman, les jurés de la Banque de Suède n'auront pas manqué de chagriner les pourfendeurs de l'économie « modélisante ». Faut-il s'offusquer de cette récompense attribuée aux inventeurs d'un « Big brother » mathématique utilisé par nombre d'entreprises pour réaliser des études de marketing ? Leur modèle, joliment baptisé « logit conditionnel », peut notamment analyser les choix effectués par les consommateurs devant les rayons des supermarchés, en intégrant des variables psychologiques. Faut-il au contraire s'émouvoir devant « un des paradigmes de la science économique moderne » à l'instar de Marc Ivaldi, de l'École des hautes études en sciences sociales, parce qu'il permet tout autant de mesurer les effets des mesures anti-pollution que d'étudier ceux des fusions d'entreprises sur le bien-être des consommateurs ou encore de définir une politique des transports ? Dans sa bienveillante neutralité, le « logit conditionnel » servira de multiples intérêts. Les meilleurs comme les pires.