Cinq siècles de musique contemporaine, telle était la thématique des Académies musicales de Saintes, dirigées depuis dix-huit ans par Philippe Herreweghe. Pour le chef belge, en effet, en ce tournant de siècle, les relectures des grandes pages baroques et la redécouverte du répertoire médiéval et renaissant ont définitivement marqué l'histoire musicale du xxe siècle, tout comme la création d'œuvres nouvelles. En outre, Herreweghe est las de se voir classé parmi les « baroqueux ». Certes, il est l'un des pionniers du renouveau de ce répertoire, mais, pour lui, seuls comptent vraiment Bach et ses précurseurs, Schütz et Scheidt, et tous ses autres essais, notamment Lully, Charpentier ou Rameau, l'ont conforté dans ses convictions. Conformément à la tradition, les Académies musicales de Saintes enchaînent au fil des jours plusieurs rendez-vous, essentiellement en l'abbaye aux Dames, où a notamment été donné Paulus de Mendelssohn. L'Ensemble vocal Gilles Binchois a offert un admirable récital centré sur Pérotin et l'école de Notre-Dame, constitué d'organum, conduit et autres motets d'une ardente spiritualité, alternant l'austérité de la monophonie et du plain-chant et la broderie fleurie de la polyphonie la plus flamboyante.

L'édition du vingtième anniversaire du Festival de La Roque-d'Anthéron a été particulièrement chargée. Pas moins de quatre-vingt-dix concerts ont été proposés en un peu moins de cinq semaines, soit le double de la norme, le tout confié à soixante-dix pianistes, sept clavecinistes, deux organistes et deux orchestres – vingt des premiers se sont même retrouvés le 21 août au parc de Florans pour un immense jamboree. Pareille pléthore de concerts engendre naturellement autant de bonheurs que de déconvenues. Ainsi, présentée dans un coin reculé du parc de Florans, enveloppée du souffle d'un puissant mistral et des stridulations des cigales rivalisant avec son Steinway, la jeune pianiste roumaine Mirabela Dina s'est imposée dans un programme lui permettant de jouer de tous les registres de son jeune talent, brossant une sonate de jeunesse de Haydn scintillante, trois Encores pour piano de Berio dont elle a pleinement saisi les raffinements, des Intermezzi op. 117 de Brahms d'une sereine expressivité et un éblouissant Gaspard de la Nuit de Ravel joué maestria. Cédric Tiberghien, vingt-cinq ans et regard d'adolescent, est un musicien hors pair, comme l'atteste une Sonate no 60 de Haydn brillante et profonde, sans excès, des Variations « Eroica » de Beethoven aux paysages gavés de rythmes et de couleurs, une Fantaisie op. 17 de Schumann mâle et puissamment structurée. Le pianiste turc Hüseyin Sermet a proposé une Sonate en la mineur de Schubert hétéroclite, et une Sonate en si mineur de Liszt tendue et poétique. Florent Boffard a imposé son jeu nuancé et félin à un public d'abord inquiet mais vite subjugué par les pièces de Boulez jouées avec un art de la couleur et un sens du discours confinant au classicisme, à l'égal de la transcendante musicalité du Bach de l'Allemand Peter Rösel. En l'église de Cucuron, Gustav Leonhardt proposait sur l'orgue du xviie siècle un florilège de pages de disciples de Frescobaldi qui ont acquis, sur ce vieil instrument accordé en mésotonique, selon les critères de l'époque, un cachet unique ; le musicien flamand instillait à cet instrument d'une apparente austérité une liberté fantasque, alors que Deszö Ranki proposait un programme d'une intelligence suprême, s'achevant naturellement sur la Sonate de son compatriote Bartók jouée de façon idiomatique, dépouillée de tout intellectualisme.

Le Festival de Prades célébrait son demi-siècle d'existence. Tout comme voilà cinquante ans le violoncelliste Pau Casals avait réuni ses amis musiciens, le clarinettiste Michel Lethiec, qui dirige le Festival depuis vingt ans, a associé à la double commémoration de la création de la manifestation et de la mort de Bach quantité de fidèles, notamment le Quatuor Talich et Jean-Claude Pennetier, à qui se sont joints de jeunes artistes comme Jérôme Pernoo, ancien élève de l'Académie de Prades, qui a ouvert l'édition 2000 avec la même première Suite de Bach que celle que joua son illustre aîné le 2 juin 1950.