Si les fédérations nationales et internationales prospèrent, les clubs ne sont pas en reste. Ceux qui ont la chance d'évoluer en Ligue des champions – et à un moindre titre en Coupe de l'UEFA –, en tirent un véritable trésor de guerre. Un total de 3,3 milliards de francs (503 millions d'euros) ont été distribués en 2000 par l'UEFA aux participants de la « grande » Coupe d'Europe, dont 200 millions (30 millions d'euros) pour le vainqueur. Soit 300 % de plus qu'en 1999.

Parallèlement, les bénéficiaires de ce magot sont souvent ceux qui ont mis sur pied de véritables entreprises de vente de produits dérivés (merchandising). Maître de ce business, le club anglais de Manchester United récolte chaque année 221 millions de francs (33 millions d'euros) de la billetterie et autant de la vente de maillots, casquettes, écharpes et autres articles pour fans. Les footballeurs sont des stars qui font vendre. Le club allemand du Bayern de Munich avait ainsi, il y a quelques saisons, refusé de se défaire d'un joueur blessé en raison de sa cote d'amour auprès du public : Les maillots à son nom étaient les plus réclamés dans la boutique. Prêts à tout pour obtenir la casquette siglée ou le maillot de leur héros, les supporters et spectateurs sont également capables de débourser des sommes folles pour assister à une rencontre. Selon les premières estimations, les billets pour la finale de la Coupe du monde 2002 à Yokohama pourront atteindre 5 247 francs (800 euros), contre 2 950 francs (450 euros) en 1998.

L'inégalité européenne

Mais tous les clubs ne sont pas égaux devant l'argent. De par leurs réglementations nationales, l'Angleterre, l'Espagne et l'Italie, par exemple, ne jouent pas dans la même catégorie que la France. Chez les trois grands d'Europe, les clubs sont de véritables entreprises habilitées – et invitées – à faire du profit au travers, par exemple, de leur cotation en Bourse, très répandue en Angleterre et à une plus faible échelle dans huit autres pays. Leurs homologues français viennent à peine d'être autorisés à se constituer en sociétés anonymes à statut professionnel et la loi sur le sport adoptée en décembre 1999 prohibe leur entrée en Bourse. Dans le classement 1998/1999 des vingt clubs les plus riches du monde, le premier français, le Paris-Saint-Germain, pointait seulement en quinzième position alors que Manchester United, souvent présenté comme l'entreprise footballistique la plus prospère au monde, pesait près de 10 milliards de francs (1,52 milliard d'euros) à la Bourse de Londres.

En France, les clubs se partagent chaque saison près de 2 milliards de francs (305 millions d'euros) de droits de retransmission télévisée alors que leurs concurrents de la première ligue anglaise en empochent le triple. Inévitablement, les meilleurs joueurs de chaque pays se concentrent donc dans les championnats les plus lucratifs. Sur les vingt-deux champions d'Europe français, seuls deux, Christophe Dugarry et Nicolas Anelka, évoluaient dans l'Hexagone au début de la saison 2000/2001.

Spirale infernale : les stades tournent à plein régime chez les uns, alors que chez les autres, le taux de fréquentation stagne. Le niveau du championnat de France baisse inexorablement. Pour la deuxième saison consécutive en 2000, aucun club français ne s'est qualifié pour les quarts de finale de la Ligue des champions, la compétition étalon du football continental. À l'automne, l'Olympique de Marseille, pris à la gorge et obligé de vendre ses meilleurs éléments à l'intersaison, annonçait sa décision d'ouvrir son capital afin de récolter des fonds et d'acheter des joueurs. Autre dérive du système, les clubs s'endettent souvent à millions. Le Real Madrid, « ambassadeur de l'Espagne », comptait en 1999 1,3 milliard de francs (198 millions d'euros) de dettes.

Les tentatives de réglementation

Face à ce qui s'apparente de plus en plus à du capitalisme sauvage, les pouvoirs publics ne cessent de rechercher des solutions. En 1994, l'arrêt Bosman adopté par la Commission européenne avait déjà provoqué un véritable séisme dans le monde du football en empêchant les clubs de percevoir des indemnités de transfert sur des joueurs en fin de contrat. Censé réguler le marché, l'arrêt Bosman a, à l'inverse, déréglé la machine. Il a provoqué la multiplication du nombre et de la valeur des transferts « avant terme » et a renforcé la spoliation des clubs qui investissent du temps et de l'argent dans la formation des jeunes joueurs dont ils se font par la suite déposséder.