En 1895, après une succession d'héritages, la relique est remise à don Carlos, duc de Madrid, prétendant légitimiste au trône de France. Ce seront ses petites-filles qui, en 1975, confieront le cœur au duc de Bauffremont, président du Mémorial de France à Saint-Denis (Paris), afin qu'il soit conservé dans la nécropole des rois de France. Nécropole dans laquelle le prince Louis de Bourbon, « en tant que chef de la maison de Bourbon et successeur des rois de France », vient de demander aux autorités de la République que puisse être effectuée l'inhumation officielle du cœur de Louis XVII, aux côtés de son père et de sa mère.

Aux origines de l'espèce humaine

Les Romanov, Louis XVII, Jefferson... C'était hier. En déchiffrant l'ADN humain, non plus à l'échelle des individus, mais des populations, les généticiens ont plongé plus loin encore dans le passé. « L'histoire, écrit Michelet, est une résurrection de la vie intégrale, non pas dans sa surface, mais dans ses organismes intérieurs et profonds »... Aidés par les données de la paléontologie, mais aussi par l'étude des langues, les biologistes qui l'ont compris ont pu retracer, pas à pas, certains cheminements de l'histoire. Ils ont ainsi retrouvé la piste des grandes migrations indo-européennes, reconnu les expéditions des Vikings, confirmé les conquêtes des souverains khmers. Ou encore certifié la lointaine origine asiatique des quelques milliers d'Aïnous qui, aujourd'hui encore, peuplent l'île japonaise d'Hokkaido.

À l'issue d'une vaste étude entamée au début des années 1980, des chercheurs de l'INSERM ont, de la même façon, précisé l'histoire des provinces françaises. Leur enquête a été menée auprès de 1 382 familles, soit 6 000 personnes localisées sur au moins trois générations dans quatorze régions françaises et au Québec. Effectuée sur 300 marqueurs génétiques (groupes sanguins ABO, facteur Rhésus, immunoglobulines et, surtout, marqueurs tissulaires du système HLA, qui constitue l'un des plus remarquables témoins de la diversité génétique humaine), elle a tout d'abord permis d'établir, dans ses grandes lignes, une « photographie spatiale » de la répartition génétique en France.

Selon le groupe régional étudié, en effet, certains gènes ou associations de gènes apparaissent plus fréquemment que d'autres. Menés en premier lieu dans un but épidémiologique (pour comprendre les liaisons qui existent entre marqueurs et certaines maladies), ces travaux ont confirmé à quel point l'ADN des citoyens français reflétait la diversité ethnique du pays. En mesurant le taux de variabilité de certains gènes d'un groupe d'individus à un autre, ils ont également permis de préciser la dynamique de la population française depuis l'époque gallo-romaine, ses évolutions et ses mouvements.

La méthode, bien connue des généticiens des populations, consiste à définir la « distance génétique » existant entre différentes populations contemporaines, afin de retracer les grandes migrations qui ont présidé à l'expansion géographique de l'homme. Ardent apôtre de cette méthode d'investigation bio-historique, le généticien Luigi Luca Cavalli-Sforza le répète à l'envi : « les gènes et les pierres racontent la même histoire. » Aujourd'hui président du département de génétique de l'école médicale de Stanford (Californie), il travaille ainsi depuis des décennies à parfaire l'arbre généalogique de l'humanité, à partir d'échantillons de sang recueillis sur des groupes de populations du monde entier.

Pas d'ADN pour l'affaire Grégory

Fin octobre 2000, les conclusions du rapport scientifique demandé par la justice ont constitué pour la famille du petit Grégory Villemin, retrouvé ligoté et noyé dans la rivière vosgienne de la Vologne, en 1984, une cruelle déception : les traces d'ADN figurant sur une des lettres du « corbeau », affirment les experts, ne sont pas interprétables. En avril 2000, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Dijon avait ordonné la réouverture de l'information judiciaire, ainsi qu'une analyse génétique sur le demi-timbre, collé à la salive, qui subsistait sur une enveloppe contenant une lettre anonyme reçue par les grands-parents de l'enfant en avril 1983. Selon le rapport du laboratoire de génétique moléculaire du CHU de Nantes, l'échec de cette tentative « est probablement dû aux diverses manipulations de l'enveloppe depuis 1983 et/ou aux conditions de conservation du scellé ».

Des études édifiantes

Un exemple ? Celui, parmi d'autres, des premiers Amérindiens. Pour les examiner sous la loupe de la génétique, l'équipe de Luca Cavalli-Sforza s'est intéressée au chromosome Y (matériel presque aussi prisé que l'ADN mitochondrial pour les études généalogiques, puisqu'il ne se transmet que de père en fils) de 173 de nos contemporains, vivant sur les cinq continents. À l'aide d'une méthode d'analyse très puissante, l'équipe a découvert sur un petit fragment de ce chromosome une singulière mutation, présente dans 90,5 % des populations d'Amérique du Sud et d'Amérique latine examinées, mais qu'on ne retrouve dans aucune population hors du continent américain. Une exclusivité territoriale qui, malgré la faiblesse de l'échantillon étudié, ne laisse guère de doute sur l'origine de cette variation génétique : celle-ci a probablement coïncidé avec l'arrivée des premiers hommes dans le Nouveau Monde, à une époque que les généticiens, comme les archéologues, situent il y a environ 30 000 ans.