L'Argentine ne supporte plus d'être sacrifiée sur l'autel de la compétitivité (au sein du Mercosur et à l'égard du reste du monde) et ses habitants critiquent une globalisation excessive. Selon les chiffres de l'Église catholique, 13 millions de personnes, soit 36 % de la population, vivent dans la pauvreté. Les familles des bidonvilles dénoncent l'indifférence du gouvernement. Dans un reportage spécial élections, le quotidien Libération rapporte dans son édition du 22 octobre la détresse des habitants de « Villa inflammable », l'un de ces coins de la « ceinture de pauvreté » complètement insalubres et laissés à l'abandon. La situation sociale que doit affronter le nouveau président est donc particulièrement difficile. Les systèmes d'éducation et de santé qui étaient jugés comparables à ceux des pays développés ont été démantelés, les réformes à long terme négligées.

La lutte contre le chômage sera par ailleurs un des principaux objectifs du nouveau gouvernement. Son taux a plus que doublé en dix ans passant de 7 % en 1989 à 14,5 % en 1999. Il atteindrait même 30 % chez les jeunes de moins de vingt-cinq ans. Pour l'instant, l'Alliance a simplement annoncé qu'elle traiterait le problème de front et qu'elle commencerait à distribuer des bons alimentaires pour les plus démunis.

Une situation de crise économique

L'urgence est aussi économique. L'économie s'est ralentie (on prévoit un taux de croissance négatif pour cette année) et l'Argentine, qui passait pour le « bon élève du Fonds monétaire international », commence à inquiéter les investisseurs. L'évasion fiscale touche le pays de façon endémique. Plus de 90 milliards de fonds bancaires auraient ainsi été déposés à l'étranger.

Autres sources d'inquiétude : l'augmentation de la dette extérieure, passée de 86 à plus de 150 milliards de dollars (soit 47 % du PIB), le déficit de la balance commerciale et le recul de la production industrielle. Sans jamais remettre en cause la politique libérale menée pendant dix ans par son prédécesseur, Fernando de la Rua prône l'austérité et l'honnêteté et défend l'idée d'un « nouveau chemin ». Il se dit particulièrement séduit par la « troisième voie » que défend le Premier ministre britannique, Tony Blair.

Céline Cabourg

L'Argentine en chiffres

– Population : 36 millions d'habitants

– PIB : 319,2 milliards de dollars

– Taux de croissance : 1,2 %

– Religion : catholicisme (90 %, religion officielle)

– Taux de chômage : 14,5 % (30 % chez les jeunes)

– Pauvreté : 13 millions (source Église catholique) ; les trois quarts des Argentins gagnent moins de 1 000 dollars par mois

– Dette extérieure : 150 milliards de dollars (47 % du PIB)

– Taux de mortalité infantile : 22 %

– Déficit commercial (1998) : 3,8 milliards de dollars

Source : Conjoncture 2000, éd. les Échos, Bréal.