En dressant l'archéologie du thème des nymphéas dans l'œuvre de Monet, l'exposition interroge le principe sériel adopté par le chef de file de l'impressionnisme. Si ce procédé apparaît chez Monet dès 1870, notamment avec les Vue d'Argenteuil, c'est surtout au cours de la dernière décennie du siècle qu'il devient central dans l'activité du peintre, avec les magistrales séries des Meules, des Peupliers et des Cathédrale de Rouen. La série est, pour Monet, un moyen de remettre en cause le principe d'une œuvre totalement autonome. Elle résout aussi par un système de mise en écho entre différentes toiles l'impossible achèvement d'une œuvre, renvoyée en permanence vers une autre. La série lui permet enfin d'explorer un motif sans jamais le clore, de passer d'une impression à une autre par une juxtaposition de toiles qui, s'accumulant, restituent le sens d'une expérience totale, plus globale. Dans cette succession de toiles apparaît la fraîcheur d'un mouvement insaisissable : le « cycle » est un moyen de traduire le caractère fugitif de notre perception du monde. Monet est le peintre d'un siècle marqué par les découvertes scientifiques dont celles de l'atome et des théories ondulatoires qui révèlent, chacune, combien la matière n'est pas inerte mais active, chargée d'énergie. L'impressionniste se donne pour objectif de traduire sur la toile cette nouvelle réalité énergétique : « Je ne forme pas d'autres vœux que de me mêler plus intimement à la nature. » Monet cherche la fusion. Il aspire, avec la « grande décoration » de l'Orangerie, à réaliser un grand œuvre susceptible de capturer et transporter le spectateur à l'intérieur d'une demeure des sens harmonieuse, sereine et pleine de vie.

Pascal Rousseau,
critique d'art