De cette épreuve, toutefois, l'Europe des citoyens, à travers le Parlement qui les représente, sort renforcée. En menaçant de censurer la Commission, puis en créant ce Comité des sages qui, pour la première fois, a demandé des comptes à l'exécutif bruxellois, les députés de Strasbourg ont fait accéder à la conscience un « esprit public » européen qui traduirait les sentiments ni europhiles ni europhobes, mais simplement « eurovigilants », des habitants de l'Union.

Dès le début de la réunion du sommet européen de Berlin, les chefs d'État et de gouvernement des Quinze ont désigné à l'unanimité l'ancien président du Conseil italien, Romano Prodi, seul candidat déclaré, au poste de président de la future Commission. Celui-ci demandera l'investiture du Parlement sortant avant de choisir les 19 autres commissaires. Une fois la Commission formée, celle-ci se présentera devant le nouveau Parlement, qui doit être élu en juin, afin d'obtenir sa confiance. Cette désignation apparaît comme un désaveu supplémentaire pour la Commission sortante. Celle-ci n'avait-elle pas affirmé, en avril 1997, que l'Italie, à la tête de laquelle se trouvait alors Romano Prodi, ne pourrait prétendre à entrer dans la zone euro en raison de l'insuffisance de ses résultats ?

Christophe Péry

Romano Prodi

C'est un « provincial » – comme le qualifiaient ses détracteurs italiens – né en août 1939 en Émilie-Romagne et qui est aujourd'hui président de la Commission européenne. L'homme n'en est pas à sa première surprise : Romano Prodi n'avait jamais participé à aucune élection lorsque sa coalition de centre gauche, l'Olivier, a remporté les législatives d'avril 1996 et qu'il est devenu président du Conseil. Il avait déjà été ministre, cinq mois seulement, en 1978-1979, dans le cabinet de Giulio Andreotti, chargé de l'industrie. Cet économiste libéral très pragmatique avait par la suite été nommé à la tête de l'Institut pour la reconstruction industrielle (IRI), où il avait fait preuve de ses talents de gestionnaire. Mais c'est le paysage politique que Prodi, « Il professore », entend bientôt réorganiser. Le voilà donc fédérateur d'une coalition qui rompt avec la traditionnelle « partitocratie » pour donner sa chance à une gauche jusque-là privée d'alternance. Son succès électoral lui permettra d'en obtenir un autre, celui de faire entrer son pays dans la zone euro. La défection de son allié communiste, en octobre 1998, fera tomber son gouvernement avant qu'il ait pu récolter les fruits de ce succès. L'injustice est aujourd'hui réparée.