Si la dyslexie a fait l'objet de nombreuses recherches, les troubles du « futur illettré » n'attirent guère les chercheurs. Si l'illettré est issu d'un milieu socialement et culturellement défavorisé, c'est bien dans les facteurs de ce milieu qu'il faut chercher l'origine, donc les solutions, de ce phénomène. Presque toujours, l'apprentissage de la lecture exige des prérequis de rencontre avec l'écrit, de manipulation du langage et d'exercices des premières compétences acquises qui ne sont pas présents dans un milieu défavorisé. L'enfant, à la naissance, possède toutes les capacités linguistiques, dont certaines risquent de disparaître si elles ne sont pas « activées » par la langue d'origine. Ce que l'enfant ne trouve pas chez lui, l'école doit le lui apporter. Est-ce à dire que tous les enfants issus de milieux défavorisés n'apprendront pas à lire ?

Évidemment non ! Chaque enseignant a connu un de ces enfants qui, contre toute attente, a appris à lire. Comment Mohammed (cinq ans) a-t-il appris à lire sans que sa maîtresse s'en rende compte ? Comment Johnny, pratiquement illettré à quatorze ans, a-t-il appris à lire en quelques semaines pour se retrouver cinq ans plus tard en classe de bac professionnel ?

Ce qui vaut pour l'école vaut pour le collège puisque tous les enfants y sont accueillis. « Est-ce le lieu où il faut leur apprendre à lire ? » ont pu s'indigner certains professeurs de collège. De la maternelle à la troisième et bien sûr à la terminale, il faut saisir toutes les occasions pour que chaque élève découvre, expérimente et maîtrise toutes les lectures pour devenir un lecteur ou, mieux encore, un lecteur efficace. Aujourd'hui, la plupart des professeurs de collège tentent de répondre aux problèmes que posent les élèves en difficulté. Le travail de ceux qui enseignent en ZEP, les différentes assises de l'innovation tant académiques que nationales en sont le témoignage. Mais le progrès significatif est que le collège a su s'ouvrir sur le monde extérieur ; pour les visites culturelles sûrement, mais surtout pour l'accueil qu'il fait à ces jeunes étudiants ou à ces animateurs qui accompagnent les élèves dans leur apprentissage ou réapprentissage. Signalons le travail que fait l'AFEV (comme beaucoup d'autres associations) ; l'étudiant prend en charge de un à trois élèves en difficulté, deux heures par semaine, en les aidant à organiser leur travail, dans les matières à problèmes et dans l'approche globale de l'apprentissage. Les parents tirent profit de la présence au domicile de l'étudiant : « La maman de l'enfant dont je m'occupe était analphabète, témoigne Agnès. Elle restait derrière nous, elle écoutait et elle s'est même mise à apprendre à lire. »

Comment aider l'adulte illettré à se réapproprier l'écrit ? En lui proposant des documents dont il a besoin dans sa vie de tous les jours, ce que nous pourrions appeler le « français de survie ». Mais aussi, en lui proposant des méthodes qui ne tendent pas à lui faire porter le poids de son échec et qui tiennent compte de ses « résistances » à l'apprentissage. Mais cela suffit-il ? Beaucoup trop de textes qu'on propose à l'adulte illettré sont en partie responsables de son désengagement intellectuel et affectif. L'adulte illettré, plus que tout autre, a besoin de mythes qui résonnent avec la richesse et la complexité de ses expériences vécues. C'est pourquoi les contes et légendes sont une source de textes qui peuvent conduire vers une réappropriation de l'écrit.

L'action de proximité, ce sont les associations qui l'assurent auprès des adultes illettrés. Elle n'est pas dérisoire dans sa pédagogie progressive et adaptée. Elle n'est pas non plus indigente dans ses résultats. Il semble que les milieux universitaires aient un jugement ambigu sur le bénévolat : on l'encourage à un certain moment, à d'autres on lui reproche d'être peu efficace.

Mais a-t-on mis en place des structures sérieuses de formation de formateurs ? Pourtant, le travail et les efforts des bénévoles portent leurs fruits et montrent que même à l'âge adulte il n'est jamais trop tard pour saisir une seconde chance. Permettre à chaque enfant d'accéder à l'écrit, c'est lui donner les moyens de faire ses premiers pas vers la citoyenneté. Peut-on parler de leurs droits et de leurs devoirs à ces jeunes, à ces adultes exclus, alors que les tout premiers droits ne leur sont même pas accordés ; le droit au savoir et le droit au travail ? Et, lors des élections, quel est le pourcentage des abstentionnistes parmi les illettrés ? Divers ministères, des collectivités locales se penchent sur le problème de l'illettrisme. Mais il faut des moyens spécifiques pour lutter contre la fracture sociale, autrement que par des discours sur l'égalité des chances.

Informations pratiques

LIEUX RESSOURCES