Journal de l'année Édition 2000 2000Éd. 2000

Pour éviter Berlin la rouge, rouge du sang des révolutionnaires et rouge politique, car majoritairement sociale-démocrate, les commissaires du peuple convoquent à Weimar pour le 6 février les membres de la première assemblée de la République. Trois partis constituent la coalition dite de Weimar : les sociaux-démocrates majoritaires, les catholiques du parti du Centre de Erzberger et les démocrates du DDP de Rathenau. Ces trois partis vont porter le nouveau régime durant une décennie : ils représentent une grande partie de la classe ouvrière, l'électorat catholique des États du Sud et la bourgeoisie libérale. Le 11 février, Ebert est élu président de la République et le 12, Philipp Scheidemann présente son gouvernement, formé de quatorze ministres, dont six sociaux-démocrates majoritaires, trois du Centre et trois démocrates.

L'impossible retour à l'ordre

De 1919 à sa mort, en 1925, le président Ebert doit faire face à quatre événements majeurs. En juin 1919, la signature du traité de Versailles sera aussitôt dénoncée par l'ensemble de l'opinion allemande – de la gauche à l'extrême droite comme une humiliation imposée par la France. En mars 1920, la réussite provisoire du coup d'État von Kapp-von Luttwitz montre que les hauts fonctionnaires et l'armée n'ont pas admis le nouveau cours politique. La défaite finale des putschistes, qui est l'œuvre de la plus importante grève générale de l'histoire, révèle la force du mouvement ouvrier ainsi que l'attachement de la majorité des Allemands au nouveau régime. En mars 1921, sous l'instigation du Komintern, le parti communiste (KPD) et les gauchistes du parti communiste ouvrier (KAPD) déclenchent un mouvement insurrectionnel, principalement en Allemagne, qui se termine en fiasco. Enfin, 1923, l'année terrible de l'après-guerre, conjugue tous les symptômes de la crise politique, économique et sociale : d'abord, les conséquences de l'application du traité de Versailles (occupation de la Ruhr et de la rive droite du Rhin par les Français et les Belges) ; ensuite, les ravages causés par l'hyperinflation, moyen choisi par les grands capitalistes pour éviter que l'Allemagne ne paie ses réparations au prix fort ; enfin l'apparition de nouveaux soulèvements, à l'extrême gauche, avec un nouveau fiasco du parti communiste, cette fois à Hambourg en 1923, dernier avatar des tendances putschistes au sein du Komintern, et, en novembre, à l'extrême droite nationaliste, à Munich, avec un putsch conduit par Adolf Hitler, chef d'un groupuscule nazi, le NSDAP. Auparavant, les éléments les plus radicaux de l'extrême droite nationaliste regroupés en groupes clandestins adeptes du terrorisme ont assassiné les ministres Walter Rathenau et Matthias Erzberger parce qu'ils avaient signé l'armistice de Rethondes, mais aussi parce que le premier était juif et le second catholique.

Malgré tous ces orages, le régime démocratique résiste. Les partis de l'arc constitutionnel qui le soutiennent restent majoritaires, en dépit de la diminution de leur électorat. L'élection de Hindenburg en 1925 indique le glissement à droite du pays et de la représentation politique. Le redressement économique à partir de 1924 sourit plus aux partis bourgeois qu'à la social-démocratie. Sur le plan extérieur, les gouvernements défendent avec succès les intérêts nationaux en obtenant des Anglo-Saxons qu'ils résistent aux pressions françaises afin d'obtenir une réduction du montant des réparations. Plusieurs années de négociations autour des plans Dawes, puis Young soulagent l'Allemagne de millions de reichsmarks de dettes.

Une Constitution moderne

Sur la défensive durant cinq années terribles, le régime ne peut engager des réformes à long terme qui marqueraient une rupture avec le régime impérial. Les hauts fonctionnaires appartenant aux grands ministères, les officiers et les soldats de la Reichswehr, cette armée-croupion de 100 000 hommes laissée au gouvernement pour maintenir l'ordre, n'adhèrent pas aux valeurs démocratiques affichées par la Constitution : liberté, fraternité et justice. La composition de l'appareil d'État n'a pas été modifiée ; les élites du régime impérial ont été maintenues à leurs postes.