Journal de l'année Édition 2000 2000Éd. 2000

Le lancement de l'euro : une opération réussie

Le 1er janvier 1999, l'euro devient la monnaie officielle de la France et de dix autres pays de l'Union européenne (Belgique, Allemagne, Espagne, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Autriche, Portugal et Finlande). Monnaie à part entière, utilisée comme instrument de paiement, l'euro se substitue à l'écu. Dès lors, les onze monnaies des pays participants disparaissent des marchés financiers mais restent en circulation pour les particuliers jusqu'au 1er janvier 2002.

C'est le 31 décembre 1998 que les ministres européens des Finances réunis à Bruxelles ont fixé de manière irrévocable le taux de conversion entre la monnaie unique et chacune des onze devises européennes concernées. Le vieux rêve de monnaie unique européenne est devenu réalité.

La force d'un symbole

Le lancement de l'euro apparaît comme une opération symbolique et couronne un processus engagé depuis le Conseil européen de Madrid de mai 1995 qui posa les premiers jalons : choix du nom d'euro pour désigner la nouvelle monnaie – et de l'epsilon grec traversé de deux barres horizontales comme logo –, calendrier, pacte de stabilité. Quant à la liste des pays admis dans ce premier train, elle avait été arrêtée lors de la conférence de Bruxelles, en mai 1998. Il ne restait plus qu'à annoncer le taux de conversion pour chacune des monnaies nationales ; pour la devise française, il a été fixé de façon définitive et irrévocable à 6,55957 F pour 1 euro. Au-delà du symbole, la naissance de la monnaie unique coïncide avec la plus forte poussée intégrationniste depuis le traité de Rome de 1957. « Euroland » regroupe 290 millions d'habitants et représente 20 % du PIB mondial. Si en 1999, 11 des 15 pays de l'Union, volontaires et respectant les critères de convergence du traité de Maastricht, participent au lancement, tous les pays de l'UE ont, par principe, vocation à s'engager dans la troisième phase de l'UEM, exception faite du Royaume-Uni et du Danemark, qui, en imposant une clause d'« opting out », ont obtenu un statut dérogatoire.

Selon une étude de la Commission européenne, « entre 20 et 25 % de la population » considère le passage à la monnaie unique comme une « expérience particulièrement traumatisante ». Salué comme le début d'une « ère nouvelle » par Jacques Chirac, vu comme la « clé de l'Europe pour le xxie siècle » par le chancelier allemand Gerhard Schröder, le lancement s'est plutôt fait en douceur. Dès les premiers jours, les Bourses ont réagi favorablement, les valeurs cotées pour la première fois en euros gagnant 5,2 % a Paris et 5 % à Francfort le 5 janvier. À Francfort précisément, siège de la Banque centrale européenne, les médias ont souligné que le « big bang de l'euro avait été franchi dans une ambiance de rêve », et même à la City de Londres on se disait « prêt à travailler », le week-end de la conversion s'étant passé sans embûches particulières. Aux États-Unis, le sujet reste étranger à l'Américain moyen, l'euro étant pour lui aussi éloigné que l'Europe, et seuls quelques économistes ne cachent pas leur scepticisme.

Ces derniers sont davantage conscients du bouleversement instantané du fonctionnement du système monétaire international induit par le basculement en euro, dès le 4 janvier 1999, des marchés de capitaux (monétaire et financier). Première grande transformation depuis la fin du système de Bretton Woods en 1971, l'euro a pour première conséquence de modifier profondément les rapports de force monétaires internationaux et menace pour la première fois depuis l'après-guerre l'hégémonie du dollar, alors que les États-Unis représentent le cinquième de la richesse mondiale et cumulent 61 % des avoirs en devises des banques centrales ainsi que 48 % du volume des transactions commerciales. Les économistes voient trois types de menace : la remise en cause du rôle du dollar dans les échanges commerciaux, les entreprises utilisant désormais l'euro comme monnaie de facturation des exportations ; ensuite, la diversification des réserves de change, notamment en Asie où les premiers mouvements de conversion dollar-euro ont été observés dès les premiers mois ; enfin, l'utilisation de l'euro comme monnaie de portefeuille. Néanmoins, l'euro participe du mouvement de globalisation engagé par les États-Unis et ne peut à ce titre leur déplaire radicalement. De plus, il faudra à l'euro du temps pour s'imposer sur la scène monétaire et financière. Deuxième conséquence immédiate : l'euro entraîne la chute du SME, qui depuis presque dix ans assurait la stabilité monétaire en Europe. Il sera remplacé par le SME bis, « sas de passage à l'euro », et son système de cours pivots déterminés par rapport à la nouvelle monnaie.