Pour rouer vif : 60 livres

Pour brûler vif : 60 livres

Pour pendre et brûler : 35 livres

Pour couper le poignet : 2 livres

Pour traîner et pendre un cadavre : 35 livres

Pour donner la question ordinaire et extraordinaire : 15 livres

Pour donner la question ordinaire seulement : 7 livres

Pour amende honorable : 10 livres

Pour couper le jarret et flétrir : 15 livres

Pour fouetter : 5 livres

Pour mettre au carcan : 3 livres

Pour effigier : 10 livres

Pour couper la langue : 6 livres

Pour percer la langue : 5 livres

Pour couper les oreilles : 5 livres

Le commerce transatlantique

Les sociétés à esclaves ne comptent que deux classes : les personnes libres et les esclaves, autrement dit les Blancs et les Noirs. Sur les grandes habitations, les esclaves se répartissent en deux groupes inégaux en nombre : les « esclaves de jardin », composés en majorité de bossales, c'est-à-dire de Noirs nés en Afrique, affectés aux durs travaux des champs, et les « domestiques », généralement créoles, nés dans l'île, attachés au service de la demeure des maîtres. Avec le temps est apparue une troisième catégorie au statut mal défini, les métis libres. La couleur de leur peau leur interdira d'être les égaux des Blancs et de s'assimiler à leur classe, quoiqu'ils soient comme eux propriétaires d'esclaves. Au moindre manquement au code de conduite non écrit qui leur est imposé, ils peuvent perdre leur qualité et retourner au rang d'esclaves. Le préjugé de couleur, né au sein de la société esclavagiste, n'a malheureusement pas disparu des îles avec l'abolition.

L'existence de ces sociétés fondées sur la terreur, le travail non rémunéré et la production de denrées tropicales a transformé les îles, ces lieux paradisiaques vantés par toute une littérature exotique, en bagnes pour des millions d'Africains arrachés avec violence à leur terre natale. Mais a-t-on suffisamment expliqué que ce type de société est une invention récente due aux Européens du Nouveau Monde au cours du XVIe siècle ? À cette époque, et durant plusieurs décennies, les négociants français arment des navires pour mener des opérations de traite sur le littoral africain pour le compte des colonies espagnoles d'Amérique. Quand les compagnies françaises entreprennent, sous l'impulsion de Richelieu, puis de Colbert, de bâtir à leur tour un empire colonial aux Indes occidentales et orientales, les grandes maisons de traite de Nantes, La Rochelle ou Bordeaux sont en état de livrer la main-d'œuvre servile réclamée par les premiers colons. Le commerce des Noirs fera, tout au long du xviiie siècle, les grosses fortunes des ports français de l'Atlantique, notamment celles de Nantes, qui organisera à elle seule plus de 42 % des 3 400 expéditions de traite recensées entre 1 700 et 1 800.

L'engouement croissant des consommateurs européens pour les produits tropicaux dynamise le développement des terres à plantations, principalement celles consacrées au café à l'île Bourbon, aujourd'hui la Réunion, et à la canne à sucre à Saint-Domingue, aujourd'hui Haïti, qui sera au xviiie siècle le plus beau joyau de l'Empire colonial français. L'essor de l'économie coloniale contribue par conséquent à l'accroissement des activités transatlantiques de la traite. Le grand commerce maritime, qui va enrichir la bourgeoisie portuaire durant trois siècles, consiste en un commerce triangulaire très lucratif. Les navires marchands emportent des produits de pacotille, se rendent sur les points de traite de la côte africaine pour les échanger contre des captifs qu'ils vont transporter et vendre dans les îles. Les mêmes navires effectuent leur retour les cales pleines de « douceurs » pour le marché européen.

Antiesclavagisme contre antiabolitionnisme

Ce système sera dès sa mise en place vivement combattu par les Africains, d'abord, qui ne cesseront jamais de se révolter, de fuir, de marronner et de se suicider, et par des Européens, ensuite, indignés par les brutalités exercées contre les Noirs. Au milieu du xviiie siècle, un courant d'opinion, né en Angleterre dans les communautés de quakers et vite relayé en France par les philosophes des Lumières, plaide auprès des autorités royales en faveur des victimes de la traite et des esclaves. Il pose à cette époque les principes d'une abolition sinon immédiate, du moins graduelle et progressive. Tous s'entendent toutefois pour réclamer la suppression de la traite.