« Nous sommes sur le bon chemin », déclarait Jacques Chirac dans son intervention télévisée du 14 juillet à l'Élysée, en exaltant une « cohabitation constructive ». Le climat est alors à l'euphorie, avec la victoire des Tricolores au Mondial ; mais le constat du chef de l'État, qui décerne plusieurs satisfecit au gouvernement et réserve ses critiques à l'opposition, tend à montrer que les relations sont cordiales, sinon chaleureuses, entre les deux pôles de l'exécutif. Une convivialité dont les Français semblent s'accommoder d'ailleurs fort bien, à en juger par les cotes de popularité de MM. Chirac et Jospin, au coude à coude dans les sondages. Les états-majors, dans l'opposition et aussi dans la « gauche plurielle », apprécient moins en revanche cette trop pacifique coexistence entre l'Élysée et Matignon. Engagée dans un laborieux processus de rénovation, la droite se sent exclue de cette « France qui gagne » exaltée par le « président de tous les Français », à qui elle reproche d'oublier parfois qu'il est aussi le chef de file de l'opposition.

L'Élysée reste en effet le principal levier de l'opposition face à la majorité plurielle, et il ne se prive d'ailleurs pas de le rappeler, mais en travaillant à la réorganisation de la droite, ce qui provoquera des frictions avec Philippe Séguin. Ce dernier doit agiter la menace de sa démission avant de recevoir, en octobre, le soutien de M. Chirac pour sa candidature à la tête du RPR. Tiraillée entre l'allégeance aux directives de l'Élysée et le besoin de s'affirmer sur un mode plus critique par rapport au gouvernement, la droite à une marge de manœuvre limitée. Requinquée par sa « victoire » lors de la première discussion sur le PACS, la toute nouvelle Alliance se prend toutefois à espérer une cohabitation plus nerveuse ; l'Élysée semble lui donner raison en quittant sa tranchée pour dénoncer l'hommage rendu, le 7 novembre par M. Jospin, aux mutins de 1917.

Mais la cohabitation se cimente une fois encore autour de l'Europe, avec le débat sur la ratification du traité d'Amsterdam, voulue par M. Chirac comme par M. Jospin contre certains de leurs alliés respectifs. L'heure n'est pas à la confrontation dans cette cohabitation qui fait grincer des dents aussi à gauche, où l'on y voit le terrain d'exercice d'une « stratégie présidentielle » de M. Jospin, soupçonné de vouloir recentrer sa politique afin de se ménager un avenir élyséen. Mais M. Jospin devra attendre 2002 pour une revanche électorale face à M. Chirac, « par définition » candidat de l'opposition à sa propre succession, rappelle M. Séguin. En attendant le face-à-face annoncé, la cohabitation aura du mal à sauver les apparences de la paix.

G. U.

L'Europe, gardienne de la cohabitation

S'il est un sujet qui semble réunir l'Élysée et Matignon, c'est bien l'Europe, fût-ce au détriment des alliances partisanes. Le vote, en avril, de la résolution sur le passage à l'euro confirme que l'Europe divise aussi bien la majorité plurielle que la droite, où la conversion affichée de M. Séguin à l'intégration européenne ne convainc pas vraiment l'Élysée. Le 1er juillet, le projet de réforme du mode de scrutin européen réunit M. Chirac et M. Jospin, qui doit pourtant le retirer en raison des oppositions à droite comme à gauche. C'est encore à l'unisson qu'en novembre, le président et le Premier ministre appellent l'Assemblée à ratifier le traité d'Amsterdam.