La comète Hale-Bopp

Hale-Bopp restera dans les annales comme l'une des comètes les plus brillantes du xxe siècle. Des millions de personnes ont pu admirer à l'œil nu, en mars et en avril, cette splendide gerbe lumineuse qui se déployait parmi les étoiles. En la scrutant dans une très large gamme de longueurs d'onde, à l'aide de toute une batterie de télescopes au sol et d'instruments spatiaux, les astronomes sont parvenus à lui arracher de nombreux secrets.

Lors de sa découverte, dans la nuit du 22 au 23 juillet 1995, par deux astronomes amateurs américains qui opéraient indépendamment, Alan Haie au Nouveau-Mexique et Thomas Bopp en Arizona, Hale-Bopp n'était qu'un pâle objet 100 fois moins brillant que la plus faible étoile perceptible à l'œil nu. Mais, sitôt son orbite calculée, il devint manifeste qu'il s'agissait d'une comète hors du commun : elle avait été repérée à plus d'un milliard de kilomètres du Soleil, et affichait donc un éclat 250 fois plus intense que la comète de Halley, observée à la même distance. Les astronomes ont finalement disposé de 20 mois pour suivre son évolution avant qu'elle ne passe au plus près du Soleil. Des dizaines d'équipes de chercheurs à travers le monde ont mis à profit cette période exceptionnellement longue pour multiplier les observations dans le plus large éventail de longueurs d'onde possible.

Une comète volumineuse et très active

Dès avril 1996, des mesures effectuées avec le télescope spatial Hubble ont révélé que Hale-Bopp était une très grosse comète. Des mesures ultérieures, plus précises, ont conduit à attribuer à son noyau – c'est-à-dire au conglomérat de roches, de glaces et de poussières qui constitue l'élément permanent de la comète – un diamètre de 40 à 45 km, contre une dizaine de kilomètres pour le noyau de la comète de Halley et 4 km seulement pour celui de la comète Hyakutake, qui frôla la Terre en février 1996.

Ainsi s'expliquent, au moins en partie, non seulement que Hale-Bopp soit devenue très brillante (elle a atteint la magnitude -1, surpassant l'éclat d'étoiles comme Capella, Véga ou Arcturus), mais aussi que les quantités de gaz et de poussières libérées par son noyau sous l'effet de la chaleur solaire aient atteint des records. À plus de 800 millions de kilomètres du Soleil, la comète perdait déjà 13 tonnes de monoxyde de carbone par seconde, soit une quantité comparable à celle qu'éjectait la comète de Halley en 1986 quand elle était cinq fois plus proche du Soleil. Quant à l'émission la plus importante, celle de vapeur d'eau, elle a atteint début avril, lors du passage de la comète au plus près du Soleil, quelque 600 tonnes par seconde (l'équivalent de deux piscines olympiques), soit une quantité près de 40 fois plus élevée que celle qui s'échappait du noyau de la comète de Halley lors de son survol par la sonde européenne Giotto.

Hale-Bopp est l'une des plus grosses comètes jamais observées. Sa chevelure – la nébulosité formée autour du noyau par les gaz et les poussières qui s'en échappent – a atteint 1 million de kilomètres de diamètre et, lors de son passage au plus près du Soleil, son « atmosphère » d'hydrogène atomique, détectée par satellite, s'étendait sur 100 millions de kilomètres de diamètre (71 fois celui du Soleil), constituant, de loin, le plus gros objet du système solaire.

Un vestige du système solaire primitif

L'étude des gaz et des poussières présents dans la chevelure de la comète s'est révélée extrêmement féconde. Une trentaine de substances volatiles ont été mises en évidence (outre de la vapeur d'eau et du gaz carbonique, largement prédominants, du monoxyde de carbone, du cyanogène, de nombreux hydrocarbures, etc.), dont sept n'avaient jamais été décelées auparavant dans une comète. Or, les mêmes substances se trouvent, en proportions voisines, dans le milieu interstellaire.

De plus, grâce au satellite européen ISO, observant dans l'infrarouge, on a obtenu des spectres révélant que les glaces cométaires s'étaient formées à la température extrêmement basse de – 250 °C environ. Cela signifie que leur formation a eu lieu soit dans le milieu interstellaire, avant que le Soleil s'allume, soit loin du Soleil, dans la nébuleuse à l'origine du système solaire. Enfin, parmi les poussières libérées par Hale-Bopp, le satellite ISO a détecté de l'olivine, un minéral riche en magnésium, sous forme cristalline. Or, ISO avait, quelque temps auparavant, obtenu des spectres identiques dans le disque de poussières entourant une étoile très jeune, HD 100546. Cela accrédite l'idée qu'un lien existe entre le matériau de la nébuleuse solaire primitive, préservé dans les comètes, et la poussière entourant les jeunes étoiles. Toutes ces observations confirment, en tout cas, que les noyaux cométaires sont des vestiges du système solaire primitif.

Sa prochaine visite aura lieu dans 2 400 ans !

Parmi les autres découvertes intéressantes concernant Hale-Bopp figure celle d'une queue inattendue, formée d'atomes de sodium. Jusque-là, on ne connaissait que deux types de queues cométaires : l'une formée de gaz ionisé (ou plasma), l'autre de poussières. Découverte à la mi-avril sur des photographies prises à l'aide du télescope Isaac Newton de 2,50 m de diamètre de Las Palmas, aux Canaries, la queue de sodium se présentait alors comme un étroit appendice de près de 50 millions de kilomètres de long, légèrement décalé par rapport à la queue de plasma. Par ailleurs, grâce à l'identification, sur des clichés, d'un jet de gaz et de poussières particulièrement puissant s'échappant du noyau de la comète, on a pu établir que ce noyau tournait sur lui-même en onze heures et demie. Après avoir ainsi livré aux astronomes une mine inestimable de renseignements, Hale-Bopp est repartie vers les confins du système solaire, et sa prochaine visite n'est attendue que dans 2 400 ans.