Journal de l'année Édition 1997 1997Éd. 1997

Sous-continent indien

Les scandales qui secouent la classe politique indienne n'empêchent pas l'année 1996 d'être celle du retour des valeurs démocratiques, les élections législatives mettant fin au monopartisme de fait, en place depuis l'indépendance. La chute de Benazir Bhutto, dans un Pakistan déchiré par les conflits ethniques et religieux, provoque la préparation d'élections législatives pour février 1997.

Inde

Une succession de scandales financiers n'épargne aucun dirigeant politique indien, tous partis confondus. En janvier, le scandale Hawala (opérations frauduleuses de change) entraîne la chute de Lal Krishna Advanidu, le dirigeant du parti nationaliste hindou, le BJP (Bharatiya Janata Party). En février, le scandale des télécommunications touche un ministre du parti du Congrès, Sukh Ram. Un scandale portant sur des denrées agricoles, rendu public en avril 1996, menace la position du chef du gouvernement de l'État fédéré du Bihar, Laloo Prasad Yadav, représentant du Janata Dal. Enfin, l'ancien Premier ministre Narasimha Rao lui-même, impliqué dans trois scandales, est contraint de démissionner de la présidence du parti du Congrès le 25 septembre. Cette lutte massive contre la corruption donne au pouvoir judiciaire l'occasion de retrouver sa crédibilité dans l'opinion.

La fin de la domination exclusive du parti du Congrès est consacrée par les élections générales d'avril-mai, qui renouvellent les 543 membres de la Lok Sabha, la Chambre basse du Parlement indien. Majoritaire, le parti de la droite nationaliste hindoue, le BJP, constitue le 16 mai un gouvernement de coalition éphémère de treize jours, sous l'égide d'Atal Behari Vajpayee. Le 12 juin lui succède un gouvernement de Front uni – alliance composite du Janata Dal (parti du Peuple), des partis de gauche et du Congrès –, dirigé par l'ancien chef de gouvernement de l'État du Karnataka, Deve Gowda (Janata Dal). Cet homme du terroir, âgé de soixante-trois ans, non hindiphone, issu d'une caste d'agriculteurs, est le champion de la lutte pour le développement économique et les droits de la paysannerie. Représentant du Janata Dal, il impose des quotas réservés pour les castes et tribus répertoriées dans son État d'origine, le Karnataka. Homme de consensus, il préconise l'harmonie intercommunautaire entre hindous et musulmans, ainsi que le règlement des contentieux qui opposent les gouvernements des États du Sud. Son arrivée au pouvoir central symbolise la régionalisation de l'ordre politique indien.

Le scrutin confirme en effet la montée des mouvements régionalistes, notamment dans les États d'Andhra Pradesh, du Pendjab, du Maharashtra et de l'Assam. Cet éclatement du jeu politique favorise les mouvements séparatistes à l'intérieur des États indiens. Le Premier ministre ayant promis, le 15 août, la création d'un Uttarkhand grâce à la division de l'Uttar Pradesh, d'autres revendications séparatistes refont surface : celle d'un Jharkhand dans le Bihar, celle d'un Bundelkhand entre l'Uttar Pradesh et le Madhya Pradesh, celle du Bodoland et d'un Gorkhaland, dans les États du Nord-Est.

Si le changement de direction politique est effectif, il ne signifie pas la modification de la politique économique adoptée depuis 1991. À l'occasion du sommet global sur l'investissement, qui a lieu en septembre à New Delhi, le gouvernement de coalition du Front uni réaffirme son engagement dans la voie de la libéralisation d'une économie dont le bilan est, cette année, mitigé. Les prévisions de croissance du PIB (7 % pour 1995-1996) doivent être révisées à la baisse, à 6 % puis à 5,5 % (prévisions d'octobre). Le déficit fiscal, qui s'élève à 5,9 % du PNB, est imposant ; la dette extérieure est élevée (92,6 milliards de dollars) ; la balance commerciale est déficitaire (4,53 milliards de dollars) en raison de la baisse des exportations ; enfin, l'inflation est en hausse (elle est chiffrée en octobre à 6,3 %) essentiellement à cause de la hausse de 30 % des prix du pétrole en juillet.

Chrono. : 16/01, 26/01, 7/05, 28/05, 15/08, 30/12.

Pakistan

Le Pakistan's People's Party (PPP, au pouvoir) voit ses assises se fragiliser et les opposants au Premier ministre Benazir Bhutto se multiplier tout au long de l'année. En mars 1995, la Ligue musulmane (le principal mouvement d'opposition) de l'ancien Premier ministre Nawaz Sharif conclut une alliance avec le Mohajir Qaumi Movement (mouvement fascisant et sécessionniste de la minorité musulmane Mohajir, dirigé depuis Londres par Altaf Hussayn). Un célèbre joueur de cricket, Imran Khan, crée en avril le Tehriq-I-Insaf (Mouvement pour la justice). Les petits partis alliés au PPP, dirigés par des vétérans de la scène politique pakistanaise, constituent un groupe de députés indépendants. Enfin, Ghulam Mustafa Jatoi et Balak Sher Mazari, tous deux anciens Premiers ministres par intérim, font front commun contre Mme Bhutto. En effet, ce vaste mouvement de renouveau politique s'accorde au moins sur un point : l'élimination du Premier ministre Bhutto et de son époux, Asif Zardari, ministre des Investissements. Au mois de juin, les Pakistanais acquièrent la certitude que la demeure fastueuse, achetée par le couple en Grande-Bretagne, est le fruit des pots-de-vin perçus par le mari du Premier ministre. Le 20 septembre, l'assassinat par des forces de police de Murtaza Bhutto, frère et rival de Benazir qui dirigeait une faction dissidente du PPP – le Shaheed Bhutto Party – fait en outre peser de lourds soupçons sur le couple. À la suite d'impressionnantes manifestations islamistes réclamant le départ du Premier ministre, le président Ahmed Leghari, ancien allié de Mme Bhutto, démet celle-ci de ses fonctions pour « népotisme, corruption et violation répétée de la loi ». Après avoir dissous le Parlement, il la place en résidence surveillée et annonce de nouvelles élections pour le 3 février 1996. Certains craignent cependant que le discrédit n'ait touché l'ensemble de la classe politique pakistanaise et que la crise ne profite surtout aux fondamentalistes musulmans du Jamaat-e-Islami.