Les négociations entre les deux partis sont d'autant plus difficiles que les élections de décembre 1995 permettent d'envisager la formation d'une nouvelle coalition entre les conservateurs et les nationalistes du Parti libéral (FPÖ) de Jörg Haider, qui défend des thèses racistes et xénophobes. Cette solution a d'ailleurs été envisagée par certains dirigeants de l'ÖVP. Le président autrichien Thomas Klestil s'est même permis de critiquer publiquement les dirigeants du SPÖ parce qu'ils refusent d'envisager la moindre coopération avec le dirigeant d'extrême droite.

C'est dans un climat de morosité et de désenchantement vis-à-vis de l'intégration européenne que se tiennent, en octobre, les premières élections au Parlement européen. Le Parti libéral de M. Haider en est le principal vainqueur. Avec 27,6 % des voix, son parti gagne une nouvelle respectabilité en même temps qu'un gain de 6 % par rapport à ses résultats de 1995. Avec 29,6 % des voix, le Parti conservateur réalise son meilleur score depuis trente ans, devançant les sociaux-démocrates, qui, avec 29,1 % des voix (en recul de 8,8 % par rapport aux élections de 1995), sont les grands perdants du scrutin. À Vienne, où se tiennent en même temps des élections municipales, le SPÖ subit un échec historique, perdant la majorité absolue qu'il détenait au conseil municipal depuis 1920. De leur côté, les Verts et le Forum libéral conservent chacun un député au Parlement européen.

Ces résultats n'ont pas, pour l'instant, bouleversé le paysage politique autrichien, mais le dirigeant du FPÖ, J. Haider, est désormais devenu un prétendant sérieux au poste de chancelier, dont l'attribution se décidera aux prochaines élections de 1999. En Autriche, la fin de siècle s'annonce donc délicate.

Chrono. : 7/03, 13/10.

Pologne : le retour des anciennes divisions

La Pologne, pays symbole de l'opposition au système communiste, est gouvernée depuis les élections de 1993 par une coalition composée des anciens communistes de l'Union de la gauche démocratique (SLD) et du Parti paysan (PSL). En 1995, aux élections présidentielles, Lech Walesa a été distancé par un jeune apparatchik communiste d'avant 1989, Aleksander Kwasniewski (voir notice ci-dessous). Mais c'est en février de cette année que le prix Nobel de la paix 1983 connaît son ultime défaite : le référendum sur la distribution des biens de l'État, soutenu par le syndicat Solidarité et mis en place sous la présidence de M. Walesa, n'attire pas les 50 % d'électeurs nécessaires pour lui donner force de loi.

La position dominante des anciens communistes n'empêche pas la Pologne d'être toujours citée comme le pays ayant le plus de chances d'intégrer rapidement l'OTAN et l'Union européenne. Si les attaques contre le Premier ministre Jozef Oleksy (membre du SLD), accusé d'avoir collaboré avec les services d'espionnage de l'URSS puis de la Russie, ont finalement conduit à sa démission, elles n'ont pas pour autant terni l'image internationale du pays. L'enquête conclut ensuite à l'innocence de M. Oleksy, mais elle devient entre-temps l'enjeu de luttes politiques passionnées, conduisant au retour des anciennes divisions d'avant 1989.

C'est dans un climat de suspicion généralisée et de purges radicales au sein des services secrets que le nouveau Premier ministre, Wlodzimierz Cimoszewicz, lui aussi ancien militant du Parti communiste d'avant 1989, constitue, en février, un nouveau gouvernement. Sa marge de manœuvre est réduite par la stratégie du Parti paysan. Ce dernier, tout en se maintenant dans la coalition parlementaire, ne cesse de manifester son opposition à la politique gouvernementale, en particulier sur les questions des privatisations et de l'assouplissement de la loi sur l'avortement. Mais les principaux conflits qui séparent les deux partenaires tiennent surtout au problème de la répartition des sphères d'influence dans l'économie nationale. La réactualisation de l'ancien clivage politique entre « gens de Solidarité » et « gens liés au pouvoir d'avant 1989 » favorise cependant le maintien d'un minimum de cohésion au sein de la coalition gouvernementale, toute autre configuration des alliances politiques étant aujourd'hui impossible à imaginer. L'ensemble des forces politiques s'intéresse surtout à la préparation des futures élections parlementaires, prévues pour l'automne 1997. Face au bloc des anciens communistes du SLD, on assiste à une recomposition progressive du « camp de Solidarité ». Emmenée par l'actuel président du syndicat, Marian Krzaklewski, une nouvelle formation politique, l'Action électorale de Solidarité (AW « S ») réussit à rassembler une partie des élites politiques issues de Solidarité et à occuper une position de force dans les sondages. Son programme, aux accents populistes et antieuropéens, rend cependant difficile le dialogue avec les élites intellectuelles libérales regroupées au sein de l'Union de la liberté (UW).