Beaucoup d'observateurs s'accordent en effet à penser que cette vague rose s'explique au moins autant par la progression même des socialistes que par le discrédit frappant le « cavaquisme », système entaché de trop de scandales, de clientélisme et de froide gestion technocratique. Ce rejet s'est d'ailleurs reflété dans l'échec d'Anibal Cavaco Silva à l'élection présidentielle (46,2 % des suffrages) et continue d'handicaper un Parti social-démocrate (PSD, centre droit) à la tête duquel Marcelo Rebelo de Sousa, universitaire et politologue pourtant renommé, éprouve les pires difficultés à s'imposer. Enfin, M. Guterres ne dispose pas de la majorité absolue à l'Assemblée de la République et se sait tributaire d'un des électorats les plus volatils d'Europe. Il lui faut donc privilégier dialogue, esprit d'ouverture et concertation, tout en s'efforçant de détendre le climat social.

Pour tenter de dissiper la morosité ambiante, A. Guterres met en chantier deux réformes institutionnelles : un projet controversé de régionalisation et un d'extension du champ d'application du référendum. Sur le plan social, la promotion d'une plus grande justice et la lutte contre le chômage (7,5 % de la population active) sont clairement affichées comme des priorités. Il reste au Premier ministre à les rendre compatibles avec l'impératif européen, afin de permettre non seulement au Portugal de participer à la troisième phase de l'Union économique et monétaire, mais aussi d'enrayer la montée d'un euroscepticisme attisé par le discours très anti-européen d'un Parti populaire en proie, par ailleurs, à de graves dissensions. Adepte de la rigueur et du pragmatisme, favorable à l'émergence d'une Europe « plus forte et plus solidaire », M. Guterres ne cesse d'affirmer sa détermination à procéder « avec rigueur et fermeté aux ajustements nécessaires pour atteindre l'objectif de l'UE ». Il lui faut maintenant convaincre du bien-fondé de sa démarche cette frange croissante de l'opinion publique menacée de désenchantement.

Chrono. : 14/01.

Yves Léonard