Les constructeurs de micro-informatique annoncent aussi la sortie d'ordinateurs de poche, comme le Compaq PC Companion, qui sont au micro-ordinateur de bureau ce que le téléphone mobile est à la cabine téléphonique. Ils permettent d'entrer en relation avec le micro-ordinateur du bureau et d'émettre du courrier électronique via Internet.

Les ordinateurs de réseau

Parallèlement à cette mobilité de plus en plus recherchée, une autre grande mutation de l'informatique est en cours avec les NC (Network Computers) destinés aux entreprises. Cette nouvelle génération de micro-ordinateurs simplifiés et peu coûteux (moins de 5 000 F) renoue avec l'informatique en réseau. Sans disque dur, ils n'utilisent qu'un seul microprocesseur, avec une mémoire de taille réduite, pour fonctionner en terminal local. Les programmes sont stockés dans le serveur du réseau, un puissant ordinateur qui devient le centre nerveux du système. C'est une révolution culturelle dans le monde de la micro-informatique personnelle puisqu'on revient à la configuration centralisée des années 1960 avec sa myriade de terminaux passifs gravitant autour d'une unité centrale. Mais ce concept de terminal rapproche aussi l'ordinateur d'autres terminaux simplifiés comme le téléphone, le Minitel ou la télévision câblée. Cinq grands de l'informatique se sont associés pour présenter en mai les spécifications communes au NC : Apple, qui a fait d'Internet son cheval de bataille ; IBM, qui cherche à s'affranchir du couple Intel-Microsoft omniprésent dans le monde des microprocesseurs et des systèmes d'exploitation ; Netscape, créateur de logiciels de navigation sur Internet ; Oracle, no 2 mondial des logiciels de gestion de bases de données ; et Sun Microsystèmes, constructeur de stations de travail et créateur du langage de programmation Java pour l'accès à Internet. Microsoft s'est finalement rallié à ce projet.

La planète Internet

Ces bouleversements dans l'informatique s'expliquent aussi par le formidable développement du réseau Internet, qui poursuit sa croissance exponentielle. Quelque 3 milliards de messages sont échangés chaque mois sur le Web entre les 75 millions de personnes équipées d'une boîte aux lettres, et 100 000 sites commerciaux sont répertoriés. Plus de 500 000 serveurs étaient recensés en octobre dernier dans le monde, et leur nombre doublerait tous les trois mois. Si cette croissance se poursuit, tout le savoir de la planète sera sur Internet dans moins de dix ans. La sécurisation du réseau et, surtout, son contrôle juridique et fiscal restent à l'ordre du jour. La diffusion sur le Web du livre du Dr Gubler sur la maladie et la mort de l'ancien président Mitterrand, ouvrage qui venait d'être interdit quelques jours plus tôt et retiré des librairies, a suscité de nombreuses interrogations chez les éditeurs et les juristes. L'idée d'une charte pour favoriser le développement harmonieux du réseau a été lancée en avril par le ministère français de l'Industrie, de la Poste et des Télécommunications aux niveaux national et européen.

Ces nouvelles méthodes de télétravail et d'accès aux informations sur Internet, l'apparition des outils mobiles et du « bureau portable » annoncent des bouleversements dans l'organisation de la recherche, de l'éducation et de la société tout entière... Les sociologues s'inquiètent déjà des conséquences de la suppression du bureau, lieu traditionnel du pouvoir et de la communication dans l'entreprise. Les commerciaux d'IBM France, qui ne disposent d'un bureau que pendant quelques heures chaque semaine, ont accru leurs « performances » car ils sont davantage présents auprès de leur clientèle, et leur entreprise fait par ailleurs de sensibles économies sur la location et la gestion de ses immeubles et bureaux. Nos structures familiales et socioprofessionnelles sont-elles préparées à cette révolution des comportements ?

Alain Massé, Internet, la révolution est pour demain, les Éditions du Téléphone, 1996.
Olivier Andrieu et Denis Lafont, Internet et l'entreprise, Eyrolles, 1995.

Claude Gelé