L'armée de terre sera la plus touchée par la réforme décidée par J. Chirac, puisqu'elle va perdre 36 % de ses effectifs en six ans, pour tomber à 172 600 soldats de métier ; une réduction qui va s'accompagner de la suppression d'une quarantaine de régiments. Pour sa part, l'armée de l'air devra s'accommoder de la suppression d'une douzaine de bases (sur quarante-quatre) qui seront dissoutes. Enfin, la marine verra ses effectifs chuter de 5,2 % et vingt-huit de ses navires seront mis hors service. Il n'y a guère que la gendarmerie qui soit épargnée. Eu égard à l'expansion de ses missions, ses effectifs globaux augmenteront de 4,5 %.

Les effectifs en 2015

En 2015, les effectifs des armées françaises seront de 352 700 militaires (contre 502 460 en 1995) et 81 300 civils (contre 74 900 en 1995), soit un total de 434 000 personnes (contre 577 360 en 1995).

Le pôle de Défense

Jacques Chirac ne s'est pas limité à la réforme du service militaire. La structure même de l'industrie de défense était bien au centre de ses préoccupations. Le président considère en effet que l'évolution mondiale comme la nouvelle place que doit occuper l'État dans l'économie du pays ne permet plus à ce dernier d'impulser seul l'industrie de la défense nationale. À l'exemple des États-Unis, M. Chirac souhaite asseoir l'armement français sur quatre « pôles » nationaux : Dassault et Aerospatiale fusionnés dans l'aéronautique et le spatial, Thomson dans l'électronique, le Commissariat à l'énergie atomique dans le nucléaire, GIAT Industries dans les constructions mécaniques. Ces géants nationaux ont vocation à multiplier les alliances au niveau européen, quitte à être tous privatisés à terme pour pouvoir mieux s'unir par branche de compétence au niveau de l'Europe. Cette nouvelle logique rompt avec les choix anciens de spécialisation nationale (navires aux Britanniques, avions aux Français, etc.) et s'ouvre définitivement à la coopération internationale. Elle a le mérite de la cohérence mais risque de froisser bien des habitudes et de remettre en cause bien des niches régionales d'emplois.

Une quarantaine de régiments supprimés

Une quarantaine de régiments de l'armée de terre devraient disparaître, essentiellement en Allemagne et dans les villes qui abritent plusieurs garnisons. Trois bases de l'armée de l'air seraient également fermées, ainsi que quatre hôpitaux militaires.

Un certain nombre de casernes, qui hébergent des régiments, pourraient être transformées en « centres du service national » destinés à accueillir le « rendez-vous citoyen ». La suppression des régiments s'accompagnera de mesures d'adaptation qui, selon le gouvernement, s'élèveront à 2,2 milliards de francs sur la période 1997-2002 ; l'Union européenne y consacrera plus de 700 millions entre 1997 et 1999. À ces crédits s'ajouteront ceux du Fonds d'adaptation industriel (760 millions par an) pour la Direction des constructions navales et le Commissariat à l'énergie atomique, et ceux du Fonds d'accompagnement de la professionnalisation (1,5 milliard).

Moins de crédits pour la dissuasion nucléaire

La part allouée à la dissuasion nucléaire dans les dépenses militaires a une nouvelle fois été revue à la baisse avec le projet de loi de programmation 1997-2002. Elle se situe en effet à un niveau inférieur à 18 % des crédits d'équipement, alors qu'il fut un temps – certes lointain – où elle a pu grimper jusqu'à 30 %. Les économies dégagées seront appelées à contribuer au financement de l'adaptation des forces classiques. Par ailleurs, le plateau d'Albion, où depuis le début des années 70 étaient enfouis des missiles stratégiques, a été fermé. Enfin, le démantèlement des missiles préstratégiques Hadès, mis en sommeil par François Mitterrand, est désormais acquis.

OTAN : le retour de la France

L'abandon du service militaire obligatoire, qui a suscité de nombreuses critiques au sein de la classe politique – toutes tendances confondues –, n'a guère semblé de nature à émouvoir la population. Quant à la décision de la France de reprendre ses quartiers au Conseil de défense de l'Alliance atlantique, c'est encore peu d'écrire qu'elle est passée inaperçue. Pourtant, le communiqué de l'OTAN, à l'issue de la réunion semestrielle des ministres de la Défense, n'avait pas été avare de superlatifs pour saluer le retour de la France dans cette enceinte. Il reste que, pour la première fois depuis trente ans et le départ remarqué des structures militaires décidé par le général de Gaulle, un ministre français a pu de nouveau prendre part, en juin 1996, à une réunion ordinaire de ses collègues, concrétisant ainsi le rapprochement amorcé par J. Chirac en décembre 1995. Concrètement, cela signifie que des cadres des armées françaises vont entrer à l'état-major international (EMI) du Comité militaire de l'OTAN, à Bruxelles. Pour mémoire, rappelons que cette instance ne fait pas partie de la chaîne des commandements intégrés.