Défense : vers l'armée de métier

Jacques Chirac, chef des armées selon la Constitution, a tranché. À partir de janvier 1997, les jeunes Français nés après le 1er janvier 1979 ne seront plus appelés sous les drapeaux en fonction des modalités que le pays connaît depuis environ un siècle. Dès son élection à la présidence de la République, J. Chirac s'est trouvé confronté à un véritable dilemme : alors qu'il lui apparaissait capital de pouvoir disposer de moyens armés disponibles à tous moments, susceptibles d'être mobilisés pour des actions urgentes, les contraintes budgétaires imposaient que le train de vie du ministère de la Défense fût revu à la baisse. Seules deux solutions étaient envisageables : soit il était mis un terme, sans autre forme de procès, à la conscription, sur la foi d'expériences plus ou moins réussies dans d'autres pays ; soit il fallait inventer une formule de nature à renforcer la sécurité de la France sans porter atteinte à la cohésion nationale. Considérant que le service national ne répondait plus aux besoins des armées – avec la part croissante des jeunes gens exemptés du service national, ce dernier n'est plus depuis longtemps le lieu de brassage social qui était une de ses raisons d'être –, le chef de l'État et le gouvernement ont opté pour la seconde solution. Ce qui signifie que la professionnalisation des armées n'exclut pas le maintien d'un service fondé sur le volontariat de jeunes, hommes et femmes, qui pourraient occuper des fonctions de sécurité et de cohésion au sens large. Dans ce cadre, les armées devraient perdre 24 % de leurs effectifs, entre 1997 et 2002, et réduire la place accordée au contingent tout en recrutant un personnel, militaire et civil, qui corresponde aux nouveaux critères.

L'armée de métier en Europe

La Grande-Bretagne ne fait plus appel à des conscrits depuis 1957 et a supprimé définitivement le service obligatoire en 1963. La Belgique a décidé de passer à l'armée de métier en supprimant le service national obligatoire en 1994 et en fixant la date de 1997 pour mener à bien la réorganisation de son armée. Les Pays-Bas mettent progressivement sur pied une armée de métier, et il n'y aura plus de recrues incorporées en 1998. L'Espagne a commencé à s'interroger sur la nécessité de maintenir un service de neuf mois devenu inégalitaire (jusqu'à 60 % des appelés sont exemptés selon les années).

Un service basé sur le volontariat

Dans ces conditions, les armées devraient comprendre 330 000 militaires de carrière ou sous contrat (officiers, sous-officiers et militaires du rang engagés), 83 000 civils et quelque 27 000 volontaires du service national. Ces derniers accompliront un service militaire de durée variable – entre neuf et seize mois –, dans les trois armées et leurs services communs, la gendarmerie, la police, les douanes, la sécurité civile et la protection de l'environnement. D'autres formes de volontariat sont plus précisément envisagées. D'une part, un service dit « de cohésion sociale et de solidarité », au sein d'organismes publics et d'associations d'accueil, d'insertion et d'urgence sociale ; de l'autre, un service dit « de coopération internationale et d'aide humanitaire ». Si les modalités pratiques de ces deux services civils ne sont pas encore arrêtées, il est acquis qu'ils ne seront pas gérés par le ministère de la Défense. La mise en place du volontariat est subordonnée à la création d'un « rendez-vous citoyen », une courte période pendant laquelle les jeunes Français, à l'âge de dix-huit ou dix-neuf ans, recevront une information civique sur la collectivité nationale, ses règles de vie, le fonctionnement des institutions et sur les enjeux de la défense.

La majorité des observateurs de la « chose » militaire estiment que la réussite de la réforme dépendra de la façon dont les jeunes Français concernés par le nouveau service vivront la période de transition, entre 1997 et 2002. Une transition qui apparaît d'autant plus délicate qu'elle se double d'une professionnalisation des armées, dont il est clair qu'elle demeure l'objectif principal. La diminution progressive des appelés pendant cette période intermédiaire de six ans répond à un double souci : il faudra en effet poursuivre l'accueil des bénéficiaires d'un report d'incorporation (les fameux sursitaires), puis satisfaire les besoins des ministères civils.