Journal de l'année Édition 1996 1996Éd. 1996

Le système bancaire est très fragilisé par les conséquences de ses excès spéculatifs des années 85-90. Les plus pessimistes estiment à 1 000 milliards de dollars (deux fois le chiffre officiel) le total des créances irrécupérables qui accablent les banques et les organismes de crédit, soit 20 % du PIB. Cette situation hypothèque toute perspective de reprise. La fragilité du gouvernement et le discrédit de l'Administration ne leur permettent pas de recourir à l'argent public pour organiser le sauvetage. Pour la première fois depuis la guerre, le ministère des Finances laisse deux banques régionales faire faillite.

L'étoile montante de la politique japonaise : Hashimoto Ryutaro

Né à Tokyo, en 1937, il fait partie de ces « élus de deuxième génération », très nombreux au PLD. Au sortir de l'université Keio (à Tokyo), il « hérite » à 26 ans du fief électoral d'Okayama-2, que son père, ancien ministre, détenait jusque-là. Conformément au système d'avancement à l'ancienneté, de rigueur au sein du PLD, il doit attendre quinze ans avant d'obtenir un portefeuille ministériel en 1978 (celui de la Santé). Protégé de Noboru Takeshita, chef du plus puissant clan du PLD, sa carrière s'accélère. Il est ministre des Transports en 1986, au moment de la privatisation des chemins de fer, secrétaire général du parti (un poste clé pour futur « premier ministrable »), puis ministre des Finances, en 1989. À ce dernier poste, il est exposé à tous les scandales qui accompagnent l'éclatement de la « bulle spéculative ». Il doit démissionner en 1991 et reste en retrait dans les luttes qui divisent le PLD, quoique très opposé à la faction néoconservatrice d'Ichiro Ozawa, qui finit par quitter le parti en 1993. Dans la recomposition chaotique qui débute alors, il occupe une place stratégique comme président de l'Association des anciens combattants et victimes de guerre. Dès le retour du PLD aux affaires, il est ministre du Commerce international et de l'Industrie, où il tient tête aux exigences américaines sur le marché de l'automobile. Cet épisode lui vaut un regain de popularité. En septembre 1995, il devient président du PLD, vice-Premier ministre et candidat à la direction du pays (si le PLD gagne les prochaines élections). Nationaliste affirmé, il s'oppose violemment aux excuses que les socialistes et les modérés du PLD acceptent de présenter, en août, aux peuples victimes du colonialisme japonais. Si ses concitoyens ne le suivent pas sur ce point, ils sont attirés par son image d'homme énergique, susceptible d'être le leader que le pays désire en cette période de difficultés.

Chrono. : 17/01, 20/03, 14/04, 19/04, 5/05, 16/05, 28/06, 23/07, 15/08.

Corée du Sud

Dans la péninsule coréenne, la tension est vive toute l'année, Pyongyang ayant tenté d'amener Washington à un dialogue bilatéral excluant Séoul. Jusqu'à l'été, le Nord refuse d'accepter les réacteurs atomiques fabriqués par le Sud, comme prévu par les accords d'octobre 1994, et menace de réactiver son dangereux programme nucléaire. L'incapacité du « Cher Leader » Kim Jong-il d'assumer effectivement la direction d'un pays surarmé et à bout de souffle est un facteur d'incertitude redoutable.

À Séoul, le président Kim Young-sam navigue entre la modération (il veut éviter une crise qui le mettrait en porte-à-faux vis-à-vis des Américains) et la fermeté indispensable à la sauvegarde de son autorité. La campagne de réforme et de lutte contre la corruption, qui avait assuré sa popularité, s'essouffle. Les élections locales de juin le poussent à se rapprocher du monde des affaires et des grands conglomérats (les grands chaebol), dont certains ont défendu ses couleurs, alors qu'il les avait jusque-là beaucoup critiqués. Après avoir frôlé 90 %, la cote de popularité du premier président coréen démocratiquement élu n'est plus aujourd'hui que de 50 %. Sa fragilisation ranime la « guerre des trois Kim ». La vieille garde conservatrice, menée par Kim Jong-pil, a quitté le Parti démocrate libéral (PDL, présidentiel) pour fonder le Parti libéral démocrate unifié (PLDU). Les élections locales du 27 juin, les premières depuis 1961, sont un grave revers pour le PDL. Il obtient 33,8 % des voix contre 30,5 % au Parti démocrate (PD) et 10,8 % au PLDU. Le PD remporte la mairie de Séoul. Ce succès pousse le vieux Kim Dae-jung, leader historique du PD, à renier la promesse qu'il avait faite de quitter la politique après son échec aux présidentielles de 1992 et à créer une formation : le Congrès national pour une nouvelle politique. À ce scrutin, aucun des trois grands partis n'arrive à s'imposer hors de sa base régionale, et l'hostilité contre les politiciens établis s'avère importante : les candidats indépendants recueillent 25 % des voix. La révélation, en octobre, de l'existence de 650 millions de dollars amassés par l'ancien président Roh Tae-woo (1988-1993) sur des comptes ouverts par des prête-noms menace de dévoiler une véritable « corruption structurelle » de l'establishment. Dix des grands chaebol font déjà l'objet d'investigations. Les trois Kim sont soupçonnés d'avoir reçu des fonds secrets de l'ancien président. La suite de l'enquête risque de déstabiliser toute la classe politique, alors que des élections législatives sont prévues pour avril 1996. En décembre, c'est au tour de son prédécesseur à la présidence, Chu Doohwan, d'aller en prison pour sa responsabilité dans le coup d'État de décembre 1979 et dans la tuerie de Kwangju, en mai 1980.