Côté démocrate, il est clair que le président Clinton entend bien se succéder à lui-même. Le président se cherche donc une stratégie électorale : faut-il se recentrer en disputant aux républicains les classes moyennes ou se radicaliser pour consolider l'électorat traditionnel des démocrates ? Il choisit la première direction (en décembre 1994 il a mis en place un programme d'allégements fiscaux pour la classe moyenne) au risque de se mettre en porte-à-faux avec la stratégie de son parti, qui veut récupérer les voix populaires ayant fait défaut aux élections sénatoriales.

La conjoncture économique reste favorable à Bill Clinton : le chômage oscille autour de 5,5 % et la productivité remonte. Même si la conjoncture du printemps est moins favorable que l'an passé, la baisse du dollar et des taux d'intérêt favorise la reprise à court terme. Les perspectives d'avenir de l'actuel président s'améliorent donc notablement, d'autant qu'il retire peu à peu les bénéfices de sa politique étrangère.

Les orientations de la politique étrangère

Il est remarquable qu'en dépit de critiques incessantes et de résultats d'abord incertains l'administration Clinton ne cesse d'enregistrer des succès de politique étrangère. Elle a appris à concilier ses idéaux avec la réalité, sans modifier pour autant ses objectifs initiaux. Ce que les observateurs ont d'abord eu du mal à comprendre, c'est que cette politique était résolument différente dans ses objectifs et dans ses procédés de celle de la guerre froide. Négociations, concessions et compromis ont pris le dessus parce qu'il n'y a plus de véritable ennemi. Le recours à la force est considéré comme une solution coûteuse et politiquement dangereuse qui ne doit être utilisée qu'en toute dernière extrémité. Lente et prudente, la diplomatie des États-Unis utilise sa puissance économique, éventuellement épaulée par la menace militaire, pour faire avancer les dossiers.

L'affaire de la Corée du Nord, en 1994, a été exemplaire de cette politique. Une longue négociation, extraordinairement complexe, appuyée par des démonstrations de force, a permis d'empêcher Pyongyang de se doter d'une capacité nucléaire militaire. Sans doute a-t-il fallu « payer » l'agrément nord-coréen, mais tous les États de la région se félicitent de la solution négociée en août 1994, que seuls les États-Unis étaient en mesure de mettre en œuvre.

S'il est vrai que la politique extérieure ne mobilise pas les Américains, il est faux de croire à un retour à l'isolationnisme. Les sondages révèlent que les Américains sont convaincus de la nécessité d'un engagement mondial et d'une véritable implication de leur pays dans l'action internationale. Le narcissisme américain ne doit pas être confondu avec l'isolationnisme. Sensible à ces dispositions de l'opinion, le président Clinton a compris qu'il pouvait tirer profit d'une politique étrangère plus hardie, surtout s'il l'orientait subtilement dans le sens souhaité par certains lobbies ethniques traditionnellement démocrates (juifs, irlandais, polonais, etc.). Mais bien des malentendus subsistent. La crainte de certains États européens d'un repli isolationniste des États-Unis est parfois entretenue à dessein. Elle est aussi confortée par la tactique récente de l'administration Clinton qui, au printemps 1995, a décidé de jeter l'opprobre sur ses adversaires en les accusant d'isolationnisme. L'effort des républicains pour réduire les crédits consacrés à l'aide extérieure facilite cette attaque ; le secrétaire d'État Warren Christopher peut, à juste titre, faire valoir que le seul résultat de telles économies sera de diminuer l'influence des États-Unis dans le monde.

En réalité, républicains et démocrates ont parfaitement compris qu'il n'y avait pas d'autre voie pour les États-Unis que la participation intense aux affaires du monde. Mais pour atteindre ce même but, deux stratégies s'opposent : d'une part le multilatéralisme, qui cherche à agir dans un cadre concerté aussi large que possible ; d'autre part l'unilatéralisme, qui donne la priorité à l'intérêt national et compte sur la capacité d'entraînement des États-Unis.