Journal de l'année Édition 1996 1996Éd. 1996

Chrono. : 12/03, 11/05, 17/10.

Pakistan

Au Pakistan, la scène politique intérieure est marquée par une intensification de la violence politique et ethnique, essentiellement concentrée à Karachi, capitale de la province du Sind et centre économique du pays. Les mohajirs (« réfugiés »), des musulmans de langue ourdoue qui ont choisi d'émigrer de l'Inde vers le Pakistan au moment de la partition, sont au cœur de l'agitation. Ils continuent de s'insurger contre la politique, jugée discriminatoire, du Premier ministre Benazir Bhutto, originaire du Sind. Le fer de lance de l'agitation est le Mohajir Qaumi Movement (MQM), un parti fascisant, clandestin depuis 1992, prônant l'action violente et dirigé depuis Londres par Altaf Husayn. Entre janvier et octobre, plus de mille personnes trouvent la mort à Karachi au cours d'émeutes, où s'expriment autant les rivalités entre sindis et mohajirs que celles qui déchirent le MQM. Celui-ci est en effet partagé entre les haqiqi (les « vrais »), une faction radicale dissidente soutenue par les autorités pour diviser le mouvement mohajir, et les partisans d'Altaf Husayn, qui, dans un mémorandum adressé au secrétaire général de l'ONU Boutros Boutros-Ghali en avril, appelle la communauté internationale à se mobiliser contre le génocide dont est victime sa communauté.

Les minorités religieuses ne sont pas épargnées par le climat de tension. En février 1995, la condamnation à mort pour blasphème, par le clergé islamique, d'un chrétien de quatorze ans provoque le soulèvement de la communauté chrétienne du Pakistan (1 à 2 % de la population). L'opposition du Premier ministre Benazir Bhutto et la mobilisation de la communauté internationale permettent au jeune garçon d'être finalement gracié.

Avec la disparition de son fondateur G.M. Syed, en avril, le mouvement séparatiste sindi « Jeay Sindh » perd l'un de ses principaux idéologues. G.M. Syed était en effet l'un des plus vieux leaders du mouvement national sindi, fractionné en de multiples tendances.

Aux termes d'un accord signé en 1992, c'est dans le Sind que doivent être rapatriés quelque 250 000 Biharis, des habitants du Bangladesh ayant opté pour le Pakistan en 1971 (date de la création du Bangladesh). Dans ce contexte de tension entre les communautés, les pourparlers qui se déroulent en mai entre Dacca et Islamabad achoppent sur l'opposition de Benazir Bhutto, qui craint qu'une telle opération ne provoque de nouveaux éclats de violence ethnique dans la province du Sind.

Ce climat de violence et d'instabilité pèse sur l'économie et ébranle la confiance des investisseurs. Le taux de croissance, inférieur aux prévisions (évalué à 4,7 % en juin 1995), le taux d'inflation de 14 % et le déficit public (estimé à 5,6 % du PNB) forment un bilan peu attractif. Pour relancer son prêt de 1,5 milliard de dollars sur trois ans, le FMI s'inquiète de la chute des réserves de devises du pays, passée de 2,74 milliards de dollars en juin à 1,99 milliard en août.

Sur le plan international, une certaine amélioration des rapports avec les États-Unis se traduit par la décision, prise conjointement par Islamabad et Washington en janvier, de rétablir le groupe consultatif interne, lieu de débat sur les questions de sécurité. En mars, l'attentat perpétré contre deux membres du Consulat américain de Karachi ne remet pas en cause le rapprochement des deux pays. Les relations avec le voisin indien continuent d'être empoisonnées par la question du Cachemire, le gouvernement pakistanais n'hésitant pas à soutenir une grève générale organisée, en février, en faveur des militants de la province indienne. Par ailleurs, le Pakistan continue de consacrer 30 % de son budget à la défense.

Portrait d'un rebelle : Altaf Husayn

Né à Karachi, vers 1950, au lendemain de la partition de l'Inde et du Pakistan, fils d'un employé des chemins de fer, mohajir originaire d'Agra (Uttar Pradesh), Altaf Husayn prend très tôt conscience des inégalités entre les minorités ethniques qui composent le Pakistan. En 1978, après des études en sciences politiques, il fonde en Grande-Bretagne la All Pakistan Mohajir Students Organization (APMSO). En 1984, ce parti aux tendances fascisantes, rebaptisé le Mohajir Qaumi Movement (MQM), est trois fois vainqueur aux élections municipales de Karachi, où les mohajirs représentent 60 % de la population. En 1992, l'intervention à Karachi de l'armée fédérale, dépêchée par le gouvernement pour faire taire les voix dissidentes du MQM, le contraint à l'exil. Depuis Londres, d'où il dirige désormais le mouvement mohajir, Altaf Husayn réclame l'instauration de quotas qui réserveraient aux mohajirs la moitié des places dans l'Administration et la moitié des sièges au Parlement du Sind. En août 1995, il durcit sa position et exige la création d'une province mohajir séparée. Altaf Husayn est accusé par la justice pakistanaise d'avoir commandité de nombreux crimes.

Chrono. : 10/03, 19/04, 1/07, 1/10.

Bangladesh

Le Bangladesh ne parvient pas à sortir de la crise politique née de la lutte sans merci que se livrent Hasina Wajed, le dirigeant du principal parti d'opposition, la ligue Awami, et le chef du gouvernement actuel, Mme Khaleda Zia, dirigeante du Bangladesh Nationalist Party (BNP). Pour mettre fin à une succession de grèves qui paralysent depuis le début de l'année l'activité politique et économique du pays, Khaleda Zia fait appel à l'armée en mars pour lever le « siège de Dacca », la capitale du Bangladesh. En juillet, la Cour suprême décrète vacants les sièges abandonnés par les partis d'opposition qui, depuis mars 1994, boycottent le Parlement pour réclamer l'organisation d'élections partielles. Mais cet arbitrage se heurte une nouvelle fois au refus de l'opposition qui persiste à réclamer l'organisation d'élections générales et la constitution d'un gouvernement intérimaire neutre.