En pleines turbulences, Air France transporte son siège social au bord des pistes de Roissy dans une sobre cité tertiaire dont la maille enserre des jardins intérieurs et se noue par des cages de verre concentrant les circulations. Cette opération, profilée par la crise, a survécu grâce à sa grande rationalité constructive. Débutée à l'été, l'installation des services s'est achevée à l'automne avec la construction. Ses architectes, Valode et Pistre, ont également livré l'université privée des Hauts-de-Seine, mieux connue sous le nom de « Fac Pasqua », élevée à la Défense sous forme d'immeuble de grande hauteur (IGH), conformément à l'esprit du lieu. Une première à tout point de vue, hautement contestée pour ses modalités de financement et de fonctionnement plus que pour sa construction portée par mimétisme et obligation réglementaire de conformité aux standards internationaux de la construction tertiaire, à bonne encablure de la coutumière misère universitaire. Cette réalisation est doublée sur place par les 36 étages de la tour Société générale, qui pointe ses fuseaux jumeaux à la Défense (Andrault et Parat, architectes, avec Christian Germanaz) : quelque 140 000 m2 initialement projetés sur Tolbiac-Masséna, dans un genre moins convenu, par Jean-Pierre Buffi, coordinateur de la ZAC du parc de Bercy.

La ville en question

Paradoxalement, l'actualité architecturale reste tertiaire et commerciale jusque dans les Régions. À Lille, ces éléments de programme (tours de bureaux, centre commercial...) sont accommodés à la dimension urbaine. De taille exceptionnelle, le projet Euralille – dont c'est l'année de mise en route – focalise le débat plus sûrement que l'enclave réservée de la BNF. L'électrochoc administré par Rem Koolhaas, architecte en chef de l'opération, laisse le badaud sur le carreau. La paisible ville de Lille s'administre ainsi un remède d'une rare violence pour se réveiller à l'aube du xxie siècle. La « congestion urbaine » érigée en mode opératoire consacre la rupture : plafond crevé de tours et pavé d'un centre intégré lancé en pleine ville. Le TGV qui innerve l'opération lui sauvera la face. Pris dans le lacis routier, le palais des congrès (Rem Koolhaas, architecte) est un virtuose assemblage de matériaux pauvres qui désigne l'outil. Assurément, le débat rebondira. Plus discrètement, la Cité internationale de Lyon, dont la forme épouse le tracé de l'ancien palais de la Foire, a livré ses premiers maillons à l'automne : immeubles de bureaux, palais des congrès et centre d'art contemporain enfilés sur une rue centrale comme autant de perles de brique et de verre (Renzo Piano, architecte).

Enfin, le palais européen des Droits de l'homme, livré par sir Richard Rogers sur les bord de l'Ill, à Strasbourg, est carrément passé inaperçu : une sorte de comète dont la tête cylindrique et métallique s'assortit d'une traîne de béton où les façades en gradins appellent à l'insurrection de la végétation. La nature comme avenir de l'architecture ?

François Lamarre
Rédacteur en chef d'Architectures