La France connaît le même ralentissement en début d'année : plus marqué que prévu, celui-ci se poursuit au-delà du troisième trimestre 1995. Il est vrai que le calendrier de l'Union économique et monétaire (UEM) comme la nécessité de maîtriser l'évolution de la dette publique laissent peu de répit aux pouvoirs publics : la priorité fixée de ramener d'ici à 1997 le déficit des administrations publiques sous le seuil des 3 % du PIB conduit ces derniers à accroître les prélèvements obligatoires (44 % du PIB), qui pèsent sur le revenu des ménages. À cet égard, l'année 1995 déçoit : la phase de reprise enregistrée en 1994 ne s'est pas confirmée, la croissance restant très molle (2,5 %). Faible progression des investissements, consommateurs moroses, climat de confiance dégradé et problèmes de lisibilité de la politique économique expliquent les hésitations de la croissance.

Les soubresauts de l'Union monétaire

Le sommet de Madrid, qui clôture les 15 et 16 décembre la présidence espagnole de l'Union européenne, donne le coup d'envoi du compte à rebours de la monnaie unique. Les quinze chefs d'État et de gouvernement se mettent en effet d'accord sur son nom – dans chaque langue, le préfixe « euro » accordé à la monnaie nationale – et sur un scénario organisant la transition entre le régime des monnaies nationales et celui de la monnaie unique. Après le lancement de l'Union monétaire au 1er janvier 1999, seules les banques centrales et les banques d'affaires seront tenues dans une première phase de réaliser leurs opérations en monnaie unique. Puis, au plus tard le 1er janvier 2002, la monnaie unique fera son entrée dans la vie quotidienne des citoyens sous forme de billets et de pièces, signifiant l'abandon du Deutsche Mark, de la livre ou du franc.

Cependant, le sommet de Madrid ne permet pas d'apaiser les tensions monétaires apparues entre les Quinze au cours de l'automne concernant l'appréciation des critères de Maastricht. Alors qu'il reste moins de deux ans aux pays candidats à la monnaie unique pour remplir les conditions prévues par le traité de Maastricht (au 31 décembre 1997, ils devront avoir réduit leur inflation, ramené leur déficit budgétaire sous la barre des 3 % du PIB, leur endettement public sous le seuil des 60 % du PIB et afficher une monnaie stable), l'Allemagne, peu encline à abandonner son Deutsche Mark pour une monnaie plus faible, ne cesse de militer en faveur d'un strict respect des critères, voire de leur renforcement. La France, accusée de laisser filer ses finances publiques et soumise aux pressions des marchés financiers, réagit en s'engageant fermement à réduire son déficit budgétaire à moins de 3 % du PIB en 1997, contre plus de 5 % en 1995.

Croissance et tensions en Asie

L'activité dans les pays émergents d'Asie reste dynamique en 1995, avec un taux de croissance de 7,5 %. Principal moteur de la région, la Chine enregistre une décélération de sa croissance économique (sous la barre des 10 % contre 11,8 % en 1994) : grâce à une politique d'encadrement du crédit, les autorités du pays évitent la surchauffe en parvenant à maîtriser la croissance de l'investissement privé et à ramener l'inflation sous la barre des 20 %. Cependant, l'absorption par l'État des pertes des entreprises publiques nourrit un déficit budgétaire (1,2 milliard de dollars sur les huit premiers mois de l'année) dont la persistance constitue une menace économique. La réforme fiscale mise en œuvre en 1994 (introduction de la taxe sur la valeur ajoutée) n'est pas encore complètement respectée.

Quoique progressant à un rythme plus modéré, l'Inde, le deuxième géant asiatique, connaît aussi en 1995 une situation favorable. L'économie, dopée par la production industrielle, croît au rythme de 5,5 %. Cependant, comme la plupart des pays de la zone – à l'exception notable de la Chine –, l'Inde voit sa balance commerciale se détériorer sous l'effet de la croissance rapide des importations.

L'ensemble des pays émergents de la zone pâtit du ralentissement de l'économie chinoise et des incertitudes politiques liées à la question de la succession du dirigeant chinois Deng Xiaoping. Certes, le taux de croissance moyen reste très élevé : les nouveaux pays industrialisés (NPI) – Hongkong, Singapour, Taïwan et Corée du Sud – enregistrent une progression de leur activité de l'ordre de 7,1 %. Enfin, la dépréciation des monnaies nationales (alignées sur le dollar) par rapport au yen stimule les exportations.