Journal de l'année Édition 1996 1996Éd. 1996

Pour préserver la qualité du processus de création publicitaire, l'agence Grey a eu la démarche la plus exemplaire. Elle a demandé sa certification ISO 9001. Ce label, très recherché par les fabricants parce qu'il prouve une extrême exigence dans l'élaboration des produits, sera délivré pour la première fois à une entreprise de services, si Grey l'obtient.

Le lancement de Windows 95 par Microsoft, l'entreprise de Bill Gates, constitue le plus grand lancement publicitaire jamais réalisé jusqu'à présent. Non seulement un budget colossal (200 millions de dollars) a été alloué à la publicité commerciale, mais, en plus, la presse écrite et les télévisions ont consacré leurs gros titres à l'événement. Microsoft avait également acheté pour 12 millions de dollars les droits d'utilisation de la chanson des Rolling Stones Start Me Up pour initier la planète à un nouveau monde informatique.

Saatchi

Suite à la démission forcée de Maurice Saatchi par son conseil d'administration, le groupe Mars remet en compétition l'ensemble de ses budgets gérés de par le monde par Saatchi & Saatchi, soit environ 1 milliard de dollars. La compagnie aérienne British Airways fait de même. Et Maurice Saatchi repart aussitôt pour une nouvelle aventure en créant une structure qu'il baptise provisoirement « The New Saatchi Agency ». Les frères Saatchi avaient fait fortune en montrant, dans une publicité anglaise, devenue célèbre, un homme « enceinte ». Il s'agissait d'une campagne pour une marque de tampons hygiéniques qui disait : « Imaginez comment les hommes se comporteraient s'ils avaient leurs règles. »

Sony innove en lançant une signature publicitaire qui n'utilise pas des mots mais des symboles. Une oreille, un œil, une main et une bouche – regroupés dans un logo – constituent pour l'agence DDB le nouveau code de Sony pour l'Europe. Ce logo représente ainsi les quatre sens : l'ouïe, la vue, le toucher et la parole.

Pierre et Sylvie sont divorcés

Ils aiment leur fille, Chloé, confiée à maman la semaine et à papa le week-end. Les aventures de ce jeune couple séparé constituent le scénario des spots de Publicis pour le café soluble Nescafé. « Aujourd'hui, alors qu'un couple sur trois divorce, nous sommes les premiers à oser nous attaquer à cette réalité sociale que constitue la famille éclatée », affirme l'agence de publicité.

Le footballeur Éric Cantona fait de la publicité sous les couleurs des rasoirs Bic. Habillé en orange, il fait la promotion du célèbre Bic orange. À côté de lui, son frère Joël, moins connu, vêtu de vert, parle de l'encore peu connu Bic vert. Mieux encore, on retrouve le sportif, coiffé d'une charlotte rose, dans une douche de la même couleur. Il y vante la version rose du rasoir, destinée aux femmes. C'est l'humoriste Valérie Lemercier qui a réalisé ces films pour Euro-RSCG.

Le retour à la loi

L'autre phénomène notable, c'est le poids de plus en plus important du juridique dans la communication. Ainsi, pour lancer le principe de la livraison « 24 heures gratuit », les 3 Suisses et leur agence BDDP ont opté pour la publicité comparative. La loi autorise ce type d'opération depuis plusieurs années, mais, jusqu'à présent, aucune grande marque ne s'y était risquée, autant par éthique qu'en raison de la complexité du cadre législatif. La campagne des 3 Suisses faisait référence au service « 48 heures chrono », lancé par la Redoute en 1984. Mal lui en a pris car le « vépéciste » a été condamné à recouvrir l'ensemble des affiches en une nuit, sous peine d'astreinte de cinq cent mille francs par infraction constatée. L'agence en tire la conclusion suivante : « La publicité comparative n'est donc pas autorisée, contrairement à ce qu'affirme la loi. » Désormais, derrière chaque homme de communication, la présence d'un expert juridique se fera de plus en plus nécessaire.

Quant au personnage qui aura le plus marqué l'année, c'est sans conteste Pierre Dauzier. Le président d'Havas a fait de son entreprise le cinquième groupe de communication mondial en absorbant les activités presse de la Générale occidentale, dont font partie les célèbres magazines le Point et l'Express. Mais, en plus, il a réussi à faire venir au sein de la firme deux des plus fortes pointures de la publicité française : Benoît Devarrieux – le patron créatif qui avait rejoint l'an passé CLM/BBDO après le décès de Philippe Michel – et Jean-Pierre Villaret – vice-président pour l'Europe de la très sérieuse Young & Rubicam. P. Dauzier leur a confié une filiale, qu'ils ont rebaptisée Devarrieux-Villaret, et ils ont déjà à leur actif les nouvelles publicités Eram, Crédit Lyonnais et Club Méditerranée. « Nous allons réinitialiser la publicité », promettent-ils. Cette entité, qui après moins de un an d'existence est déjà prestigieuse, jouera sans aucun doute un rôle majeur dans le renouveau de la qualité du produit publicitaire.

Jean-Michel Wagner
Responsable du planning stratégique chez Bordelais Lemeunier/Leo Burnett